Du choc à l'incompréhension: la folle journée qui a vu le ministre russe de l'Economie être inculpé de corruption puis remercié du gouvernement plongeait mercredi l'aile libérale du pouvoir dans l'expectative concernant les possibles répercussions de cette affaire à l'ampleur inédite.
Jamais depuis la chute de l'URSS, suivie pourtant de réguliers coups de théâtres politiques et de liaisons troubles entre mafia et pouvoir, un ministre en exercice n'avait été interpellé pour de quelconques soupçons.
En 24 heures, Alexeï Oulioukaïev, 60 ans, a été arrêté par les services secrets au siège du puissant groupe pétrolier Rosneft, inculpé pour extorsion de pots-de-vin, présenté devant un juge sous l'oeil des caméras et limogé par décret de Vladimir Poutine. La soudaineté de la chute de cette figure à la tête d'un ministère clé après deux ans de récession économique, semble avoir pris par surprise les élites russes jusqu'au sommet de l'Etat.
L'affaire "sort du domaine de la compréhension", a lâché mardi soir le Premier ministre Dmitri Medvedev.
Après le choc, c'est la possibilité de voir de nouvelles têtes tomber qui a émergé mercredi: le journal Vedomosti a affirmé que plusieurs membres du gouvernement, comme le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch, se trouvaient dans le collimateur des forces de l'ordre. L'agence Ria-Novosti croit savoir que d'autre hauts fonctionnaires pourraient être mêlés à l'affaire.
"La procédure ne concerne qu'un seul suspect et un seul épisode", a tenté de désamorcer mercredi soir le Comité d'enquête.
Selon les enquêteurs, M. Oulioukaïev a été interpellé en flagrant délit alors qu'il s'apprêtait à recevoir deux millions de dollars, soutirés à Rosneft. Il aurait exigé cette somme en échange de son feu vert au rachat par le groupe semi-public de son concurrent Bachneft, privatisé par l'Etat en octobre, après s'y être publiquement opposé puis l'avoir accepté après arbitrage de Vladimir Poutine.
Dans un pays où l'indépendance de la justice est souvent mise en doute, cette version a poussé de nombreux observateurs à s'interroger. Alexeï Oulioukaïev soutirant des fonds au tout puissant patron de Rosneft Igor Setchine, c'est comme "un moineau qui extorque (quelque chose à) un lion", a ironisé la journaliste Ioulia Latynina dans le journal indépendant Novaïa Gazeta.
- 'Libéraux démoralisés' -
Gros poisson victime de la lutte anticorruption ? Énième épisode des luttes de clans qui rythment la vie politique russe depuis 15 ans, entre "libéraux" et "siloviki" issus des services de sécurité gravitant autour de Vladimir Poutine? Vengeance d'Igor Setchine, membre des "siloviki", contre le responsable des privatisations ? Attaque contre la politique économique du gouvernement, critiquée après deux ans d'une crise économique douloureuse pour le pouvoir d'achat des Russes ?
L'affaire est "étonnante", résume le politologue Konstantin Kalatchev. "Setchine en constitue le personnage principal, mais ses intérêts ont pu correspondre à ceux du FSB (les services secrets héritiers du KGB) qui lutte contre la corruption et voulait apporter à Poutine un gros poisson".
"La principale conséquence, c'est que les libéraux économiques russes sont démoralisés. (...) Il n'y aura pas de changement de cap, la stagnation va continuer: toutes les propositions de réformes perdent leur sens", regrette cet expert.
Avec Oulioukaïev, c'est un symbole de l'aile libérale qui tombe: il avait travaillé avec Egor Gaïdar, auteur des réformes controversées qui ont converti la Russie dans la douleur à l'économie de marché dans les années 1990. Il appelait publiquement à des réformes structurelles comme le relèvement de l'âge de la retraite, censées éviter que la crise ne se transforme en stagnation.
Aussi bien le patron de la banque publique Sberbank, Guerman Gref, figure de l'aile libérale du pouvoir, qu'Anatoli Tchoubaïs, qui a supervisé les privatisations des années 1990, ont évoqué un "choc".
S'inquiétant pour "la crédibilité du gouvernement", les économistes de la banque russe Alfa ont vu dans l'affaire "un test décisif pour le Premier ministre" Dmitri Medvedev, souvent associé aux libéraux. Le médiateur des entrepreneurs auprès du Kremlin, Boris Titov, a évoqué un "cataclysme (qui) paralyse le gouvernement".
Pour la politoloque Ekaterina Schulmann, la lutte des clans au pouvoir "s'intensifie". L'affaire "place les silovikis au-dessus des économistes au sein de l'élite: ce n'est pas nouveau mais le fait que les silovkikis soient capables d'avoir la peau de ministres importants, c'est nouveau", dit-elle à l'AFP.
