samedi 30 décembre 2017

Djihad mondial

  • Après l’annonce du Président Poutine à propos de la suppression d’une « partie substantielle » des forces russes en Syrie, le processus d’évacuation a commencé cette semaine. Selon les rapports des médias russes, des avions, diverses forces de l’armée de terre et du matériel militaire ont été évacués de Syrie. Le porte-parole du Pentagone a déclaré en réponse que les États-Unis n’avaient pas remarqué une réduction significative de la présence russe en Syrie. Cependant, selon le porte-parole, les forces de la Coalition et des Etats-Unis continueront d’appuyer les « forces locales » afin de stabiliser la situation dans les territoires libérés et de compléter la victoire sur l’Etat islamique.
  • Au cours de la campagne de reprise d’Idlib, les batailles se sont poursuivies entre les forces syriennes et le Siège de Libération d’Al-Sham au Nord-Est de Hama. L’Etat islamique, pour sa part, continue de mener des actes de terrorisme et de guérilla dans diverses régions de la Syrie, dont une attaque contre des positions d’une milice affiliée au régime syrien dans un quartier situé à la périphérie de Damas, qui comprenait l’utilisation de terroristes suicide et l’assassinat de deux commandants des Gardiens de la révolution dans la région rurale de Deir ez-Zor. En Irak, les affrontements se poursuivent entre les forces de sécurité irakiennes et les membres de l’Etat islamique, alors que les forces irakiennes continuent de mener des opérations de ratissage dans les diverses provinces.
  • A l’étranger, l’Etat islamique poursuit sa campagne terroriste, avec des attaques dans la province de Khorasan (Afghanistan/Pakistan). Cette semaine, des terroristes suicide ont visé le centre de formation de la Direction de la sécurité nationale afghane dans la capitale Kaboul ; au Pakistan, des terroristes suicide ont mené une attaque contre une église ; en Egypte, un missile a frappé l’aéroport d’Al-Arish lors d’une visite des ministres de la Défense et de l’Intérieur. Un lieutenant-colonel et un colonel ont été tués. L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque (20 décembre 2017). À Saint-Pétersbourg, en Russie, un attentat suicide visant une église (Cathédrale de Kazan) a été déjoué suite à des informations données aux Russes par la CIA. Le Président russe a remercié son homologue américain.
La Russie et les Etats-Unis
Incident entre des avions russes et américains dans le secteur de l’Euphrate
  • Un haut responsable du Pentagone a confirmé que le 13 décembre 2017, deux avions américains ont tiré des fusées d’avertissement en direction d’avions russes qui avaient dévié de leur cours et volaient à l’Est de l’Euphrate dans une « zone de sécurité » convenue entre les deux parties. Après le tir des fusées d’avertissement, les deux avions russes ont quitté la zone (Washington Examiner, 14 décembre 2017). Le ministère russe de la Défense a nié ces rapports, qui ont été publiés dans les médias britanniques et américains. Selon sa version, les deux avions escortaient un « convoi d’aide humanitaire » près de la ville d’Al-Mayadeen, sur la rive Ouest de l’Euphrate. Selon le ministère russe de la Défense, les avions américains ont perturbé le vol des appareils russes, mais lorsqu’un autre avion russe a été envoyé dans la région, les avions américains ont quitté le secteur (Page Facebook du ministère russe de la Défense, 14 décembre 2017).
  • Le lieutenant-colonel Damien Pickart, porte-parole de l’US Air Force, a noté que, conformément à un accord oral entre les Etats-Unis et la Russie de début Novembre, les forces russes opèrent du côté occidental de l’Euphrate et les forces américaines à l’Est (où opèrent les FDS). Selon lui, les forces russes ont violé cet accord à plusieurs reprises dans le passé et ont survolé l’Est de l’Euphrate sans avertissement préalable. Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a déclaré qu’il n’était pas encore possible de déterminer si cet incident et des incidents semblables dans le passé sont une erreur, un manque de coordination entre les parties, ou sont liés à une autre raison (CNN, 15 décembre, 2017 ; site Internet du Département américain de la Défense, 15 décembre 2017 ; Radio Liberty, 16 décembre 2017).
Evacuation des forces russes en Syrie
  • Sur l’ordre du Président russe Vladimir Poutine, l’évacuation des forces russes en Syrie a débuté. Selon un rapport du ministère russe de la Défense, après avoir terminé leur mission en Syrie, les appareils Su-34 stationnés à Hmeymim sont retournés à la base de l’armée de l’air de Khurba en Russie. Les membres des unités du génie, y compris les démineurs, les experts et les ingénieurs de terrain, sont aussi retournés en Russie (Agence de presse Tass, 14 décembre 2017, et 17 décembre 2017). En plus des unités d’ingénierie, des armes, des véhicules blindés, des systèmes robotisés et des machines lourdes ont aussi été envoyés en Russie (Agence de presse Tass, 17 décembre 2017). D’autre part, Alexeï Borodavkin, l’envoyé spécial de la Russie aux pourparlers de Genève, a déclaré que l’armée russe restera aux bases de Hmeymim et Tartous afin de soutenir les Syriens dans la lutte contre le terrorisme, et en particulier contre le Front Al-Nusra (le Siège de Libération d’Al-Sham), qui est encore actif en Syrie (Agence de presse Tass, 15 décembre 2017).
    
