Dans une interview diffusée sur la chaîne télévisée libanaise Mayadeen, l’ancien ministre de l’Energie russe Yuri Shafranik a déclaré que, malgré la production accrue de pétrole américain, la Russie continuerait de servir de source principale d’énergie pour l’Europe. Shafranik, président du syndicat des producteurs de pétrole et de gaz russes, a rejeté la possibilité que le Qatar et l’Iran représentent une véritable concurrence pour le gaz russe sur le marché européen. Il a expliqué qu’une décennie de stabilité serait nécessaire pour établir un corridor depuis l’Iran, à travers l’Irak et la Syrie jusqu’en Europe, et que seule la Russie pouvait répondre à la demande urgente sur le marché mondial de l’énergie, comme l’avait prouvé la catastrophe de Fukushima. L’interview est passée le 11 mai 2016. Extraits :
Yuri Shafranik : Autrefois, l’Europe dépendait uniquement du pétrole produit en Russie, mais l’Amérique a commencé à produire plus de pétrole, et ses pétroliers peuvent atteindre l’Europe rapidement. Cela représente une révolution dans le domaine de la production pétrolière.
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Le marché européen est un marché important et prometteur pour les entreprises américaines, et c’est là le problème fondamental. Nous devons reconnaître que les producteurs et exportateurs de pétrole ne peuvent plus dicter les règles du jeu, qui sont aujourd’hui dictées par les importateurs.
Pendant longtemps, l’Arabie saoudite était une priorité américaine absolue. Aujourd’hui, les choses ont changé, et l’Arabie saoudite s’est retrouvée à la 4e, 5e ou peut-être 10e place sur la liste des priorités américaines. Comment [l’Arabie saoudite] peut-elle influer sur le prix du pétrole ? L’OPEP [Organisation des pays exportateurs de pétrole] ne peut plus contrôler cette politique. Il semble que dans la mutation du pétrole en [affaires] politiques, l’Iran est devenu la priorité absolue dans la politique américaine. C’est la variable fondamentale dans la région qui a influé sur les prix du pétrole.
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Concernant le marché [européen], l’histoire montre que la Russie a investi dans l’infrastructure.
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Les pipelines [comme ceux] construits par la Russie ne peuvent être posés du jour au lendemain, ni d’Iran, ni du Qatar. Je crois que la Russie continuera de servir de source principale d’énergie pour l’Europe. Elle ne restera peut-être pas l’unique source, mais elle en sera la principale. Après le désastre de Fukushima au Japon, le prix du gaz a monté en flèche. Vingt millions de mètres cubes de gaz liquide ont été envoyés au Japon. Qui peut répondre à une telle demande du jour au lendemain ? Seule la Russie a la capacité de satisfaire une demande urgente de cette envergure sur le marché de l’énergie.
Par conséquent, l’Europe doit reconnaître la capacité de la Russie à répondre aux besoins énergétiques mondiaux.
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Il existe une grande concurrence et une guerre féroce pour le contrôle du marché [européen].
Journaliste : Qu’en est-il de la concurrence pour la reconstruction de la Syrie ? Avez-vous abordé la reconstruction de la Syrie dans vos réunions à Washington D.C. ? Avez-vous débattu des investissements, de la reconstruction des infrastructures ? Qu’avez-vous dit aux Américains à ce sujet ?
Yuri Shafranik : Nous ne sommes pas aussi pragmatiques que les Etats-Unis. Par conséquent, la Russie n’a pas débattu de l’Irak, de l’Iran ou de la Syrie à cet égard. Nous ne discutons pas de ce qu’untel peut recevoir à l’avenir en conséquence de sa position actuelle.
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Le droit international doit l’emporter sur toutes les considérations. Le droit international doit l’emporter sur la volonté de changer les régimes [politiques], car ce jeu ne sert pas les intérêts de la Russie. Il sert les intérêts des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.
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La position russe est que les sanctions doivent être levées, pour créer une stabilité et arrêter le flux de réfugiés. La Syrie devrait être autorisée à respirer après cette guerre.
Journaliste : Est-il possible qu’un jour, une compétition naisse entre les deux alliés stratégiques [la Russie et l’Iran] sur les marchés du pétrole et du gaz ?
Yuri Shafranik : L’Iran n’en est qu’au début de son rétablissement. On ne peut parler de grandes quantités que l’Iran pourra exporter. Personnellement, je suis favorable à la restauration du quota iranien au sein de l’OPEP, comme avant les sanctions. La Russie ne redoute pas la compétition iranienne… L’Iran est un pays exportateur de gaz, et le corridor Iran-Irak-Syrie sera influent, mais il nécessite une stabilité en Irak et en Syrie. Pas seulement une année de stabilité. Une décennie de stabilité est nécessaire pour établir ce corridor, de l’Iran à l’Irak, et de là vers la Syrie. Vous ne pouvez placer des pipelines dans un contexte d’instabilité. Lorsque cette question deviendra viable, nous pourrons débattre de l’exportation de gaz avec l’Iran, selon les exigences du marché.
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