AFPJamais depuis la chute de l'URSS, suivie pourtant de réguliers coups de théâtres politiques et de liaisons troubles entre mafia et pouvoir, un ministre en exercice n'avait été interpellé pour de quelconques soupçons.
En 24 heures, Alexeï Oulioukaïev, 60 ans, a été arrêté par les services secrets au siège du puissant groupe pétrolier Rosneft, inculpé pour extorsion de pots-de-vin, présenté devant un juge sous l'oeil des caméras et limogé par décret de Vladimir Poutine. La soudaineté de la chute de cette figure à la tête d'un ministère clé après deux ans de récession économique, semble avoir pris par surprise les élites russes jusqu'au sommet de l'Etat.
L'affaire "sort du domaine de la compréhension", a lâché mardi soir le Premier ministre Dmitri Medvedev.
Après le choc, c'est la possibilité de voir de nouvelles têtes tomber qui a émergé mercredi: le journal Vedomosti a affirmé que plusieurs membres du gouvernement, comme le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch, se trouvaient dans le collimateur des forces de l'ordre. L'agence Ria-Novosti croit savoir que d'autre hauts fonctionnaires pourraient être mêlés à l'affaire.
"La procédure ne concerne qu'un seul suspect et un seul épisode", a tenté de désamorcer mercredi soir le Comité d'enquête.
Selon les enquêteurs, M. Oulioukaïev a été interpellé en flagrant délit alors qu'il s'apprêtait à recevoir deux millions de dollars, soutirés à Rosneft. Il aurait exigé cette somme en échange de son feu vert au rachat par le groupe semi-public de son concurrent Bachneft, privatisé par l'Etat en octobre, après s'y être publiquement opposé puis l'avoir accepté après arbitrage de Vladimir Poutine.
Dans un pays où l'indépendance de la justice est souvent mise en doute, cette version a poussé de nombreux observateurs à s'interroger. Alexeï Oulioukaïev soutirant des fonds au tout puissant patron de Rosneft Igor Setchine, c'est comme "un moineau qui extorque (quelque chose à) un lion", a ironisé la journaliste Ioulia Latynina dans le journal indépendant Novaïa Gazeta.
- 'Libéraux démoralisés' -
Gros poisson victime de la lutte anticorruption ? Énième épisode des luttes de clans qui rythment la vie politique russe depuis 15 ans, entre "libéraux" et "siloviki" issus des services de sécurité gravitant autour de Vladimir Poutine? Vengeance d'Igor Setchine, membre des "siloviki", contre le responsable des privatisations ? Attaque contre la politique économique du gouvernement, critiquée après deux ans d'une crise économique douloureuse pour le pouvoir d'achat des Russes ?
L'affaire est "étonnante", résume le politologue Konstantin Kalatchev. "Setchine en constitue le personnage principal, mais ses intérêts ont pu correspondre à ceux du FSB (les services secrets héritiers du KGB) qui lutte contre la corruption et voulait apporter à Poutine un gros poisson".
"La principale conséquence, c'est que les libéraux économiques russes sont démoralisés. (...) Il n'y aura pas de changement de cap, la stagnation va continuer: toutes les propositions de réformes perdent leur sens", regrette cet expert.
Avec Oulioukaïev, c'est un symbole de l'aile libérale qui tombe: il avait travaillé avec Egor Gaïdar, auteur des réformes controversées qui ont converti la Russie dans la douleur à l'économie de marché dans les années 1990. Il appelait publiquement à des réformes structurelles comme le relèvement de l'âge de la retraite, censées éviter que la crise ne se transforme en stagnation.
Aussi bien le patron de la banque publique Sberbank, Guerman Gref, figure de l'aile libérale du pouvoir, qu'Anatoli Tchoubaïs, qui a supervisé les privatisations des années 1990, ont évoqué un "choc".
S'inquiétant pour "la crédibilité du gouvernement", les économistes de la banque russe Alfa ont vu dans l'affaire "un test décisif pour le Premier ministre" Dmitri Medvedev, souvent associé aux libéraux. Le médiateur des entrepreneurs auprès du Kremlin, Boris Titov, a évoqué un "cataclysme (qui) paralyse le gouvernement".
Pour la politoloque Ekaterina Schulmann, la lutte des clans au pouvoir "s'intensifie". L'affaire "place les silovikis au-dessus des économistes au sein de l'élite: ce n'est pas nouveau mais le fait que les silovkikis soient capables d'avoir la peau de ministres importants, c'est nouveau", dit-elle à l'AFP.
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