Le porte-parole du Pentagone Adrian Rankine-Galloway a déclaré que les Etats-Unis n’avaient pas remarqué une réduction significative de la taille des forces russes en Syrie depuis la déclaration du Président Poutine (11 décembre 2017). Toutefois, il a ajouté que le retrait des forces russes n’aurait pas d’incidence sur les priorités des Etats-Unis en Syrie et que les forces de la Coalition continueront à opérer et à appuyer les « forces locales » afin de compléter la victoire militaire sur l’Etat islamique et de stabiliser la situation dans les territoires libérés (Site Internet Radio Liberty, financé par le gouvernement américain, 13 décembre 2017).
Evacuation des civils russes de Syrie et d’Irak
  • En parallèle à l’évacuation des forces militaires de Syrie, la Russie procède à l’évacuation de ses civils des régions anciennement contrôlées par l’État islamique. Au cours des quatre derniers mois, plus de 90 femmes et enfants, y compris des citoyens de Tchétchénie, du Daghestan et d’autres régions de la Russie, auraient été évacués vers la Russie. Le 14 décembre 2017, Ramzan Kadyrov, chef de la République tchétchène, a annoncé que sur les ordres du Président Poutine, il poursuivra les efforts pour faire rentrer les citoyens russes de Syrie et d’Irak. Kheda Saratova, membre du Conseil des droits de l’homme de Tchétchénie, a déclaré que la Tchétchénie prévoit d’évacuer 104 femmes et enfants de Syrie et d’Irak. Selon Saratova, la plupart de ces femmes et enfants viennent de Russie et du Kazakhstan. Selon elle, environ 700 personnes ont exprimé leur désir de retourner dans leur pays et ont besoin d’aide (Agence de presse Tass ; site Internet du Kremlin, 14 décembre 2017).
  • Selon nous, les femmes et les enfants devant être évacués sont les veuves et les enfants des membres de l’Etat islamique qui sont morts dans les combats. Leur retour dans leur pays d’origine est de nature à causer de sérieux problèmes dans l’avenir puisqu’au moins certains d’entre eux ont subi un processus d’endoctrinement jihadiste durant leur séjour dans l’État islamique.
Principaux développements en Syrie
Poursuite des activités de guérilla de l’Etat islamique dans le secteur de Deir ez-Zor
  • L’agence de presse de l’Etat islamique a signalé que deux commandants des Gardiens de la révolution iranienne avaient été tués dans des affrontements avec des membres de l’Etat islamique dans la région de Deir ez-Zor. Les commandants, dont les photos ont été publiées, sont Qarah Mahdi Mohammadi et Mahdi Imani (Haqq, 15 décembre 2017).

La campagne de reprise d’Idlib
Préparatifs du Siège de Libération d’Al-Sham en vue de la campagne d’Idlib
  • Dès le début de la campagne de reprise d’Idlib, le Conseil Islamique du Siège de Libération d’Al-Sham (anciennement, le Front Al-Nusra), l’organisation dominante dans la région, a annoncé une mobilisation générale afin de mettre fin à l’avancée des forces syriennes. Les troupes syriennes auraient franchi la frontière de la Province d’Idlib, avec l’objectif d‘atteindre l’aérodrome militaire d’Abu Ad-Duhur (Al-Mayadeen, 14 décembre 2017). L’aéroport d’Abu Ad-Duhur, au Sud-Est d’Idlib, est probablement le premier objectif provisoire des forces syriennes.
  • Selon une source du Conseil de la Shura du Siège de Libération d’Al-Sham, des efforts sont faits pour créer une salle d’opérations de la plupart des organisations rebelles en Syrie du Nord. Selon la source, une réunion a été organisée à cette fin avec la participation d’Abu Mohammad Al-Julani, commandant du Siège de Libération d’Al-Sham, et d’autres commandants. Au cours de la réunion, un accord de réconciliation nationale a été conclu entre les organisations (Zaman Al-Wasl, 13 décembre 2017). Dans la foulée de l’accord, le 14 décembre 2017, le Siège de Libération d’Al-Sham aurait libéré la plupart des membres d’Ahrar Al-Sham (Al-Durar Al-Shamiya, 14 décembre 2017).
Affrontements locaux avec les forces du régime syrien
  • Selon des rapports du Siège de Libération d’Al-Sham, le 15 décembre 2017, des affrontements ont opposé les forces syriennes et des membres de l’organisation dans plusieurs sites au Sud-Est d’Idlib (Nord-Ouest de Hama). Des combats ont eu lieu autour du village d’Al-Mushayrifa, à environ 61 km au Sud-Est d’Idlib, et ailleurs. Selon des sources syriennes, l’armée syrienne a repris la ville (Sana, 16 décembre 2017). Le lendemain, il a été signalé que les forces avaient été contraintes de battre en retraite par crainte de perdre des soldats et du matériel militaire. Les avions de l’aviation russe ont mené plusieurs attaques aériennes contre des cibles dans la ville, en prévision de sa reprise par les troupes syriennes (Al-Bawaba News, 18 décembre 2017).
Affrontements entre le Siège de Libération d’Al-Sham et l’Etat islamique
  • Tout en luttant contre l’armée syrienne, le Siège de Libération d’Al-Sham se bat aussi contre l’Etat islamique dans une enclave située à environ 50 km au Nord-Est de Hama (voir carte). Ainsi, même lorsque les membres du Siège de Libération d’Al-Sham luttent pour leur propre existence, l’hostilité avec l’Etat islamique, le rival de l’organisation jihadiste, persiste, trouvant son expression dans des affrontements dans la zone rurale au Nord-Est de Hama.
Mort d’un haut commandant tchétchène
  • Un commandant tchétchène appelé Salah al-Din al-Shishani (cf., le Tchétchène) aurait été tué dans des affrontements entre le Siège de Libération d’Al-Sham et l’Etat islamique. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, le commandant tchétchène a été tué dans une frappe aérienne russe (Observatoire syrien des droits de l’homme, 17 décembre 2017 ; Mourassiloun, 18 décembre 2017).
  • Salah al-Din le Tchétchène était l’officier caucasien le plus gradé opérant en Syrie. En 2014-2015, il a dirigé une unité militaire appelé Jaysh al-Muhajireen wal-Ansar, qui était subordonnée au commandement du Front Al-Nusra (ce dernier est ensuite devenu le Siège de Libération d’Al-Sham). L’un des groupes de cette unité, dirigé par Omar le Tchétchène (qui a depuis été tué), a fait scission et a rejoint l’Etat islamique, et Salah al-Din le Tchétchène a rejoint l’Etat islamique. En 2014, il a essayé de convaincre l’organisation de joindre ses forces avec le Front Al-Nusra dans la lutte contre le régime syrien. Par la suite, Salah al-Din le Tchétchène a pris la tête d’un cadre militaire tchétchène appelé Jaysh al-‘Usrah, composé de jihadistes du Caucase qui a fait scission de Jaysh Al-Muhajireen wal-Ansar. Il semble que le groupe qu’il dirigeait a essayé de rester neutre dans les confrontations entre le Siège de Libération d’Al-Sham et les forces rebelles d’une part, et l’Etat islamique de l’autre (Al-Bawaba, 19 décembre 2017 ; Enab Baladi, 18 décembre 2017).
Attentat suicide de l’Etat islamique dans la banlieue de Damas
  • Le 13 décembre 2017, des membres de l’Etat islamique ont attaqué des postes des milices de défense nationale affiliées au régime syrien, dans le quartier de Tadamoun au Sud de Damas, près du camp de réfugiés de Yarmouk (qui est sous contrôle de l’Etat islamique). Trois terroristes suicide qui sont arrivés dans le quartier dans un véhicule à l’épreuve des balles, se sont fait exploser avec des ceintures explosives. D’autres terroristes, qui ont fait leur chemin à pied, ont pris d’assaut des bâtiments de la milice de Défense Nationale pour un court moment. Cinq membres de la milice ont été tués et plusieurs autres ont été faits prisonniers. Les membres de l’Etat islamique se sont retirés après que l’armée syrienne et ses milices ont envoyé des renforts (Orient News, 16 décembre 2017).
  •  La Province de Damas de l’Etat islamique a publié des photos où les membres ont été vu attaquer les positions des milices syriennes. Selon l’organisation, au moins deux soldats de l’armée syrienne ont été tués dans l’attaque, et des armes ont été saisies (Haqq, 15 décembre 2017).
    
