Le 18 janvier 2018, le Royaume-Uni et la France ont tenu un sommet de défense à Sandhurst autour du Premier ministre Theresa May et du président Emmanuel Macron. Les deux États ont notamment décidé de se prêter main forte à la fois contre la Russie dans les pays baltes et contre le terrorisme au Sahel. Ils ont également décidé de poursuivre la fusion de leurs forces expéditionnaires entreprise à l’occasion de la guerre contre la Libye [1].
Le 22 janvier, le chef d’état-major britannique, le général Sir Nicholas Carter, délivrait une conférence choc au Royal United Services Institute (RUSI) [2]. Selon lui, l’Occident ne cesse de se développer et ne tardera pas à détenir une véritable supériorité technologique sur le reste du monde. Effrayée, la Russie, qui s’est puissamment réarmée, est désormais tentée de déclencher une nouvelle guerre mondiale.
Ces propos sont en totale contradiction avec la Stratégie de sécurité nationale US, selon qui, au contraire, le niveau scientifique et technique des États-Unis s’est effondré. La Maison-Blanche désigne la Russie comme un rival qui tente de désagréger l’Alliance atlantique et non pas comme une puissance menaçante.
Le lendemain, 23 janvier, le Conseil de sécurité nationale a décidé de doter le pays d’une nouvelle unité nationale chargée de lutter contre la « désinformation » provenant d’États étrangers en général, dont la Russie en particulier. Le porte-parole du Premier ministre a déclaré : « Nous vivons à une époque de fausses informations et de récits divergents (…) Le gouvernement va y répondre en faisant un meilleur et plus important usage des communications de sécurité nationale pour s’attaquer à ces défis interconnectés et complexes »
Il y a trois mois, le Premier ministre, Theresa May, avait dénoncé le danger russe lors d’un discours à la Mairie de Londres [3]. Elle avait notamment déclaré : « La Russie cherche à faire de l’information une arme, en déployant ses médias dirigés par l’État pour diffuser de fausses informations et des images trafiquées dans le but de semer la discorde en Occident et de saper nos institutions ».
À ce jour, au sein de l’Union européenne, le président français a annoncé une prochaine initiative contre la propagande russe, tandis que le gouvernement tchèque a créé un Centre contre le terrorisme et les menaces hybrides, sous l’autorité de son ministre de l’Intérieur. Créé à l’initiative du social-démocrate Milan Chovanec, ce Centre a été conçu pour lutter contre des médias d’opposition (Parlamentní listy, AE News, Lajkit.cz, Protiproud) accusés sans la moindre preuve d’être alimentés par la Russie.
Rebecca Sommer a fondé en 2012 l’association d’aide aux réfugiés Arbeitsgruppe Flucht + Menschen-Rechte (AG F+M). A la fin de l’été 2015, cette artiste, photographe et journaliste auteur de documentaires applaudissait la décision d’Angela Merkel d’ouvrir en grand les frontières de l’Allemagne aux « réfugiés » bloqués en Hongrie, malgré l’effet de pompe aspirante que cela devait créer. « A ce moment-là, je voulais aider chaque personne et je croyais vraiment que tous ces gens fuyaient un enfer et se trouvaient dans la détresse la plus absolue », a expliqué l’activiste allemande dans une interview publiée par l’hebdomadaire conservateur polonais Do Rzeczy le 15 janvier dernier à qui elle à parlé de son réveil face à la réalité. En 2015, son ONG comptait près de 300 bénévoles qui donnaient des cours d’allemand aux nouveaux arrivants. Si elle dit aujourd’hui n’avoir jamais été en faveur d’une immigration illimitée, avant sa prise de conscience la militante des droits de l’homme Rebecca Sommer n’en était pas moins très attirée par l’apport multiculturel de cette immigration de masse, comme le montre cet article publié en décembre 2015 par un journal berlinois et repris sur le site de l’ONG AG F+M. Les agressions sexuelles de Cologne ont marqué le début du réveil des bénévoles La prise de conscience de cette représentante typique des activistes droits-de-l’hommistes bien ancrés à gauche date de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne. Elle a bien dû reconnaître à ce moment-là, ainsi