jeudi 12 mars 2015

SAROUT, ICÔNE DE LA RÉVOLUTION SYRIENNE, REJOINT L’EI !

Pour les naïfs qui pensent qu’il y a une différence entre la rébellion syrienne modérée et les fanatiques islamistes. L’une n’est en fait que l’antichambre de l’autre !


Dans le convoi qui l’emmenait hors de la vieille ville d’Homs, évacuée début mai au terme d’un accord passé entre les quelque 2 000 rebelles syriens assiégés depuis plus d’un an et les troupes du régime de Bachar Al-Assad, Abdel Basset Sarout, décharné et les traits tirés, jurait à la caméra de la chaîne d’opposition syrienne Orient News : « Nous allons nous organiser, changer nos armes, réunir les gens prêts à agir (…). Nous y retournerons. » Ecœuré d’avoir été « abandonné » par l’opposition – « lâche » et minée par les divisions – et « trahi » par la communauté internationale, l’ancien gardien de but de football propulsé icône de la révolte d’Homs ne s’avouait pas vaincu. Depuis Dar Al-Kabira, une enclave rebelle à vingt kilomètres au nord d’Homs, le rebelle de 23 ans préparait déjà la prochaine bataille avec les combattants de sa brigade.
C’est au sein de l’État islamique (EI) que le jeune chef de guerre, accompagné d’une centaine d’insurgés, aurait désormais choisi de poursuivre son combat contre le régime syrien. La nouvelle de son allégeance au groupe djihadiste, que Sarout aurait confiée au militant Abou Bilal Al-Homsi dans un échange de messages le 23 décembre, a fait l’effet d’une bombe chez les militants révolutionnaires.
Incrédules, nombreux ne veulent pas croire que leur plus emblématique porte-drapeau est passé à l’ennemi. Pour les groupes liés à l’Armée syrienne libre, l’EI est un adversaire implacable, dont l’objectif n’est pas le renversement du régime mais l’établissement d’un califat islamique. Dès la fin 2013, de violents combats ont opposé ces deux tendances de la rébellion, mais l’EI a vite pris le dessus.
Le jeune gardien de but, promis à une carrière internationale, a évolué avec la révolution. Son cheminement a été immortalisé dans le documentaire Homs, chronique d’une révolte, du réalisateur damascène Talal Derki, qui a filmé le jeune homme dès les débuts du soulèvement contre le régime, en 2011, jusqu’en avril 2013. Boucles noires tombant sur la nuque et poing levé, à la fois photogénique et charismatique, l’étoile montante du club de football d’Al-Karama haranguait la foule d’Homs lors des manifestations pacifiques chaque vendredi. L’enfant du quartier sunnite de Bayada jouait alors de sa popularité et de son talent à improviser des chants pour braver, à visage découvert, la dictature.

BASCULEMENT PROGRESSIF

Un an plus tard, foulard noué autour du front, petite barbe et kalachnikov à l’épaule, le chantre pacifique s’est fait guérillero. Face à la multiplication des massacres de civils, Sarout ne croit plus une victoire possible sans le recours aux armes. Il prend la tête d’un groupe de jeunes prêts à en découdre pour défendre leurs idéaux de liberté et de dignité. Ciblé par le régime qui veut la peau de cette « icône », pris dans l’étau qui se resserre autour des combattants rebelles d’Homs, le jeune homme cède au désabusement au fil des mois. « Je veux mourir en martyr », confie-t-il à la caméra de Talal Derki, les yeux dans le vague et un lance-roquettes coincé négligemment entre les cuisses. Lui qui a réchappé plusieurs fois de la mort se sent bien seul face à la disparition de ses proches.
Talal Derki a observé le basculement progressif du rebelle modéré d’Homs vers l’idéologie djihadiste. Quelques jours avant de capituler face aux troupes du ­régime en mai, Sarout s’en remet au Front Al-Nosra, la branche ­syrienne d’Al-Qaida, et à l’EI pour sauver les rebelles assiégés. Se sentant « trahi » par l’« abandon » d’Homs, puis « marginalisé » au sein de l’opposition, il avait confié à un ancien compagnon de dissidence, Thaer Al-Khalidiya, son désir de passer à l’EI. Dans une photo récente diffusée sur le site de Twitter, le jeune homme apparaît vêtu du qamis, le vêtement long et noir des djihadistes.
L’attirance de Sarout pour l’EI est symptomatique d’une « radicalisation d’une partie des révolutionnaires syriens, se sentant abandonnés à la fois par les démocraties occidentales, les monarchies du Golfe et les brigades rebelles modérées », analyse le chercheur Romain Caillet, dans un rapport sur la progression de l’EI dans la région d’Homs, publié en août par la fondation norvégienne Noref. De plus en plus de rebelles d’Homs, impressionnés par la richesse et la force de l’EI, se tournent vers cette organisation, qui a renforcé son implantation dans le centre de la Syrie après avoir conquis les provinces de Rakka et Deir ez-Zor.

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