Selon nous, cet attentat suicide a été réalisé à partir du camp de réfugiés de Yarmouk, au Sud de Damas, qui est sous contrôle de l’Etat islamique. Il indique que l’organisation possède encore des capacités opérationnelles et une grande motivation à mener ces attaques, même après la chute de l’État islamique.
Principaux développements en Irak
Désarmement des milices chiites
  • Après que le Premier ministre irakien Haydar Al-Abadi’hui a annoncé la libération complète de l’Irak de l’Etat islamique, Moqtada Sadr, un haut dirigeant chiite irakien, a annoncé que la guerre contre l’Etat islamique était terminée. Il a demandé à ses forces de rendre leurs armes et de démanteler la plupart de leurs avant-postes (Al-Nahar, 11 décembre 2017). Qais Al-Khaz’ali, le chef du groupe ‘Asa’eb Ahl Al-Haqq, a également annoncé qu’il plaçait ses membres sous le commandement du Premier ministre irakien et qu’il se contentait du bras politique de l’organisation (RT, 14 décembre 2017).
  • Ces déclarations font partie d’un débat interne irakien au sujet de l’avenir des milices chiites, mobilisées sur une grande échelle pour la campagne contre l’Etat islamique (qui, selon le Premier ministre irakien, a pris fin). Contre les voix appelant à démanteler les milices chiites et à les transformer en partis politiques, il y a aussi des objections. Ces objections sont nourries par l’Iran, qui considère les milices chiites comme un outil important pour promouvoir ses intérêts en Irak et en Syrie. Le mouvement des « Nobles », une grande milice chiite liée à la force Qods de l’Iran, a déjà commencé à établir sa légitimité pour la poursuite de son existence en Syrie et en Irak (une analyse à ce sujet sera prochainement publiée).
Activités de terrorisme et de guérilla de l’Etat islamique et activités anti-terroristes des forces irakiennes
  • Même après l’annonce du Premier ministre irakien sur la libération complète de l’Irak de la présence de l’Etat islamique, les affrontements se poursuivent entre les forces de sécurité irakiennes et les membres de l’Etat islamique dans les diverses provinces de l’Irak. Les membres de l’organisation dans les diverses provinces continuent leurs activités de terrorisme et de guérilla, tandis que les forces de sécurité irakiennes continuent à nettoyer les divers secteurs et à déjouer des attaques terroristes.
  • Ci-après les principaux événements de la semaine :
    • La région d’Al-Ramadi: Au moins 17 membres de l’Etat islamique, y compris des combattants étrangers, qui se cachaient dans un tunnel de la région de Wadi Al-Qadhf ont été tués dans un bombardement effectué par un avion irakien. L’attaque a été rendue possible grâce à des renseignements (Agence de presse irakienne, 17 décembre 2017).
    • La province de Diyala : Le siège des troupes de l’armée de terre irakienne a indiqué que 25 villages à la frontière entre les provinces de Diyala et de Salah Al-Din ont été épurés de la présence de l’Etat islamique. Des unités de la Mobilisation populaire (organisation affiliée aux milices chiites iraniennes) ont également pris part à l’opération. Les forces irakiennes ont fait exploser 15 engins piégés et ont détruit trois tunnels. L’armée de l’air irakienne, qui a fourni un soutien aux troupes, a détruit deux motos piégées (Al-Sumaria News, 17 décembre 2017).
    • La ville de Kirkouk : Les forces antiterroristes ont arrêté deux membres de l’Etat islamique et saisi des véhicules et des armes. Ces détentions ont été effectuées quelques minutes après l’attaque d’un avant-poste des forces de sécurité et du siège du front turkmène dans le quartier d’Al-Musalla à Kirkouk (à majorité turkmène) (Al-Sumaria News, 16 décembre 2017). [1]
    • La frontière entre l’Irak et la Syrie : L’Etat islamique a annoncé que ses membres avaient mis le feu à trois positions de la Mobilisation populaire et occupé trois postes supplémentaires, près de la frontière irako-syrienne, près du terminal de Safouq dans le Nord de l’Irak. Selon l’Etat islamique, sept membres de la Mobilisation populaire ont été tués et plusieurs autres ont été blessés. Plusieurs véhicules ont été touchés (Haqq, 17 décembre 2017).
    • Le secteur de Mossoul: Un terroriste suicide de l’Etat islamique qui a tenté de se faire exploser près de l’appartement du père d’un officier de la province a été tué dans l’explosion d’une grenade en sa possession. L’incident a eu lieu dans le village de Rafaylah, à 46 km au Sud de Mossoul (Agence de presse irakienne, 17 décembre 2017).
    • Frontière entre la province de Dila et la province de Salah al-Din : La Mobilisation populaire a annoncé que ses forces, avec les forces de sécurité irakiennes, ont nettoyé la région d’Al-Mutaybeejah de la présence de l’Etat islamique, à 66 km au Nord de la ville d’Aquba (Nord de Bagdad). Elles ont ensuite nettoyé les villages situés à proximité (Site Internet de la Mobilisation populaire, 17 décembre 2017).
    • Le 17 décembre 2017, l’Etat islamique a annoncé que ses membres avaient fait exploser plusieurs engins piégés dans la région d‘Al-‘Urayj, à environ 13 km au Sud de Mossoul. 13 membres de la Mobilisation populaire ont été tués et blessés (Twitter, 17 décembre 2017).
L’Egypte et la péninsule du Sinaï
Tir d’une roquette sur l’aéroport d’Al-Arish
  • Le 19 décembre 2017, un missile a été tiré sur l’aéroport d’Al-Arish. Le missile a frappé un hélicoptère au cours d’une visite du ministre de la Défense nationale Sedki Sobhy et du ministre de l’Intérieur Magdy Abdel Ghaffar. Les deux hommes étaient venus pour inspecter la situation sécuritaire de la ville. Deux officiers égyptiens – un lieutenant-colonel et un colonel – ont été tués dans l’explosion, dont apparemment le pilote de l’hélicoptère. Les ministres de la Défense et de l’Intérieur n’ont pas été touchés. L’hélicoptère a été endommagé. Les forces de sécurité égyptiennes ont fouillé le secteur à la recherche des auteurs. L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque (20 décembre 2017).
Sécurisation des institutions chrétiennes à l’occasion des fêtes
  • Suite à une réunion avec de hauts responsables de la sécurité, le ministre égyptien de l’Intérieur Magdy Abdel Ghaffar a ordonné aux forces d’élever le niveau d’alerte de sécurité au plus haut niveau pendant la période de Noël et du Nouvel An. Dans ce cadre, la présence de forces de sécurité dans les lieux de culte chrétiens sera augmentée et les recherches seront effectuées dans les zones adjacentes à toutes les églises (Al-Masry Al-Youm, 17 décembre 2017). Les lieux de culte chrétiens ont été la cible de plusieurs attentats terroristes meurtriers par les membres de l’Etat islamique en Egypte proprement dite et dans la péninsule du Sinaï. Les forces de sécurité égyptiennes estiment apparemment que le danger d’attaques contre des églises a augmenté à la lumière des menaces de l’Etat islamique de mener des attaques contre les Chrétiens pendant la saison des fêtes de fin d’année.