qu’elle l’avoue sans détour au site anti-islamisation polonais euroislam.pl, que les comportements des agresseurs nord-africains et moyen-orientaux de Cologne s’inscrivaient tout à fait dans la culture musulmane des nouveaux arrivants qu’elle avait elle-même rencontrés jusqu’ici : « C’est le moment où je me suis dit : “Rebecca, tu dois maintenant mettre le holà, ne serait-ce qu’en tant que militante pour les droits des femmes.” » Auparavant, se justifie Rebecca Sommer, « Je croyais que [leur] vision moyenâgeuse allait changer avec le temps […] mais après avoir vu ces situations se répéter et avoir observé ce qui se passait autour de moi, bénévole, j’ai dû reconnaître que pour ce qui est des réfugiés musulmans, ils ont grandi avec des valeurs totalement différentes, ils ont subi un lavage de cerveau depuis l’enfance et sont endoctrinés par l’islam et n’ont absolument pas l’intention d’adopter nos valeurs. Pire encore, ils nous regardent, nous les infidèles, avec dédain et arrogance. » Des réfugiés « arrogants » selon Rebecca Sommer Dans son interview pour le site euroislam.pl, l’activiste pro-réfugiés précise que le mépris pour les modes de vie occidentaux et pour les femmes ne concerne pas que les musulmans pratiquants, mais la majorité de ceux qui ont grandi au sein de la culture musulmane. Elle parle aussi de sa grande déception quand elle s’est aperçue comment un groupe de « réfugiés » qu’elle avait personnellement aidés et qu’elle croyait être ses amis pratiquaient avec elle la taqqiya. « Je me suis brutalement aperçue que ces gens que j’avais aidés, qui mangeaient, buvaient, dansaient et riaient avec moi, qui ne priaient pas, qui n’allaient pas à la mosquée, qui ne respectaient pas le ramadan, qui se moquaient de la religion et des personnes profondément religieuses, ne m’appelaient pas autrement que « la stupide putain allemande » quand ils mangeaient ma nourriture et se reposaient dans mon jardin. » Elle reconnaît toutefois qu’elle avait été prévenue par des Arabes et des Kurdes arrivés eux aussi récemment en Allemagne justement pour fuir l’oppression musulmane. Rebecca Sommer affirme ne pas être un cas isolé, que de nombreux autres bénévoles ont aussi eu cette même prise de conscience tardive et qu’il y a beaucoup moins de bénévoles prêts à travailler avec les nouveaux arrivants aujourd’hui en Allemagne. Elle reconnaît aussi que, par leur nombre, ces immigrants musulmans sont une menace pour le mode de vie des Allemands, et que cela va empirer avec le regroupement familial. L’activiste Rebecca Sommer connaît personnellement des personnes qui s’apprêtent à émigrer d’Allemagne vers la Pologne pour fuir l’insécurité Elle a d’ailleurs confié à l’hebdomadaire polonais Do Rzeczy connaître personnellement des Allemands qui s’apprêtent à émigrer en Pologne parce qu’ils en ont assez, et elle a ajouté : « Si la Pologne et la Hongrie ne cèdent pas sur cette question, vous pouvez devenir des pays vers lesquels s’enfuiront certains Allemands et Français. Vous pouvez devenir des îlots de stabilité en Europe. » Des îlots de stabilité mais aussi de démocratie, car Rebecca Sommer constate aussi que la démocratie n’existe plus vraiment en Allemagne. Son réveil sur ce plan date également de l’épisode de Cologne, quand les médias n’ont pas pris la défense de la société allemande mais sont au contraire devenus partie intégrante d’un système malade, et quand la police, sous la pression des dirigeants politiques, a cessé d’informer les citoyens. Et la nouvelle loi allemande qui oblige les réseaux sociaux à bloquer les contenus prétendument haineux a accentué la censure. C’est ainsi que, quand la militante des droits de l’homme a voulu dénoncer des conversions forcées à l’islam en Indonésie, son compte a été bloqué. