Ph. Muray dans Causeur
Après avoir planifié l’éviction brutale de l’ex-Premier ministre Enrico Letta (centre gauche, tendance socialiste), le Florentin Matteo Renzi accède au pouvoir à 39 ans. Il est le plus jeune chef d’État européen. Que se cache-t-il derrière ce énième coup de théâtre politique ?
Après avoir raflé, contre toute attente, la mairie de Florence en 2009 et la direction de son parti en novembre 2013, il est le troisième chef de gouvernement (après Monti et Letta) à accéder au pouvoir sans passer par des élections. Mais les Italiens ne sont pas dupes de cette stratégie de condottiere. Simplement, englués dans la crise avec un taux de chômage record chez les jeunes, un taux d’imposition à 45 % des revenus, une paupérisation générale de la société qui a comme corollaire une démographie parmi les plus faibles d’Europe, ils sont asphyxiés, et particulièrement pessimistes sur l’avenir de leur pays : ils sont donc prêts à se laisser confisquer leur droit de vote, et voudraient voir en Matteo Renzi la « dernière chance » de l’Italie.
« Il rottamattore » : le « casseur » ou, plutôt, le « nettoyeur », Renzi est souvent vu comme le trublion de la classe politique italienne, voulant l’épurer de toutes les vieilles figures qui l’empoisonnent depuis des décennies. Saura-t-il pour autant, par le choix de ses ministres, mettre en acte ce renouvellement ? Rien n’est moins sûr : on a bien, un moment, avancé le nom de Prodi !
De plus, son image « jeuniste » ne l’a pas empêché, le mois dernier, de conclure avec… Silvio Berlusconi un pacte pour mettre en route une nouvelle loi électorale, l’Italicum. La précédente vient d’être déclarée inconstitutionnelle, après des années d’usage, et la nouvelle sortirait l’Italie de son instabilité politique chronique. Renzi est d’ailleurs plus ou moins soutenu par Forza Italia (centre droit, parti de Berlusconi), qui remonte dans les sondages. Berlusconi attend sans doute que Renzi fasse voter l’Italicum : ceci fait, il pourra alors réclamer des élections bien avant la fin de la législature, en 2018.
Renzi, de droite ou de gauche ? Cet ancien scout issu d’une famille bourgeoise est à la tête d’un parti de gauche (PD). Mais il est ambitieux avant tout. Par ailleurs, gouvernant avec une majorité de coalition, le nouveau « ducetto » (petit Duce) ne peut se passer de la présence dans son gouvernement du NCD (Nouveau centre droit, scission d’avec Forza Italia)… qui suppose un virage à droite inévitable, au grand dam de ses électeurs de gauche.
Pour l’instant, Matteo Renzi a la sagesse d’aligner ses priorités sur les préoccupations des Italiens, il promet rapidement la mise en chantier de la réforme des institutions, celle du Code du travail, celle de l’administration et celle du fisc. Les réformes « de société » réclamées par son aile gauche – droit du sol, mariage homosexuel – ne sont pas encore à l’ordre du jour, même s’il n’y est pas hostile. Le projet de loi Scalfarotto, très controversé, qui vise à créer un « délit d’homophobie », est en discussion actuellement au Parlement : ce sera sans doute un test révélateur, pour la droite comme pour la gauche, de l’orientation de Renzi sur ces sujets, ou plus exactement de sa capacité à maîtriser ceux qui l’ont porté au pouvoir.
Il semblerait bien pourtant que Matteo Renzi soit parti trop tôt : ne disposant pas d’une majorité claire sortie des urnes, tiraillé de toutes parts, il souffre des mêmes handicaps que son prédécesseur. Il n’est pas sûr que son enthousiasme vibrionnant et le relooking d’une gauche plus sociale-libérale suffisent à faire pardonner ce péché originel. Plus qu’un nouvel homme providentiel, Renzi risque bien d’être le dernier avatar d’un système à bout de souffle.