Activités de l’Etat islamique dans d’autres pays
Attentat suicide de l’Etat islamique contre un centre de formation de la direction de la sécurité nationale à Kaboul
  • Le 18 décembre 2017, l’Etat islamique a procédé à une attaque complexe contre le centre de formation des forces de sécurité nationale afghane dans la capitale Kaboul. [2] Dans la matinée, trois terroristes suicide ont pénétré dans l’immeuble actuellement en construction au-dessus du centre de formation. Les trois hommes se sont cachés à l’intérieur du bâtiment, à partir duquel ils avaient l’intention d’attaquer le centre de formation. Tous les trois ont été tués dans un échange de feu qui a commencé quand ils ont été découverts. Deux agents de sécurité afghans ont été légèrement blessés (Afghanistan Times, 18 décembre 2017).
  • L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque et a publié une déclaration totalement différente de la version afghane. Selon l’organisation, 150 membres du personnel des renseignements afghans ont été tués. Selon la version de l’Etat islamique, deux de ses membres équipés de ceintures explosives ont attaqué le centre de formation. Ils ont passé les contrôles de sécurité, ont fait exploser une voiture piégée, et ont ouvert le feu avec des armes légères. En outre, des grenades et des roquettes RPG ont été lancées. Au cours des échanges de coups de feu, les membres de l’Etat islamique ont fait exploser la voiture piégée contre un groupe de stagiaires. Au bout de quatre heures de combat, les deux membres ont fait sauter leurs ceintures explosives (Haqq, 18 décembre 2017). La version de l’Etat islamique semble disproportionnée.
    
Attentat de masse dans une église au Pakistan
  • Le 17 décembre 2017, deux terroristes suicide ont attaqué une église méthodiste de la ville de Quetta, la capitale de la province du Baloutchistan, dans le Sud-Ouest du Pakistan (environ 62 km à l’Est de la frontière pakistano-afghane). L’attaque a été effectuée tôt le matin, alors que près de 400 fidèles assistaient à la prière du dimanche à l’église. Les deux terroristes sont arrivés à l’église portant des gilets explosifs contenant environ 15 kg d’explosifs chacun. Un des terroristes s’est fait exploser près de la porte avant. L’autre agresseur n’a pas réussi à activer ses explosifs et a été tué par les forces de sécurité. Neuf personnes ont été tuées et plus de 50 blessées (Pakistan Times, 17-18 décembre 2017 ; pakistantoday, 18 décembre 2017). L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque dans un communiqué publié par l’agence de presse Amaq.
    
