« C’est une bataille. Vous perdez un tour, mais vous gagnerez les suivants ». Au téléphone, la voix du colonel Falah, membre de l’État-major de la deuxième division des forces spéciales irakiennes, est douce et lasse. Il est à Bagdad, après une semaine noire à Mossoul.
Il y a d’abord eu ce chiffre absurde de 2 000 militaires irakiens tués en novembre, annoncé au début du mois par l’ONU, laquelle a fini par reconnaître que « cette estimation n’était pas du tout vérifiée ».
Mossoul interdit d’accès aux journalistes
Depuis, le premier ministre, Haider al Abadi, reproche aux médias étrangers d’avoir repris cette fausse information. En représailles, le chef de guerre irakien a interdit d’accès à Mossoul tous les journalistes internationaux. Pour s’y rendre, il faut rester très discret.
Durant ce black-out, le nombre de civils blessés a grimpé de 30 %, d’après l’ONU. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 1 586 personnes ont été hospitalisées à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, depuis le 17 octobre, début des opérations.
Pour le colonel Falah, la série noire a repris le 6 décembre dernier. La 9e division blindée avait pris pied dans l’hôpital Salam, au sud-est, quand six véhicules piégés ont foncé en même temps sur le bâtiment. Le genre d’attaque qui « peut rayer un quartier de la carte », explique Falah.
Des soldats encerclés, massacrés et capturés
« Le plan de repli de la 9e n’était pas au niveau ! », déplore-t-il. Une centaine d’hommes se sont retrouvés pris au piège. « Ils ont perdu le contrôle. Certains soldats se sont perdus, l’État islamique les a capturés, et jusqu’à maintenant, ils manquent toujours à l’appel. »
Ouverte par les meilleurs hommes du colonel Falah, la retraite s’est faite dans le chaos et le sang. L’hôpital, repris par Daech, a été bombardé. Selon un infirmier militaire, les premiers secours ont traité plus de 40 soldats blessés ces jours-là, et 27 seraient morts.
Erreur stratégique de Bagdad
Malgré tout, le commandement se glorifie d’avoir « libéré » quarante quartiers de Mossoul. Moins de vingt sont réellement sous son contrôle. Samah, à la sortie Est de la ville, fut l’un des premiers quartiers investis, il y a plus d’un mois.
Sur place, le son des combats était encore tout proche samedi 10 décembre. Et chaque jour, vers midi, c’est une marée humaine qui accourt vers l’aide humanitaire…
Samedi 10 décembre, toujours, le lieutenant-général Najim al Jibouri, commandant en chef de la bataille, a reconnu des difficultés, et envoyé des renforts à l’Est, pour venir en aide à la 9e division. Mais d’après un officier des forces spéciales rencontré à Mossoul, le problème, in fine, vient du premier ministre irakien, Haider al-Abadi.
Celui-ci persévère dans une stratégie d’offensives éclair, désormais impossibles : « C’est un ingénieur. Il s’y connaît en ingénierie, mais pas en stratégie militaire ! »
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