Boko Haram est en fuite, et le mérite en revient en grande partie aux groupes d’autodéfense qui se sont constitués pour protéger leurs communautés contre les djihadistes dans le nord-est du Nigéria. Mais l’inquiétude grandit de voir ces groupes devenir une nouvelle menace pour la sécurité.
Abba Aji Khalli est un auditeur employé par le gouvernement de l’Etat de Borno à Maiduguri, où Boko Haram a été formé.
En juin 2013, il a été l’un des premiers à s’engager dans la « Force opérationnelle interarmées civile (CJTF) », un groupe d’autodéfense dont les membres se sont armés de machettes et de vieux fusils de chasse à un coup pour protéger la ville, alors que l’armée semblait dépassée par la situation.
Un an plus tard, quand la milice a chassé Boko Haram de Maiduguri, M. Khalli était le chef et dirigeait, selon ses dires, une unité forte de 8 000 hommes.
« Ce sont des enfants dans le besoin, car ils ont été formés pour combattre les insurgés », a dit cet homme de 52 ans à propos de ses troupes.
La clé des succès du groupe d’autodéfense réside dans le fait qu’ils savent qui sont les habitants de leurs quartiers qui soutiennent Boko Haram. Au début, les insurgés bénéficiaient d’un certain soutien au sein des communautés qui les considéraient comme « nos garçons », notamment quand la stratégie défaillante de l’armée était réduite à des arrestations arbitraires et des châtiments collectifs.
Mais les membres de Boko Haram se montraient encore plus violents. Tous ceux qui ne les soutenaient pas étaient des cibles potentielles, même les musulmans les plus fervents. Ils tuaient en toute impunité et leur discours vindicatif a fini par retourner la communauté, et notamment la classe moyenne de Maiduguri, contre le groupe.
Tout est dans le nom
Le nom de la milice, Force opérationnelle interarmées civile (CJTF), est admis comme une reconnaissance implicite de son allégeance aux forces de sécurité, alors connues sous le nom de Force opérationnelle interarmées ou JTF (Joint Task Force). Les unités d’autodéfense étaient les yeux et les oreilles de l’armée, mais elles menaient aussi des actions directes et se faisaient impitoyables envers les cellules présumées de Boko Haram au sein des communautés.
« Alors, je demande ‘Qu’en est-il des jeunes qui ont sacrifié leur vie pour protéger l’intégrité du Nigéria ?’ »
Des groupes de défense des droits de l’homme ont recensé les actes de violence grave exercés par la milice, comme l’exécution sommaire de personnes identifiées comme appartenant à Boko Haram, ainsi que leur participation à des exécutions extra-judiciaires commises par les militaires.
La lutte pour le contrôle de la zone était si violente que Boko Haram s’est fait un point d’honneur de donner l’exemple dans les villes où la Force opérationnelle interarmées civile était présente. Ainsi, la ville deBama a été détruite après la déroute de l’armée et de la milice d’autodéfense.
Le gouvernement de l’Etat de Borno n’a pas tardé à soutenir la milice, officiellement connue sous le nom d’Association des jeunes de Borno pour la paix et la justice (Borno Youth Association for Peace and Justice). Il a formé un petit groupe de volontaires, fourni des véhicules et versé un petit salaire à certains d’entre eux. Il s’est en revanche abstenu de fournir des armes de manière systématique, car il semblait inquiet à l’idée de ne pas être capable d’en suivre la trace.
« Alors, je demande ‘Qu’en est-il des jeunes qui ont sacrifié leur vie pour protéger l’intégrité du Nigéria ?’ »
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