Expansion de l’Etat islamique en Asie centrale
  • Lors d’une réunion du Conseil de la Fédération de Russie, le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov a déclaré que l’Etat islamique renforce sa présence dans les pays d’Asie centrale voisins de la Russie. Selon lui, après la défaite de l’Etat islamique en Syrie et en Irak, l’organisation a marqué l’Asie centrale comme sa prochaine cible. Selon Lavrov, ceci est particulièrement évident en Afghanistan, où les membres aspirent à atteindre le Nord du pays. Lavrov a souligné que les forces afghanes sont responsables de la lutte contre la présence croissante de l’Etat islamique en Afghanistan. La Russie les soutient activement en leur fournissant des armes. Selon le ministre russe de la Défense Sergueï Shoygu, l’expansion de l’Etat islamique en l’Asie centrale est un problème complexe auquel toutes les personnes impliquées doivent faire face. Selon lui, plusieurs forums et groupes de travail ont été mis en place afin de trouver des moyens de faire face au problème (Site du ministère russe des Affaires étrangères, 15 décembre 2017).
Activités de contre-terrorisme
Attentat suicide déjoué à Saint Pétersbourg
  • Le Service fédéral russe de sécurité (FSB) a annoncé qu’il avait déjoué une attaque terroriste planifiée par des membres qui soutiennent l’Etat islamique. L’attaque prévue devait être réalisée à Saint-Pétersbourg le 16 décembre 2017, et comprenait un attentat suicide dans une église de la ville (Cathédrale de Kazan) et l’explosion d’engins piégés dans une zone bondée. L’attaque a été planifiée par des responsables de l’Etat islamique via Telegram. Le Service fédéral de sécurité (FSB) a arrêté sept membres de l’équipe. L’un d’entre eux a admis qu’il avait prévu l’attaque. Les recherches ont révélé une importante quantité d’explosifs, des pièces d’engins piégés, des armes automatiques, des munitions et du matériel de propagande. En outre, un laboratoire de fabrication d’explosifs a été trouvé. L’enquête est toujours en cours (Site Internet du service fédéral russe de sécurité, 15 décembre 2017).
  • Le Président russe Vladimir Poutine s’est entretenu avec son homologue américain, Donald Trump et a exprimé son appréciation pour les informations fournies sur le projet d’attaque à Saint-Pétersbourg que la Russie avait reçu de la CIA. Ces informations ont conduit à l’arrestation de l’équipe et à l’échec de l’attaque. Poutine a promis que l’aide entre les agences de renseignement serait réciproque, et que si la Russie reçoit des informations concernant une attaque prévue aux États-Unis, elle transmettra ces informations aux Etats-Unis (Site Internet du Kremlin, 17 décembre 2017).
Acte d’accusation aux Etats-Unis concernant le transfert d’argent à l’Etat islamique
  • Le ministère américain de la Justice a annoncé l’arrestation et le dépôt d’un acte d’accusation contre Zoobia Shahnaz, une citoyenne américaine qui a envoyé de l’argent à l’Etat islamique en utilisant des monnaies virtuelles, dont des Bitcoins. Shahnaz, 27 ans, est née au Pakistan et vit à Long Island. Elle a été inculpée de blanchiment de l’argent en convertissant en Bitcoins et autres monnaies virtuelles afin de transférer de l’argent à l’organisation. Selon l’accusation, elle a transféré 85 000 $. Zoobia Shahnaz a été interpelée alors qu’elle tentait de rejoindre Istanbul afin de se rendre en Turquie et de là en Syrie. Elle a été arrêtée et inculpée (Site Internet du procureur américain, 14 décembre 2017). [3]
Activités de propagande
Vidéo menaçant les Russes, les chiites et les alaouites de Syrie
  • L’Etat islamique a publié une vidéo d’environ 6 minutes en anglais. Il s’agit de la cinquième d’une série de vidéos intitulée « à l’intérieur du Khilafah. » La vidéo montre un terroriste de l’organisation appelé Abu al-Abbas al-Shami à côté d’une mosquée qui a été apparemment détruite en Syrie et appelant les membres de l’organisation à « se soulever contre les infidèles » s’ils ne veulent pas être punis par Allah. Al-Shami s’adresse ensuite aux Russes, aux chiites et aux alaouites, leur promettant que les membres de l’organisation les atteindront depuis le désert (Akhbar al-Muslimeen, 17 décembre 2017).
 
[2] National Directorate of Security (NDS). 
1] Cette attaque terroriste fait partie d'une série d'attaques qui ont été menées récemment contre des cibles affiliées à la population turkmène en Irak : le 28 novembre 2017, le siège de la station de télévision turkmène Türkmeneli TV au Nord de Kirkouk a été attaqué (un garde de sécurité a été blessé). Le 21 novembre 2017, une voiture piégée a explosé dans un marché de Tuzhurmatu, une ville à majorité kurde, à environ 69 km au Sud de Kirkouk (25 personnes ont été tuées et 62 blessées). [3] Pour de plus amples informations sur la collecte de fonds pour l'Etat islamique grâce à l'utilisation de Bitcoins, voir notre bulletin du 6 décembre 2017 ( en anglais) intitulé "Drive for Bitcoin donations on an ISIS-affiliated website", à l'adresse http://www.terrorism-info.org.il/en/drive-bitcoin-donations-isis-affiliated-website/ 

Comment une cellule secrète de Facebook manipule les opinions publiques par Shelley Kasli