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si c’est à des médias polonais qu’elle se confie aujourd’hui, car quel média allemand accepterait-il de publier de tels propos ? Le réveil d’une gauchiste pro-réfugiés face à l’islam Le problème, pour Rebecca Sommer, c’est aussi que les Allemands ne cherchent pas du tout à imposer leurs propres normes aux nouveaux arrivants. « Nous avons un énorme problème avec la gauche et les Verts » pour qui « il n’y a pas de culture allemande ». Cette Berlinoise n’ose plus sortir seule pour la Saint-Sylvestre et elle a déjà été agressée cinq fois par des hommes parlant l’arabe ! Elle pense que pour l’Allemagne, c’est déjà trop tard, et elle compte émigrer pour sa retraite. L’islam politique est déjà présent partout, y compris au gouvernement, dans les partis politiques, dans la police et dans les écoles, et avec le regroupement familial des millions d’immigrants musulmans supplémentaires vont venir. Dans la capitale allemande où elle réside, des quartiers entiers sont déjà dominés par la communauté musulmane qui forme une société parallèle. « Tous ceux qui vivent à Berlin et s’occupent des immigrants voient ce problème. La seule exception, ce sont ceux qui ne veulent tout simplement pas le voir parce qu’ils sont adeptes d’une idéologie et sont aveugles et sourds à la réalité », conclut Rebecca Sommer dans son entretien avec Do Rzeczy. Olivier Bault pour Reinformation.tv Retrouvez cet article et l'info alternative sur : http://www.contre-info.com
Le 21 janvier 2018, la Turquie et les rebelles qu’elle parraine ont lancé une opération militaire contre une enclave kurde à Ifrin, dans le Nord-Ouest de la Syrie (Opération Branche d’Olivier). L’opération est dirigée contre la force kurde (YPG) qui contrôle l’enclave, qui est coupée de l’enclave kurde à l’Ouest. D’après les Turcs, l’opération est destinée à empêcher la force kurde de compromettre la sécurité de la Syrie ou d’avoir accès à la mer Méditerranée, et à empêcher la création d’un « corridor » kurde le long de la frontière avec la Syrie (Compte Twitter du bureau du Premier ministre turc, Hürriyet Daily News).
Cette semaine, les forces syriennes ont repris la base aérienne militaire d’Abu al-Duhur au Sud d’Alep. La reprise de la base aérienne, et le ratissage de vastes régions à l’Est de la route Alep-Hama indiquent que la première étape de la campagne de reprise de la région d’Idlib touche à sa fin. Par la suite, les forces syriennes devraient continuer de s’attaquer à l’essentiel des zones contrôlées par les groupes rebelles, principalement le Siège de Libération d’Al-Sham, dans et autour de la ville d’Idlib.
Dans l’Est de la Syrie, l’Etat islamique continue de mener des attaques intensives contre les forces kurdes des FDS à l’Est de l’Euphrate (principalement dans la zone entre Abu Kamal et la ville d’Al-Mayadeen). L’organisation utilise des missiles antichars et des drones et filme les attaques à des fins de propagande. En même temps, l’organisation a publié des photos d’un missile antichar Kornet récemment développé, dans le cadre des efforts de réhabilitation de ses forces dans l’Est de la Syrie et du rétablissement de sa capacité opérationnelle.
Russie et l’invasion turque
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé que la Russie suit de près l’opération dans la région d’Ifrin et que des représentants russes sont en contact avec les autorités syriennes et turques sur la question. Peskov a souligné que la Russie continuera de voir le maintien de l’intégrité territoriale de la Syrie comme un principe de base. Il a également souligné que la Russie suit les aspects humanitaires de la situation à Ifrin. Peskov a refusé de dire si la Russie était à l’avance au courant de l’opération turque (RIA, 22 janvier 2018)
À la suite de l’opération turque, le ministère russe de la Défense a annoncé que le commandement des forces russes en Syrie avait décidé de transférer le groupe des opérations du Centre russe pour la réconciliation et l’unité de police militaire russe de la région d’Ifrin à la région de Tal Ajar (Nord d’Alep). Selon l’annonce publiée par le ministère de la Défense, le transfert des forces a pour but d’empêcher la provocation et de protéger la vie des forces russes. L’annonce précise que le Centre pour la réconciliation continue de surveiller la situation afin de fournir l’assistance nécessaire aux civils fuyant les zones de combat (Page Facebook du ministère russe de la Défense, 20 janvier 2018).
