Les vraies origines de l’islam (partie 2)

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Les origines de l’islam : loin des falsifications historiques
HeliosL’histoire des débuts de l’islam présente des difficultés en apparence insurmontables, elles découlent en grande partie de ce qu’il convient d’appeler l’histoire officielle des origines de l’islam telle qu’elle a été définitivement établie au neuvième et au dixième siècles par les califes abbassides. Ces derniers, bien assis sur l’immense empire que leur ont légué les omeyades, se sont montrés particulièrement soucieux d’en assurer la stabilité interne.
Les millions de sujets assujettis à leur pouvoir n’étaient pas tous musulmans, ils étaient même majoritairement chrétiens zoroastriens et juifs. Contrairement à l’islam, leurs religions, anciennes et  intimement liées aux grandes civilisations du monde antique, bénéficiaient d’un avantage intellectuel majeur. Bien qu’ils fussent soumis et humiliés par les conquérants arabes, les vaincus ne se privaient pas de polémiquer avec les vainqueurs, leur démontrant le caractère primitif et l’indigence intellectuelle de l’islam.


L’échec des moutazilites
Les vaincus sans le savoir ont bien failli conquérir leurs conquérants, le mouvement des moutazilites est venu à un cheveu de changer le cours de l’histoire. Professant un coran créé et nullement éternel ou immuable comme Allah, ces arabes, plutôt sceptiques et curieux, se sont laissés imprégner par la philosophie classique, celle de Platon et d’Aristote et ont placé la raison et le libre arbitre au même rang que la foi. Le mouvement des moutazilites n’aurait pas vu le jour n’eût été la pauvreté de l’islam sur le plan doctrinal et l’emprise intellectuelle exercée par les chrétiens. Pour les tenants du pouvoir, il était évident que l’islam en tant que croyance courait à sa perte s’il persistait à déclarer forfait dans l’arène des idées.
MutazilitesDe la même façon que le néant sur le plan juridique a été comblé par le corpus de lois islamiques, le vide sur le plan doctrinal se devait d’être rempli, la stabilité de l’empire l’exigeait. Les moutazilites avaient quelques raisons de croire à un coran créé, donc contingent et soumis comme les humains au besoin de s’adapter. Contemporains de son élaboration, témoins de ses innombrables versions ou écritures et tout à fait conscients de ses déficiences, ils ne pouvaient soutenir en toute honnêteté une  longue argumentation avec leurs interlocuteurs juifs et chrétiens.
Ils prirent donc acte de la faiblesse de leurs textes sacrés et, faisant preuve de courage intellectuel, ils décidèrent de dépasser la lettre du coran et de permettre à la raison humaine de compléter la parole divine. Mais le mouvement des moutazilites, bien que d’avant-garde, restait par l’action violente intimement lié à l’islam; au pouvoir durant un bon moment sous des califes acquis à sa cause, il entreprit une répression violente des tenants de l’islam traditionnel. Il a donc suffi qu’un nouveau calife hostile au mouvement prenne le pouvoir pour que les moutazilites se retrouvent à leur tour victimes de persécution religieuse violente. Leurs idées ne leur ont malheureusement pas survécus.


La critique des chrétiens
Les polémiques ont débuté au huitième siècle, soit cent ans après Mahomet. Jusque là les nombreux manuscrits chrétiens traitant de la religion des nouveaux conquérants ne faisaient référence à aucun texte sacré. L’islam à ses débuts n’avait aucune assise scripturaire, le contenu de la foi n’était pas défini, il comprenait essentiellement des éléments empruntés au judaïsme auxquels se mêlaient des traditions arabes païennes.
Al-KindiAbd el Masih al Kindi, (à ne pas confondre avec le philosophe mutazilite Abou Youssuf al Kindi) est un arabe du royaume de Kinda, il est le mieux connu des polémistes chrétiens; vers 820 sa critique a porté sur la façon dont le texte du coran a été fixé et sur son contenu. Elle se résume ainsi : après la mort de Mahomet, les querelles entre Abu Bakr et Ali ont amené ce dernier à défendre son droit à la succession, pour asseoir sa légitimité, il entreprit d’assembler les nombreux fragments de la révélation en un seul codex. Cependant d’autres compagnons de Mahomet avaient, chacun de son côté, assemblé sa propre version du coran.
Pour faire échec à la concurrence, Ali s’adressa à Osman, son prédécesseur au califat, avec l’espoir que le calife ferait disparaître les versions des autres compagnons. Osman alla plus loin, il demanda qu’une version définitive du coran soit produite en quatre exemplaires et brûla tous les versions originales incluant celle d’Ali. À la fin du septième siècle, sous le règne du calife omeyade Abd-el-Malik, le gouverneur de l’Irak, Hajjaj ibn Yousuf, homme puissant et sanguinaire, voulant mettre fin aux querelles doctrinales entre musulmans, choisit de retirer toutes les copies du coran et les brûla, non sans avoir au préalable changé à son gré de nombreux passages, produisant ainsi une nouvelle version dont il fit six copies. Comment dans ces conditions faire la différence entre le contenu original et les ajouts subséquents, et comment retracer le contenu original qui a été détruit ?