Un article récent de Bloomberg a révélé comment une cellule secrète de Facebook a permis la création d’une armée de Trolls [1] à la faveur de nombreux gouvernements de par le monde, y compris en Inde, sous forme de propagande numérique visant à manipuler les élections [2].
Sous les projecteurs, suite au rôle qu’a joué son entreprise Facebook comme plate-forme de propagande politique, son co-fondateur, Mark Zuckerberg, a riposté, déclarant que sa mission transcendait les clivages partisans.
Mais il se trouve, en réalité, que Facebook n’est pas un simple spectateur en matière politique. Ce qu’il ne dit pas, c’est que sa compagnie travaille activement en collaboration avec des partis et des dirigeants incluant ceux qui utilisent la plate-forme pour étouffer leur opposition —parfois avec l’aide de nombreux Trolls qui propagent des contrevérités et des idéologies extrémistes [3].
Cette initiative est menée depuis Washington par une équipe très discrète de Facebook, spécialisée dans les questions de politique globale, avec à sa tête : Katie Harbath, l’ancienne stratège numérique du camp Républicain qui a travaillé en 2008 sur la campagne présidentielle de l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, ainsi que sur les élections indiennes de 2014.
Depuis que Facebook a engagé Harbath pour diriger cette cellule secrète, trois années se sont écoulées, durant lesquelles son équipe a voyagé aux quatre coins de la planète (notamment en Inde). Elle a aidé des dirigeants politiques en mettant à leur disposition les puissants outils numériques de la compagnie prenant la forme d’une véritable armée de Trolls à des fins de propagande.
En Inde, et dans de nombreux autres pays, les employés de cette cellule se sont retrouvés de facto agents de campagnes électorales. Et une fois un candidat élu, il arrive à la compagnie de superviser des fonctionnaires ou de fournir une aide technique en matière de diffusion numérique lors de rencontres officielles entre chefs d’États.
Aux États-Unis, des employés de cette cellule ont travaillé sur le terrain durant la campagne de Donald Trump. En Inde, la compagnie a favorisé la présence sur le net du Premier ministre Narendra Modi, qui a aujourd’hui plus de fans sur Facebook que n’importe quel autre dirigeant politique mondial.
Au cours des meetings de campagne, on retrouve des membres de l’équipe de Katie Harbath aux côtés de responsables commerciaux du secteur publicitaire de Facebook ayant pour rôle d’aider la compagnie à profiter financièrement de l’attention particulière suscitée par les élections auprès des masses. Ils forment des politiques et des dirigeants à la création d’une page Facebook pour leur campagne qu’ils authentifient à l’aide d’une encoche bleue, à l’utilisation optimale de la vidéo afin de susciter l’adhésion, ainsi qu’au choix des slogans publicitaires. Une fois ces candidats élus, leur collaboration avec Facebook permet à la compagnie d’étendre de manière conséquente son influence sur le plan politique, comme la possibilité de contourner la loi.
Le problème est exacerbé lorsque Facebook se pose comme pilier de la démocratie de façon anti-démocratique. Freedom House, une pseudo-ONG basée aux États-Unis, militant pour la démocratie dans le monde [4], rapporte en novembre dernier qu’un nombre grandissant d’États « manipulent les réseaux sociaux afin de saper les fondements de la démocratie » [5]. Cela se traduit par des campagnes de diffamation, de harcèlement ou de propagande, discrètement soutenues par le gouvernement, visant à imposer sa version des faits, réduire la dissidence au silence et renforcer le pouvoir.
En 2007, Facebook a ouvert son premier bureau à Washington. L’élection présidentielle qui a eu lieu l’année suivante a vu l’avènement du premier « président Facebook » en la personne de Barack Obama, qui, avec l’aide de la plate-forme a pu atteindre des millions de votants au cours des semaines précédant les élections. Le nombre d’utilisateurs de Facebook a explosé concomitamment aux soulèvements des « printemps arabes » qui ont eu lieu au Moyen-Orient en 2010 et 2011, mettant en évidence l’immense influence qu’exerce la plate-forme sur la démocratie.
Au cours de la période où Facebook a choisi Katie Harbath, l’ancien soutien de Giuliani, pour diriger sa cellule politique, les élections devenaient un sujet incontournable sur les réseaux sociaux. Facebook a commencé progressivement à être impliqué dans des situations d’enjeu électoral partout dans le monde.
Facebook s’est associé à certains partis politiques parmi les plus controversés au monde tout en faisant fi du principe de transparence. Depuis 2011, la compagnie réclame auprès de la Commission électorale fédérale US une dérogation à la loi exigeant la transparence en ce qui concerne la promotion d’un parti politique, ce qui aurait pu l’aider à éviter la crise actuelle concernant des dépenses publicitaires russes en amont des élections de 2016.
Les relations entre la compagnie et les gouvernements restent compliquées. Facebook a été mis en cause par l’Union Européenne pour avoir laissé l’islamisme radical prospérer sur son réseau. La compagnie vient juste de publier son rapport de transparence expliquant qu’elle ne fournira aux gouvernements de données relatives à ses utilisateurs que si cette demande est légalement justifiée ; dans le cas contraire, elle n’hésitera pas à avoir recours à la justice [6].

Des armées de Trolls en Inde

Le marché indien est sans doute le plus porteur aujourd’hui pour Facebook, surpassant celui des États-Unis. Le nombre d’utilisateurs y croît deux fois plus vite ; sans tenir compte des 200 millions d’Indiens qui utilisent le service de messagerie WhatsApp, soit plus que partout ailleurs dans le monde.
À l’époque des élections indiennes de 2014, Facebook avaient déjà travaillé pendant plusieurs mois sur diverses campagnes. Modi a grandement profité du soutien de Facebook et de WhatsApp pour recruter des volontaires qui, à leur tour, ont répandu le message sur les réseaux sociaux. Depuis son élection, son nombre d’abonnés a augmenté de 43 millions ; deux fois plus que celui de Trump.
Dans les semaines qui ont suivi l’élection de Modi, Zuckerberg et sa directrice d’exploitation Sheryl Sandberg se sont tous deux déplacés en Inde dans le but de développer un projet controversé concernant un service internet gratuit qui, provoquant de vives protestations, a finalement dû être abandonné. Katie Harbath et son équipe sont aussi venus en Inde animer des cessions de formation auxquelles ont participé plus de 6 000 hauts-fonctionnaires.
À mesure que Modi voyait son influence grandir dans les réseaux sociaux, ses abonnés se sont lancés, sur Facebook et WhatsApp, dans une campagne de harcèlement de ses rivaux politiques. L’Inde est devenu un foyer de désinformation, avec notamment la propagation d’un canular qui a conduit à des émeutes causant la mort de plusieurs personnes. Le pays est aussi devenu un endroit extrêmement dangereux pour les partis d’opposition et les journalistes.
Cependant, il n’y a pas que Modi ou le Parti du peuple indien (BJP) qui ont été amenés à utiliser les services proposés par Facebook. La compagnie prétend mettre à dispositions les mêmes outils et services pour tous les candidats, quelle que soit leur orientation politique, ainsi qu’aux groupes de la société civile plus discrets.
Ce qui est intéressant, c’est que Mark Zukerberg lui-même veut devenir président des États-Unis et s’est ainsi déjà attaché les services de David Plouffe (conseiller de campagne de Barack Obama en 2008) puis de Ken Mehlman (conseiller de campagne de George Bush Jr en 2004). Il travaille actuellement avec Amy Dudley (ancienne conseill§re du sénateur Tim Kaine), Ben LaBolt (ancien attaché de presse de Barack Obama) et Joel Benenson (ancien conseiller de campagne d’Hillary Clinton en 2016) [7].