Déclarations américaines au sujet de l’invasion turque
Heather Nauert, le porte-parole du Département d’État américain, a appelé la Turquie à cesser ses activités militaires dans la province d’Ifrin et à se concentrer sur l’Etat islamique (Département d’État, 18 janvier 2018). Au cours d’entrevues avec la presse turque, Eric Pahon, porte-parole du Département américain de la Défense, a déclaré que les États-Unis n’étaient pas présents dans la région d’Ifrin, de sorte que l’opération turque n’influe pas directement sur leurs actions. Pahon a exprimé l’espoir que toutes les forces continuent à se concentrer sur l’objectif principal qui est la défaite de l’Etat islamique. Il a observé que le retrait de la Russie d’Ifrin était une affaire entre Moscou et les gouvernements de la Syrie et de la Turquie, et a souligné que les États-Unis ne sont pas concernés par à la question (Agence de presse Anatolia, 20 janvier 2018).
Le secrétaire d’Etat américain énonce la politique américaine en Syrie
S’exprimant à l’Université de Stanford, le Secrétaire d’État américain Rex Tillerson a décrit la stratégie américaine en Syrie après la défaite de l’Etat islamique. Selon lui, trois facteurs principaux affectent actuellement la situation en Syrie : l’Etat islamique a cessé d’être un facteur important, mais n’a pas été complètement disparu, le régime d’Assad contrôle la moitié du territoire de la Syrie et de sa population ; les menaces stratégiques posées aux États-Unis [de l’arène syrienne] ne sont pas seulement l’Etat islamique et Al-Qaeda, mais aussi l’Iran.
Tillerson a énuméré cinq buts et des pistes d’action en Syrie:
Que la Syrie ne serve plus de plate-forme ou de refuge pour les terroristes pour organiser, recruter, financer, fomenter et lancer des attaques contre les citoyens américains ou leurs alliés aux États-Unis ou à l’étranger.
Résoudre le conflit entre le peuple syrien et le régime Assad. La solution pourra être réalisée au moyen d’un processus politique conduit par les Nations Unies, tel que déterminé dans la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 2254. L’objectif de ce processus est de créer une Syrie stable, unie et indépendante opérant comme un Etat.
Réduire l’influence iranienne en Syrie.
Désarmer la Syrie des armes de destruction massive.
Aider les réfugiés à retourner en Syrie.
Tillerson a souligné que les États-Unis ne répéteront pas les erreurs commises en Libye ou en Irak. Par conséquent, afin d’atteindre ces objectifs, les États-Unis envisagent une présence militaire à long terme en Syrie jusqu’à la défaite finale et absolue de l’Etat islamique.En même temps, ils s’emploieront à réduire les tensions et à encourager toutes les parties à rejoindre les négociations (Site Internet du Département d’Etat, 17 janvier 2018).
Développements en Syrie
Le 21 janvier 2018, l’état-major de l’armée syrienne a annoncé que l’armée et ses forces (y compris les renforts iraniens envoyés dans la région) ont repris la base aérienne militaire d’Abu Ad-Duhur. Des équipes d’ingénierie militaire de l’armée syrienne ont neutralisé des mines, des charges d’explosifs et des voitures piégées restées sur place. En parallèle au nettoyage de la base aérienne, il a été rapporté que des villes et villages dans la région rurale de Hama, Idlib et Alep ont été nettoyés et que des membres de l’Etat islamique ont été encerclés dans l’enclave au Sud-Est de la base aérienne.
En parallèle à la reprise de la base aérienne, les forces syriennes ont attaqué plusieurs avant-postes du Siège de Libération d’Al-Sham et repris plusieurs villages dans les régions du Sud-Est de la base aérienne (Sana, 19 janvier 2018). Le 22 janvier 2018, les forces de l’armée syrienne ont pris le contrôle du village d’Abu Ad-Duhur, à environ 5 km à l’Ouest de la base aérienne militaire. Le village a été l’une des forteresses les plus importantes du Siège de Libération d’Al-Sham dans la région rurale d’Idlib (Mourasiloun, 22 janvier 2018). Une voiture piégée activée par des membres du Siège de Libération d’Al-Sham aurait tué 30 soldats de l’armée syrienne et détruit trois véhicules militaires (Suriya.net, 22 janvier 2018).
La base aérienne militaire d’Abu Ad-Duhur, située à environ 50 km au Sud d’Alep, est la deuxième plus grande base aérienne en Syrie. Depuis Septembre 2015, elle a été contrôlée par les rebelles (principalement le Siège de Libération d’Al-Sham). En Décembre 2017, les forces syriennes ont lancé une campagne pour reprendre la base aérienne, comme une étape intermédiaire importante dans la campagne de reprise de la région d’Idlib.
La chute de la base aérienne aux mains des forces syriennes et le nettoyage des grandes régions à l’Est de la route Alep-Hama indiquent que la première étape dans la campagne de reprise d’Idlib est sur le point de prendre fin. Par la suite, les forces syriennes devraient poursuivre leur offensive à l’encontre des zones contrôlées par les rebelles, principalement le Siège de Libération d’Al-Sham, dans la ville d’Idlib et ses environs. Un site Internet affilié à l’armée syrienne a précisé que la zone rurale à l’Est d’Idlib, où les deux villes chiites assiégées d’Al-Fu’ah et Kafraya sont situées, pourrait être la prochaine cible des forces syriennes (Butulat Jaysh al- Al-Suri, site Internet affilié à l’armée syrienne, 21 janvier 2018).
Le 22 janvier 2018, un terroriste suicide du Siège de Libération d’Al-Sham a fait exploser une voiture piégée au milieu d’un groupe de soldats syriens (Agence de presse Ibaa, affiliée au Siège de Libération d’Al-Sham, 22 janvier 2018).
Avant la reprise de la base aérienne d’Abu Ad-Duhur, la Province d’Idlib de l’Etat islamique a signalé une attaque menée par ses membres contre les forces syriennes dans la région de Sinjar (environ 18 km au Sud-Ouest de la base aérienne). Selon l’organisation, une partie des forces syriennes se sont retirées et plusieurs soldats ont été tués ou faits prisonniers (Akhbar Al-Muslimeen, 17 janvier 2018).
Lors d’affrontements avec les forces syriennes dans la zone rurale au Nord de Hama, trois membres de l’organisation jihadiste salafiste Khalq, affiliée à Al-Qaïda, auraient été tués. Deux d’entre eux étaient des Kurdes et un autre était du Baluchistan. Khalq est une petite organisation islamiste opérant en Syrie avec les autres organisations rebelles et peu connue, probablement parce que son volume d’activité est relativement faible.
Poursuite des affrontements au Nord d’Abu Kamal
Les affrontements entre l’Etat islamique et les FDS ont continué cette semaine
dans la zone à l’Est de l’Euphrate, entre Abu Kamal et la ville de Mayadeen. Ce secteur n’a toujours pas été complètement nettoyé de la présence de membres de l’Etat islamique qui continuent leur guérilla contre les forces syriennes et les FDS. Les FDS sont aidées par les forces de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Les membres de l’Etat islamique attaquent les FDS avec des voitures piégées. Les deux parties ont subi des pertes.
Ci-après les principaux incidents :
Affrontements autour de la ville de Gharanij : Le 19 janvier 2018, des affrontements se seraient produits entre les membres de l’Etat islamique et des FDS à environ 37 km au Nord-Ouest d’Abu Kamal, sur la rive Est de l’Euphrate. L’Etat islamique a fait exploser trois voitures piégées. L’organisation a subi des pertes, dont un membre appelé Abu Talha al-Almani (cf., l’Allemand). Les FDS auraient perdu au moins huit combattants (Observatoire syrien des droits de l’homme, 19 janvier 2018).
Une voiture piégée a explosé contre une zone de préparation des forces des FDS dans la ville de Gharanij. L’attaque a été menée par un terroriste suicide appelé Abu al-Zubayr al-Shimali (Akhbar Al-Muslimeen, 17 janvier 2018).