Mais la critique d’al Kindi ne s’arrêta pas là. Le contenu du coran ne fut pas épargné, écoutons les propos qu’il a tenus au calife Al Maamoun, un mutazilite :
« Tout ce que j’ai dit (au sujet du coran) est conforme aux faits et à l’évidence tels qu’ils sont admis par vous. Pour preuve nous nous référons au texte du coran lequel porte à confusion par absence d’ordre et de logique. Les différents  passages se contredisent et bien souvent n’ont aucun sens. Comment, sans trahir son ignorance, peut-on présenter un tel écrit comme un message à l’appui d’une mission prophétique et le placer à égalité avec les miracles de Moïse et de Jésus ? Assurément aucune personne ayant un grain de bon sens ne pourrait penser une telle chose, encore moins nous-mêmes qui, versés en histoire et en philosophie, ne pouvons nous laisser émouvoir par un raisonnement aussi trompeur. »
Presque douze siècles plus tard, la critique d’al Kindi n’a pas pris une ride.
L’histoire du coran
Al Kindi ne croyait pas si bien dire, le coran dont le texte définitif n’a été fixé que bien après sa mort était alors illisible. Dans les faits, il pouvait être lus de quatorze manières différentes et pour cause, l’arabe s’écrivait alors sans voyelles et certaines consonnes n’étaient pas définies. En effet, il est pratiquement impossible de distinguer des lettres telles que le R et le Z, le T le B le TH et le N, le S le SH, les formes gutturales du T et du Z, du S et du D, du H du G et du KH. Les voyelles dites courtes modifiant profondément le sens étaient également absentes.
On peut imaginer le défi que représentait la lecture du coran et des disputes que les différentes lectures pouvaient engendrer même sans altération du texte. Dans les faits, différentes versions du coran  sont utilisées par les musulmans jusqu’à nos jours. Il n’y a donc pas eu de véritable fixation du texte coranique et il s’est avéré impossible d’établir définitivement le texte sans engendrer des disputes sans fin. Il n’existe par ailleurs aucun critère permettant de donner la préférence à une lecture par rapport aux autres. Face au dilemme, les savants musulmans se sont donnés une échappatoire commode, ils ont fait dire à Mahomet que toutes les lectures étaient valables, même celles qui conduisent à des divergences et à des contresens.
Coran-sanaaLes corans les plus anciens datent du dixième siècle, ils sont à quelques variantes près semblables au texte actuel. Dans les années 70, lors de réparations dans les combles d’une ancienne mosquée de Sanaa au Yémen, les ouvriers découvrirent des manuscrits anciens du coran datant de la fin du septième siècle ou du début du huitième. Il a été possible pour des experts allemands de microfilmer ces manuscrits qui à bien des endroits ressemblent à des palimpsestes, le texte original ayant été effacé et remplacé par un autre. Les résultats de l’examen de ces textes est attendu mais d’ores et déjà les spécialistes disent avoir affaire à un coran très différent par le contenu et par l’ordre des chapitres et des versets.
Les spécialistes occidentaux du coran marchent sur des œufs, il faut dire qu’ils tiennent à la vie et qu’ils cherchent à préserver leurs relations avec les cercles académiques musulmans. Plusieurs d’entre eux voient leurs travaux soutenus financièrement par des fonds musulmans et cherchent par conséquent à maintenir leurs sources de financement. Dans le contexte actuel, toute hypothèse ou conclusion scientifique qui va à l’encontre du dogme établi provoque une levée de boucliers de la part des savants musulmans et des pressions d’ordre diplomatique de la part de certains gouvernements islamiques.
En l’an 2000, un savant allemand spécialiste des langues orientales anciennes a publié sous le pseudonyme de Christoph Luxenberg  le résultat de ses travaux sous forme d’un ouvrage intitulé : lecture syro-araméenne du coran : une contribution au décodage de la langue du coran. Les passages obscurs du coran, en particulier ceux où l’on trouve des mots d’origine étrangère, ont été comparés à des passages d’écrits chrétiens en langue syriaque. Des correspondances troublantes ont été identifiées qui ont permis à l’auteur de donner une interprétation radicalement différente de celles des docteurs musulmans du dixième siècle dont l’autorité est demeurée incontestée jusqu’à nos jours. Aux plagiats avérés de la bible, du talmud, des légendes perses et des évangiles apocryphes s’ajoutent des plagiats d’écrits liturgiques chrétiens, ce qui a fait dire à certains qu’Allah le créateur manquait de créativité !
La fabrication de l’islam