Après avoir planifié l’éviction brutale de l’ex-Premier ministre Enrico Letta (centre gauche, tendance socialiste), le Florentin Matteo Renzi accède au pouvoir à 39 ans. Il est le plus jeune chef d’État européen. Que se cache-t-il derrière ce énième coup de théâtre politique ?
Après avoir raflé, contre toute attente, la mairie de Florence en 2009 et la direction de son parti en novembre 2013, il est le troisième chef de gouvernement (après Monti et Letta) à accéder au pouvoir sans passer par des élections. Mais les Italiens ne sont pas dupes de cette stratégie de condottiere. Simplement, englués dans la crise avec un taux de chômage record chez les jeunes, un taux d’imposition à 45 % des revenus, une paupérisation générale de la société qui a comme corollaire une démographie parmi les plus faibles d’Europe, ils sont asphyxiés, et particulièrement pessimistes sur l’avenir de leur pays : ils sont donc prêts à se laisser confisquer leur droit de vote, et voudraient voir en Matteo Renzi la « dernière chance » de l’Italie.
« Il rottamattore » : le « casseur » ou, plutôt, le « nettoyeur », Renzi est souvent vu comme le trublion de la classe politique italienne, voulant l’épurer de toutes les vieilles figures qui l’empoisonnent depuis des décennies. Saura-t-il pour autant, par le choix de ses ministres, mettre en acte ce renouvellement ? Rien n’est moins sûr : on a bien, un moment, avancé le nom de Prodi !
De plus, son image « jeuniste » ne l’a pas empêché, le mois dernier, de conclure avec… Silvio Berlusconi un pacte pour mettre en route une nouvelle loi électorale, l’Italicum. La précédente vient d’être déclarée inconstitutionnelle, après des années d’usage, et la nouvelle sortirait l’Italie de son instabilité politique chronique. Renzi est d’ailleurs plus ou moins soutenu par Forza Italia (centre droit, parti de Berlusconi), qui remonte dans les sondages. Berlusconi attend sans doute que Renzi fasse voter l’Italicum : ceci fait, il pourra alors réclamer des élections bien avant la fin de la législature, en 2018.
Renzi, de droite ou de gauche ? Cet ancien scout issu d’une famille bourgeoise est à la tête d’un parti de gauche (PD). Mais il est ambitieux avant tout. Par ailleurs, gouvernant avec une majorité de coalition, le nouveau « ducetto » (petit Duce) ne peut se passer de la présence dans son gouvernement du NCD (Nouveau centre droit, scission d’avec Forza Italia)… qui suppose un virage à droite inévitable, au grand dam de ses électeurs de gauche.
Pour l’instant, Matteo Renzi a la sagesse d’aligner ses priorités sur les préoccupations des Italiens, il promet rapidement la mise en chantier de la réforme des institutions, celle du Code du travail, celle de l’administration et celle du fisc. Les réformes « de société » réclamées par son aile gauche – droit du sol, mariage homosexuel – ne sont pas encore à l’ordre du jour, même s’il n’y est pas hostile. Le projet de loi Scalfarotto, très controversé, qui vise à créer un « délit d’homophobie », est en discussion actuellement au Parlement : ce sera sans doute un test révélateur, pour la droite comme pour la gauche, de l’orientation de Renzi sur ces sujets, ou plus exactement de sa capacité à maîtriser ceux qui l’ont porté au pouvoir.
Il semblerait bien pourtant que Matteo Renzi soit parti trop tôt : ne disposant pas d’une majorité claire sortie des urnes, tiraillé de toutes parts, il souffre des mêmes handicaps que son prédécesseur. Il n’est pas sûr que son enthousiasme vibrionnant et le relooking d’une gauche plus sociale-libérale suffisent à faire pardonner ce péché originel. Plus qu’un nouvel homme providentiel, Renzi risque bien d’être le dernier avatar d’un système à bout de souffle.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire