«De la rationalité occidentale dans la guerre de Syrie»
Un nouveau front s’est ouvert début février 2018 dans la périphérie de Damas, dans le secteur d’Al Ghouta, avec pour objectif majeur d’alléger la pression militaire exercée sur les forces turques et leurs supplétifs de l’Armée Syrienne Libre dans le nord de la Syrie, alors que l’offensive turque, -«l’opération rameau de l’olivier»- contre les forces kurdes de Syrie, lancée le 19 janvier 2018, marque le pas, faisant craindre un enlisement turc dans le chaudron syrien.
Les objectifs sous jacents de la nouvelle bataille d’Al Ghouta, menée principalement par des alliés de la Turquie et du Qatar -Ahrar Al Cham et Jaych Al Islam, viseraient, d’une part, à remettre en selle les groupements islamistes déconsidérés après une série de revers retentissants depuis la reconquête d’Alep en décembre 2016; à réinsérer, d’autre part, les puissances occidentales et leurs alliés pétromonarchiques dans le jeu diplomatique dont ils en ont été évincés par les performances militaires russes et de leurs alliés régionaux, les forces gouvernementales de l’Amée Arabe Syrienne, les Pasdaran (Iran) et le Hezbollah (Liban).
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté samedi 24 Février 2018 à l’unanimité une résolution réclamant « sans délai » un cessez-le-feu humanitaire d’un mois en Syrie, alors que les batailles dans le secteur de la Ghouta orientale, périphérie de Damas, font rage. Deux des groupements islamistes «Jaych Al Islam» (Armée de l’Islam, pro saoudien) et Faylaq Ar Rahmane (La Brigade d’Al Rahman, pro Turquie-Qatar) ont souscrit à cette résolution dont sont exclus les groupements qualifiés de terroristes (Daech, Jabhat Al Nosra, ert Al Qaida). Ce fait confirme que la bataille de Ghouta oppose l’armée gouvernementale syrienne à des groupements terroristes, immergés au sein de la population civile, en guise de «boucliers humains», et bénéficiant des facilités de transit et de ravitaillement en armes des Israéliens, et non un assaut des forces gouvernementales contre des civils innocents, comme tend à l’accréditer la propagande occidentale et de leurs alliés pétromoanrchiques.
La Turquie a engagé ses troupes dans le secteur d’Afrine, le 19 janvier, contre les forces kurdes, encadrées par des Français et Américains, afin de mettre en échec le projet de création d‘une entité kurde indépendante dans le nord de la Syrie.
Aux yeux des stratèges occidentaux une telle entité viendrait en compensation de l’échec de la proclamation d’un état indépendant kurde dans le Nord de l’Irak. Un projet qui avait été conçu par les Américains et les Israéliens pour servir de plateforme à leurs menées anti iraniennes depuis le Nord de l’Irak, frontalier de l’Iran.
Aux yeux des stratèges occidentaux une telle entité viendrait en compensation de l’échec de la proclamation d’un état indépendant kurde dans le Nord de l’Irak. Un projet qui avait été conçu par les Américains et les Israéliens pour servir de plateforme à leurs menées anti iraniennes depuis le Nord de l’Irak, frontalier de l’Iran.
La nouvelle stratégie occidentale arrêtée lors d’une réunion à Londres en date du 11 janvier 2018 prévoierait la relance de la campagne sur les armes chimiques, la partition du pays, le sabotage du processus de reconciliation intersyrienne menée sous l’égide russe à Sotchi, de même que le cadrage de la Turquie, unique pays musulman membre fondateur de l’Otan qui a pris ses distances avec ses alliés atlantistes.
Pour aller plus loin sur ce sujet, cf ce lien
Jadis fer de lance du combat contre la Syrie, Ankara craint que le projet occidental ne débouche sur un démembrement de la Turquie avec la relance se l’irredentisme kurde. Le président Erdogan caresse le projet de créer une barrière humaine arabe dans la zone frontalière syro-turque, en installant dans ce secteur les 3,5 millions de Syriens réfugiés en Turquie, se débarrassant du même coup de ce fardeau humain et financier dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Réputés pour leur versatilité et bien qu’encadrés par les Américains et les Français, les Kurdes ont fait appel au Président syrien Bachar Al Assad pour défendre «l’intégrité territoriale» de la Syrie et croiser le fer contre la Turquie, alors qu’ils figurent parmi les grands artisans du démembrement de leur pays d’accueil.
Au delà de ce rebondissement guerrier se pose la question de la rationalité occidentale et de leurs alliés kurdes dans la guerre de Syrie:
Pour les Kurdes, s’allier avec les États Unis, artisans de la capture d’Abdallah Ocalan, le chef charismatique du mouvement indépendantiste kurde de Turquie, puis réclamer l’aide de la Syrie, dont ils ont contribué à la déliquescence de son état central, relève à tout le moins d’une incohérence.
Pour les Occidentaux, s’opposer à l’indépendance de la Catalogne et de la Corse et s’employer à provoquer la partition de la Syrie, relève à tout le moins de la duplicité, dommageable pour la crédibilité de leur discours moralisateur.
Au déclenchement de la guerre de Syrie, la présence de la Russie était réduite à sa portion congrue. Sept ans après, elle dispose d’une importante base aérienne, à Hmeiymine, sur le littoral syrien, la première au Moyen Orient depuis l’époque des Tsars, doublée d’une base navale à Tartous; La Chine, d’un point d’escale à Tartous jouxtant la base navale russe, première percée militaire chinoise en Méditerranée depuis la nuit des temps.
En crise avec l’Otan dont elle a été un membre fondateur, la Turquie s’est considérablement rapprochée de l’Iran et de la Russie, les chefs de file de la contestation à l’hégémonie israélo-occidentale au Moyen Orient, alors que l’Iran est désormais militairement présente en Syrie, frontalier d’Israël, que l’État Hébreu a perdu la maîtrise absolue du ciel comme tend à le démonter la destruction d’un chasseur bombardier F16 israélien dans l’espace aérien syrien, et que le Hezbollah libanais aguerri par les combats de Syrie, s’est hissé au rang de grand décideur régional. La faute à qui?