La manipulation des émotions par Facebook

Une étude parue en 2014 intitulée : La mise en évidence expérimentale d’un phénomène de contagion émotionnelle de grande ampleur via les réseaux sociaux [8] a étudié le ratio entre les messages positifs et négatifs vus par 689 000 utilisateurs Facebook. Cette expérience, qui s’est déroulée entre le 11 et le 18 janvier 2012, a tenté d’identifier des effets de contagion émotionnelle en modifiant le poids émotionnel des informations diffusées aux utilisateurs ciblés. Les chercheurs concluent avoir mis en évidence pour la première fois « la preuve que les émotions peuvent se propager à travers un réseau informatique, [même si] les effets liés à ces manipulations restent limités ».
Cette étude a été critiquée à la fois pour ses fondements éthiques et méthodologiques. La polémique s’intensifiant, Adam Kramer, un des principaux instigateurs de ces recherches et membre de l’équipe responsable des données de Facebook, a défendu cette étude dans un communiqué de la compagnie [9]. Quelques jours plus tard, Sheryl Sandberg, directrice d’exploitation de Facebook, a prononcé une déclaration [10], lors de son voyage en Inde. Au cours d’un événement organisé par la Chambre de commerce à New Delhi, elle a déclaré : « Cette étude s’est faite dans le cadre des recherches en cours menées par les entreprises pour tester différents produits, ni plus ni moins. La communication à ce sujet a été très mauvaise et nous nous en excusons. Nous n’avons pas voulu vous contrarier ».
Ainsi donc, pour quel nouveau produit révolutionnaire Facebook a-t-il conduit des expérimentations psychologiques visant à manipuler émotionnellement ses utilisateurs ? Ces produits révolutionnaires sont des armées de Trolls numériques à des fins de propagande qui diffusent des informations mensongères comme une trainée de poudre afin d’aider ses clients pendant les élections.
Peu après, le 3 juillet 2014, USA Today rapporte que le groupe EPIC, qui milite pour le respect de la vie privée des citoyens, a déposé une plainte officielle à la Commission fédérale du Commerce stipulant que Facebook a enfreint la loi en menant une recherche sur les émotions de ses utilisateurs sans leur consentement, ni même les informer [11]. Dans sa plainte, l’EPIC prétend que Facebook a trompé ses usagers en conduisant secrètement une expérience psychologique sur leurs émotions : « Au moment de l’expérience, Facebook n’a pas fait état dans sa politique d’utilisation des données que les informations concernant ses utilisateurs seraient amenés à être utilisées à des fins expérimentales. Facebook a aussi omis d’informer ses usagers que ces informations seraient communiquées à des chercheurs ». La majorité des cobayes pour ces expériences de manipulation émotionnelle étaient indiens [12].
La plupart d’entre nous ne prête pas vraiment attention à ce qui est posté sur les réseaux sociaux et la majorité de ce que l’on voit est plutôt inoffensif. Du moins, c’est l’apparence que cela prend à première vue. La vérité est que ce que nous postons sur le net a un impact effrayant. Selon une recherche récente menée conjointement par le Laboratoire national du Nord-Ouest pacifique et l’université de Washington, le contenu que l’on poste sur les réseaux sociaux pourrait être utilisé par un logiciel afin de prédire des événements futurs — peut-être même le prochain Premier ministre indien.
Dans un papier qui vient d’êre publié par ArXiv, une équipe de chercheurs a découvert que les réseaux sociaux peuvent être utilisés dans le but de « repérer et de prédire des événements dans le monde réel » [13]. L’analyse de Twitter peut prédire avec précision des troubles sociaux, par exemple, lorsque des personnes utilisent certain hashtags pour discuter certains problèmes avant que leur colère ne se répande dans le monde réel.
L’exemple le plus connu de ce phénomène est survenu lors des printemps arabes, lorsque des signes évidents de protestations et de soulèvements imminents ont été repérés sur le net les jours précédant la descente des gens dans les rues.
L’inverse est aussi vrai, signifiant que la colère peut aussi être générée par les réseaux sociaux et une fois qu’elle atteint un niveau optimal être déversée sur des événements de la vie réelle comme on peut le voir depuis au moins deux ans déjà en inde avec des cas de lynchages collectifs et autres.

Comment fonctionne l’industrie de la désinformation en Inde

En Inde, une gigantesque industrie de la désinformation a émergé, exerçant une influence bien supérieur au traditionnel discours politique et pouvant potentiellement devenir un problème sécuritaire à l’image des printemps arabes si elle n’est pas maîtrisée. Au moment où le débat sur le lynchage fait rage en Inde, il faut bien comprendre que de tels incidents n’auraient pas eu aussi rapidement un tel impact si la jeunesse n’avait eu accès à Facebook, Twitter, Youtube, et autres réseaux sociaux qui permettent à cette industrie de la désinformation de gérer et partager de faux montages vidéos et de la fausse information. Le phénomène de lynchage apparu depuis quelques années est une conséquence directe de cette industrie de la propagande qui se répand des réseaux sociaux vers le monde réel.
Ceci prend une tout autre ampleur maintenant qu’il a été révélé que Facebook & WhatsApp ont comploté avec l’establishment en créant « une armée de Trolls » à des fins de propagande numérique, engendrant des violences sur le sol indien. C’est un cas typique de terrorisme. Ce dernier est défini comme « l’utilisation systématique de la terreur ou de la violence par un individu ou un groupe à des fins politiques ». Dans le cas présent, ce terrorisme est perpétré par une compagnie étrangère (Facebook) sur le sol indien par le biais d’une guerre numérique de (dés)information. Qu’attendons-nous pour réagir à de tels actes ?
Une campagne de désinformation a été menée au cours des élections présidentielles états-uniennes. Elle fait parti intégrante de la campagne officielle elle-même menée en collaboration avec des entreprises de pointe. Cette même méthode a aussi été utilisée pour orienter le débat sur le Brexit. À l’heure où nous parlons, cette vaste entreprise de désinformation étend ses tentacules en Inde. De nombreux sportifs de renom, des célébrités, des économistes, des politiciens en ont déjà été victimes en disséminant du contenu fallacieux. C’est une dangereuse tendance qui devrait être surveillée de près par nos services de Renseignement afin de prévenir de futurs désastres.
Voici succinctement comment tout cela fonctionne. De nombreux sites et portails web de légitimité et financement divers reçoivent des publicités flottantes. Des contenus bien spécifiques sont créés pour différentes catégories de personne basés sur leur région, leur idéologie, leur âge, leur religion… qui sont mélangés à une vaste quantité de contenu érotique noyant le véritable objectif. Ce contenu fallacieux est ensuite injecté dans le réseau social et des groupes spécifiques sont ciblés par le biais d’outils analytiques développé par des entreprises de pointe. À mesure que cette fausse information se répand, elle acquiert petit à petit sa dynamique propre et finit par être reprise par une personnalité quelconque — célébrité, politicien et même parfois un journaliste. Ce qui advient ensuite est pure folie.
Que ce soit par choix ou par ignorance, les médias dominants commencent à diffuser ce tissu de mensonges, consacrant l’intégralité de leurs revues de presse à l’analyse de ces fausses informations : qui a dit quoi et pourquoi et bla bla bla... au lieu de chercher à vérifier l’authenticité de ces dernières. Du fait du caractère sensationnel de ces canulars et aussi parce qu’ils sont relayés par des personnalités influentes, cette vision faussée du monde va se répandre dans le monde réel, pour témoins les victimes de lynchage. Sans contrôle, ce phénomène de désinformation pourrait contaminer toute l’opinion publique. Nous arriverons à un moment où il sera quasiment impossible de distinguer le vrai du faux, le fait de la fiction, avec la société tout entière se radicalisant en différentes factions opposées sur la base de mensonges.

