Une guerre oppose deux gouvernements rivaux en Libye : l'un reconnu par les Occidentaux et basé à Tobrouk (est du pays) et l'autre soutenu par un conglomérat de milices, dont certaines islamistes, siégeant dans la capitale, Tripoli.
Le problème, c'est que les islamistes voudraient des garanties de ne pas être jugés ni chassés. S'ils lâchent le pouvoir, ils seront massacrés. Les gens de Tripoli voudraient en outre que la passation se déroule à Tripoli, mais ceux de Tobrouk ne s'y sentent pas en sécurité. Entre les deux parties, c'est la méfiance et la peur qui règnent.
Un gouvernement d'union nationale ? Cela ne va pas stabiliser la situation. S'il advient, ce sera un gouvernement très faible, incapable de résoudre les problèmes de fond.
Le pouvoir de décision reste aux mains de milices surarmées qui ne trouvent pas de projets économiques où s'insérer. Pour ne rien arranger, le Qatar, la Turquie et le Soudan appuient les gens de Tripoli, tandis que les Emirats, l'Arabie saoudite et l'Egypte soutiennent Tobrouk. Le prince héritier du Qatar, l'actuel émir, a été explicite : on a dépensé 5 milliards de dollars pour la Libye, ce n'est pas pour donner le pouvoir aux laïques et aux libéraux.
L'Union européenne et les Etats-Unis voudraient que le général Khalifa Haftar (NDLR : chef de l'armée nationale libyenne) quitte la scène. Mais derrière lui, il y a 20 000 personnes venues des tribus en Cyrénaïque. Le gouvernement de Tripoli, lui, peut compter sur 120 000 miliciens de différentes factions.
Daech est autonome tout en étant lié à l'Etat islamique en Syrie. Quand Kadhafi a été tué de façon atroce, Mahdi al-Harati, un ancien d'Al-Qaeda qui vivait auparavant en Irlande, a convaincu 300 jeunes Libyens de partir vers la Syrie pour la guerre sainte. Avec l'appui d'un navire militaire turc, Ils ont abouti à Deir Ezzor pour la contrôler et vendre le pétrole syrien à une mafia internationale. A la suite de l'affrontement entre Khalifa Haftar et le gouvernement de Tripoli, Mahdi al-Harati est revenu avec ses 300 jeunes qui ont constitué le noyau dur de Daech. En quelques mois, son régiment est parvenu à Misrata, ensuite à Derna. Il contrôle aujourd'hui Syrte, la ville de Kadhafi, qui se sent humiliée et qui veut prendre sa revanche.
Syrte, ville de plus de 100 000 habitants, que je connais très bien. Des centaines de jeunes pro-Kadhafi y ont été tués de sang-froid. La ville a été détruite, humiliée par l'Otan mais aussi par les milices de 2011. Daech s'y est installée pour capitaliser sur cette humiliation. Comme en Syrie et en Irak.
Al-Qaeda est aujourd'hui en complète perte de vitesse. Daech a entre-temps créé une base à 35 km de la frontière tunisienne et possède six avions qui se trouvaient à Syrte. Mais ils n'ont pas les pilotes. Ils ont toutefois mis la main sur un pilote, Hassan Ghouila, qui refuse pour l'instant de collaborer. En tout cas, ils ont du financement : d'après des universitaires libyens, un jeune de Daech touche, à Benghazi, 3 000 dollars par mois. Et à sa mort, sa famille reçoit 40 000 dollars. Cela attire les jeunes.
Il y a trois problèmes à régler. D'abord, le retour de 2 millions et demi de Libyens de la diaspora, qui vivent dans de mauvaises conditions. Ensuite, la réconciliation nationale. Enfin, l'inclusion des partisans de l'ancien régime, car ils forment une réelle masse humaine.
L'Otan s'est précipitée pour abattre l'ancien régime, provoquant un chaos généralisé. Or, s'il fallait changer le régime, il fallait aussi penser à des alternatives crédibles. Et comprendre un peu la structure tribale de ce pays. Aujourd'hui, la Libye est devenue un facteur de déstabilisation non seulement pour elle-même mais aussi pour tous ses voisins et surtout pour l'Europe. Plusieurs dizaines de milliers de personnes attendent de franchir la Méditerranée, venant d'Afrique et de Syrie. Avant 2011, 500 000 Syriens travaillaient en Libye et la majorité n'est pas rentrée à cause de ce qui s'est passé dans leur pays. Pour Daech, c'est une arme pour forcer l'Europe au dialogue et à un début de reconnaissance.
Il y a une autre solution: mettre au pouvoir Saief Islam Kaddahfi
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