L’échec du mouvement moutazilite fut l’échec de la raison face au dogme, mais le dogme à cette époque n’était pas définitivement établi, l’empire islamique était alors un colosse dont les pieds doctrinaux étaient d’argile. Il a donc fallu renforcer les assises religieuses du pouvoir et « démontrer » à la majorité des sujets non-musulmans la supériorité de l’islam sur les autres religions. Cette « mission impossible » a été confiée aux savants religieux dont certains étaient des convertis de fraîche date ou des fils de convertis ; ils eurent la délicate tâche de fabriquer l’image de la nouvelle religion et lui donner un contenu.
Pour soutenir la comparaison avec le judaïsme et le christianisme, les savants musulmans se devaient de donner à l’islam des assises et des caractéristiques similaires, Mahomet, dont l’image était largement négative, a été élevé au rang de Moïse. La Hijra (l’émigration de Mahomet et de ses compagnons de la Mecque à Médine) est devenue l’équivalent de l’exode des hébreux, le mont Hira où Mahomet a été visité par l’ange Gabriel est devenu le pendant du mont Sinaï où Moïse a reçu les tables de la loi, le sanctuaire de la Mecque est devenu l’équivalent du temple de Jérusalem, le coran a été confirmé comme la parole incréée d’Allah à l’égal et encore plus que la Torah.
À l’égal de l’hébreu, la langue arabe s’est vu octroyer le statut de langue sacrée. De la même façon que les juifs furent le peuple choisi, les musulmans sont devenus le meilleur de l’humanité. Pour ce qui est des chrétiens qui croient en Jésus en tant que Verbe incarné, les savants musulmans ont opposé le coran, soit le verbe d’Allah, existant de tout temps, inaltérable et inaltéré depuis qu’il a été révélé. En guise de contre-attaque contre les polémistes des autres religions, les savants musulmans ont prétendu que juifs et chrétiens avaient intentionnellement corrompu la Torah et l’Évangile. Et afin d’assurer la suprématie de l’islam, les patriarches et les prophètes d’Abraham à Jésus ont été récupérés et qualifiés de musulmans. Quant à Mahomet, son statut d’homme parfait et de sceau des prophètes a autorisé les savants à l’associer à Allah dans la shahada, soit la profession de foi musulmane.
À défaut d’un concept original, l’islam s’est approprié des éléments tirés des autres religions pour les mettre au service de l’empire et ainsi assurer sa stabilité. Le dogme une fois établi, tous les sujets de l’empire devaient s’y soumettre sans discussion. Le temps des débats et des polémiques était révolu, les hérétiques et les contestataires devaient rentrer dans le rang ou se tenir tranquilles.
Les ressorts politiques de l’islam
Les savants musulmans du neuvième et du dixième siècle se sont fait l’instrument du pouvoir politique. Pour soutenir l’arbitraire et le despotisme, ils ont conçu une religion où l’arbitraire et le despotisme de la divinité sont sacralisés. Pour assurer la stabilité et la pérennité de l’empire, Allah et Mahomet ont été mis à contribution, en retour l’empire devait assurer la pérennité et la suprématie de la religion.
Ces savants musulmans savaient ce qu’ils faisaient, ce n’est pas la foi islamique qui les animait mais le besoin de consolider les bases juridiques et religieuses de l’empire. Ils étaient conscients de la fragilité de l’islam en tant que système de croyance, c’est pourquoi ils ont choisi d’écarter le libre arbitre et la conscience individuelle en tant qu’éléments constitutifs de la vraie foi, lui substituant la notion de soumission à l’arbitraire divin. En plagiant les anciennes religions, ils en ont délibérément éliminé l’esprit et déformé le message pour les délégitimer et justifier l’asservissement de leurs adeptes.
Mais les choix politiques de ces savants sont à l’origine du déclin de l’islam et de son ossification ultime. L’élimination du mouvement moutazilite a sonné le glas du progrès, douze siècles plus tard le monde musulman continue à en subir les conséquences.
Le puzzle historique
L’histoire officielle des origines de l’islam est une fabrication cohérente servant les intérêts de l’empire abbasside. Que s’est-il vraiment passé au temps de Mahomet et de ses successeurs et comment faire le tri entre le vrai, le vraisemblable et le faux dans ce qui est communément rapporté à leur sujet ? Quel rôle ont joué les arabes de la Mecque et de Médine dans la genèse de l’islam et son expansion ?  L’islam a-t-il joué un rôle déterminant dans les conquêtes ? Dans la troisième partie de cette chronique je tenterai de répondre à ces questions.
Partie 3 à suivre demain.

Par Hélios d’Alexandrie pour Poste de Veille

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