Facebook et les élections indiennes

À l’époque des élections indiennes de 2014, un article de presse titrait « Facebook peut-il influencer le résultat de l’élection indienne ? ». Sous ce titre figurait un iceberg — Si Facebook est en mesure de modifier de modifier nos émotions et de nous faire voter, de quoi d’autre est-il capable ? [14]
Étonnamment, la Commission électorale indienne elle-même a signé un partenariat avec Facebook portant sur le recensement des votants pendant le processus électoral [15]. Le Dr. Nasim Zaidi, commissaire en chef de la commission électorale (ECI), a déclaré : « Je suis heureux d’annoncer que la Commission électorale indienne va lancer une procédure spéciale destinée à enrôler les non-votants et plus particulièrement ceux qui n’ont jamais voté. Ceci représente un pas en avant vers la réalisation de la devise de l’ECI “Aucun citoyen laissé-pour-compte”. Parti prenant de cette campagne, Facebook diffusera un rappel en différents dialectes indiens visant à rappeler l’échéance électorale à tous les utilisateurs Facebook d’Inde. J’invite tous les citoyens électeurs à s’inscrire et à voter ; c’est à dire reconnaître ses droits et assumer ses devoirs. Je suis convaincu que Facebook va donner une nouvelle ampleur à la campagne de recensement électorale initiée par la Commission et encourager de futurs votants à participer au processus électoral et à devenir des citoyens indiens responsables ».
Les 17 principales agences de Renseignement US ont émis de sérieuses réserves quant à l’impact de ce phénomène de désinformation sur leur processus électoral et leur société. Selon un centre de recherche en statistique, une majorité d’États-uniens (un spectaculaire 88 %) pense que la diffusion de fausses nouvelles porte préjudice à leur perception de la réalité quotidienne [16]. Et nous, en Inde, nous dirigeons vers un scénario encore plus catastrophique que cela. Pourquoi ? Parce qu’à l’inverse de l’Inde, le gouvernement états-unien et la communauté du Renseignement a publiquement fait état du problème et travaillé à une solution face à cette menace. L’Inde peut-elle faire de même avec Facebook ayant le nez dans les affaires internes du pays ?
On met en place toutes sortes de commissions, des auditions sénatoriales sont programmées pour mettre à jour cette affaire et de nouvelles cellules sont créés pour contrer efficacement cette menace envers la société. Pendant qu’une enquête est menée sur le rôle de Facebook dans l’élection présidentielle états-unienne, on porte peu d’attention à la manière dont la cellule secrète de Facebook a influencé les élections indiennes. À la lumière de ces révélations, une investigation rigoureuse devrait être menée quant l’impact de Facebook sur les élections indiennes. Il est évident que pour ce faire, le gouvernement doit tout d’abord reconnaître l’existence de cette industrie de la désinformation afin de pouvoir agir contre elle.
En compagnie de Facebook, American Microchip Inc. et le Japonais Renesas engagés pour pirater le code secret EVM (banque de données utilisateurs) devraient être sous le coup d’une enquête pour interférence avec les élections indiennes ainsi que tous ceux qui ont comploté avec eux. Ce serait une grave erreur de prendre cette menace, liée à l’intrusion d’entreprises étrangères dans le processus électoral indien, à la légère [17].
Traduction
Jean-Marc Chicot


[1] En argot Internet, un Troll désigne ce qui vise à générer des polémiques. Il peut s’agir d’un message (par exemple sur un forum), d’un débat conflictuel dans son ensemble ou de la personne qui en est à l’origine.
[2] “How Facebook’s Political Unit Enables the Dark Art of Digital Propaganda”, Lauren Etter, Vernon Silver & Sarah Frier, Bloomberg, December 21, 2017.
[3] “India’s Fake News Industry & Mob Lynchings”, Great Game India News, July 6, 2017.
[4] « Freedom House : quand la liberté n’est qu’un slogan », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 septembre 2004.
[6] “Facebook Transparency Report 2017”, Facebook, January 2017.
[7] « Mark Zuckerberg possible futur président des États-Unis », Réseau Voltaire, 3 août 2017.
[8] “Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks”, Adam D. I. Kramer, Jamie E. Guillory & Jeffrey T. Hancock, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNSA), Vol 111, #24, July 17, 2014.
[9] “The Author of a Controversial Facebook Study Says He’s ‘Sorry’”, Stephanie Burnett, Time, June 30, 2014.
[10] “Facebook still won’t say ’sorry’ for mind games experiment”, David Goldman, CNN, July 2, 2014.
[11] “Privacy watchdog files complaint over Facebook study”, Jessica Guynn, USA Today, July 3, 2014.
[12] “Facebook apologises for psychological experiments on users”, Samuel Gibbs, The Guardian, July 2, 2014.
[13] “Using Social Media To Predict the Future : A Systematic Literature Review”, Lawrence Phillips, Chase Dowling, Kyle Shaffer, Nathan Hodas & Svitlana Volkova, ArXiv, June 19, 2017.
[14] “If Facebook can tweak our emotions and make us vote, what else can it do ?”, Charles Arthur, The Guardian, June 30, 2014.
[16] “Many Americans Believe Fake News Is Sowing Confusion”, Michael Barthel, Amy Mitchell & Jesse Holcomb, Pew Research Center, December 15, 2016.
[17] “Are Indian Elections Hacked By Foreign Companies ?”, Shelley Kasli, Great Game India News, December 17, 2017.