La Trinité

Les chrétiens ont reçu du judaïsme la foi au Dieu Unique (Monothéisme).
C’est ainsi que les disciples juifs du rabbi Jésus ont eu la conviction que Dieu était pleinement présent dans sa personne et dans le don d’amour qu’il faisait de sa vie. Le rabbin Gilles Bernheim précise même qu’ils ont vu en lui une « Thora vivante » et ils ont pressenti la Shekhina, la permanence de la Présence, dans sa résurrection. Incarnation du davar HaKadosh, reflet de la bienveillance du Père pour l’humanité, il était réellement le Fils pour ces premiers témoins de l’événement.
D’où la formulation, dans les Ecrits néotestamentaires, de l’interaction entre le Père, le Fils et l’Esprit venant actualiser chez les croyants, cette relation d’amour et de communion qui peut transformer en lumière les réalités les plus sombres.
Mais à certaines époques, certains ont cru voir trois individus en Dieu, comme s’il s’agissait de trois divinités en une, ce qui n’a évidemment aucun sens. (Trithéisme) L’ambiguïté du terme « trois personnes » a brouillé les cartes, le sens moderne de ce mot n’ayant pas de rapport avec ce que les anciens ont dénommé « hypostases », qui serait plutôt trois visages spécifiques d’une réalité unique. A partir de quoi le malaise a persisté jusqu’à nos jours : comme si la Trinité, dont l’appellation n’est pas présente en tant que telle dans la Bible, était une énigme arithmétique compliquant l’approche théologique de la simple existence de Dieu. Sans doute, la révélation en Jésus Christ ne se satisfait pas de termes figés et trop limitatifs, et le drame est que le noyau dur de la foi – intégralement hébraïque – a été explicité peu à peu avec des expressions tirées de la philosophie grecque, sujettes à rigidification. Les sectes gnostiques et les groupes ésotériques de tout poil s’en sont aussitôt donné à cœur joie et des représentations multiples ont alimenté la controverse dans toutes les directions.
L’influence prolongée de ces sectes dissidentes des premiers siècles explique en grande partie la position intransigeante et même agressive de l’islam face à la paternité spirituelle de Dieu et à la Trinité telles que les chrétiens les reconnaissent.
De ce fait, le coran est rempli de malédictions envers les « associateurs », les chrétiens, ceux qui osent « associer » un être humain à la divinité d’Allah. C’est même la faute la plus grave aux yeux du coran, ce qu’il appelle le « shirk », car Allah, muré dans sa transcendance, n’a pas de relation avec les humains, sinon par les injonctions qu’il leur adresse selon son impénétrable et céleste bon vouloir.
La première sourate du coran, la fatiha, que les musulmans récitent au début de chaque prière, comporte deux versets où il est question de la colère d’Allah sur ceux qui se sont égarés loin de sa volonté, c’est-à-dire, pour être clair, les juifs et les chrétiens, selon les commentateurs invariants.
L’islam est farouchement hostile à la foi trinitaire des chrétiens, comme il est jaloux de l’existence des juifs ; et la prière à Allah exprime ce mépris dans la fatiha, ce qui en fait aujourd’hui la seule religion universelle qui prie quotidiennement « contre les autres ».
A l’opposé, la foi au Dieu unique Père, Fils, Esprit (Tri-Unité) a des implications dialogales importantes. Cette spiritualité se comprend comme l’ouverture vers l’autre, la valorisation de la relation, l’unité dans la diversité, la dynamique de communion.
Il y a là aussi un choc frontal avec l’islam, qui a un sérieux problème avec l’altérité et qui ne conçoit tout mouvement de sa part vers les autres que comme une conquête exclusive et mondiale de la charia.
Face à ces visions incompatibles de la coexistence, et imprégnée du projet universaliste mais non contraignant de la Bible, la foi chrétienne incite à avancer dans la vérité, dans un respect mutuel, sans toutefois subir passivement les coups de boutoir de l’adversité, et en prenant des responsabilités pour que ce monde devienne plus humain et plus vivable.
Berdiaev, théologien orthodoxe russe disait : « notre programme social, c’est la Trinité !». Ce qui indique qu’il ne s’agit pas là d’un concept ésotérique et abstrait mais que cela engage, dans toutes ses dimensions, le mystère de l’existence humaine personnelle et collective, sous le regard bienveillant de Quelqu’un qui est amour, source et fin de notre destinée.
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