Attaque contre des forces des FDS dans le village d’Al-Bahra al-Gharbiya, à environ 32 km au Nord d’Abu Kamal. Les membres de l’Etat islamique ont attaqué les combattants des FDS dans le village d’Al-Bahra al-Sharqiya (Akhbar Al-Muslimeen, 20 janvier 2018). Un terroriste suicide a fait exploser une voiture piégée lors des affrontements, tuant 30 combattants des FDS, selon l’Etat islamique (Akhbar al-Muslimeen, 19-21 janvier 2018).
Les affrontements entre l’Etat islamique et FDS dans la ville d’Al-Shu’fa, à environ 12 km au Nord d’Abu Kamal. Les FDS ont reçu l’appui aérien des forces de coalition (Site Internet des FDS, 21 janvier 2018).
Affrontements au Sud de Quneitra
Le 18 janvier 2018, il a été signalé qu’une force composée d’environ 40 membres de l’Armée Khaled bin Al-Walid (affiliée à l’Etat islamique) se sont infiltrés dans le village d’Al-Bakar, à environ 27 km au Sud de Quneitra, près de la frontière entre la Syrie et Israël. Ils sont arrivés à partir de leurs positions dans le village d’Ain Thakar, au Sud d’Al-Bakar. Une force de l’Etat islamique a occupé une école et un barrage local pendant environ une heure, jusqu’à l’arrivée d’un détachement de l’armée syrienne.
Développements en Irak
Cette semaine encore, les forces de sécurité irakiennes ont continué à mener des activités militaires intensives contre les membres de l’Etat islamique répartis dans le Nord de l’Irak, dans des enclaves, des poches sporadiques et des réseaux clandestins. L’organisation de son côté a poursuivi ses activités de guérilla et de terrorisme.
Ci-après les principaux incidents :
Le 19 janvier 2018, la Province d’Al-Anbar de l’Etat islamique a annoncé que ses membres avaient occupé les domiciles de deux hauts responsables de la police irakienne dans la région d’Albu Dhiyab, près de Ramadi. L’un des fonctionnaires a été tué et l’autre a été gravement blessé.
Le 19 janvier 2018, les forces de sécurité irakiennes ont signalé l’assassinat d’un commandant de l’Etat islamique dans les affrontements autour du village d’Albu Sayf, à environ 2 km au Sud de l’aéroport de Mossoul. Les membres de l’organisation étaient cachaient dans les buissons qui poussent sur les rives du Tigre près du village (Al-Sumaria News, 19 janvier 2018).
Suite à des informations, des membres de la Mobilisation populaire, en coordination avec les forces de la police fédérale, ont tué un terroriste de l’Etat islamique dans la région d’Albu Badri, à l’Est de Samarra (Agence de presse irakienne, 19 janvier 2018).
L’Etat islamique revendique la responsabilité d’un attentat suicide au Centre de Bagdad
Le 15 janvier 2018, un attentat suicide a été réalisé dans le marché de la place Al-Tayaran, au Centre de Bagdad. Deux terroristes suicide portant des ceintures explosives se sont fait exploser. Un total de 26 personnes ont été tuées et 95 autres ont été blessées. Le 17 janvier 2018, deux jours après l’attaque, l’Etat islamique a publié une déclaration revendiquant la responsabilité de l’attentat suicide. Le message précisait que deux cents chiites ont été tués et blessés dans l’attaque (Akhbar Al-Muslimeen, 17 janvier 2018). Le délai de publication de la revendication de responsabilité pourrait témoigner de problèmes dans le fonctionnement du réseau de propagande de l’organisation dans la région de Bagdad.
L’Egypte et la péninsule du Sinaï
Activités sécuritaires de l’armée égyptienne et opérations de l’Etat islamique
Des sources sécuritaires et des témoins oculaires ont déclaré que les forces de sécurité égyptiennes ont récemment renforcé leur présence à Rafah, dans les zones sous leur contrôle, en prévision d’une « opération militaire sans précédent » contre les avant-postes de l’Etat islamique à l’Ouest et au Sud de Rafah. Dans ce contexte, des centaines de militaires, des dizaines de véhicules blindés, des chars et des véhicules militaires ont été placés dans des camps d’al-Cheikh Zuweid et d’Al-Arish (Al-Araby Al-Jadeed, 18 janvier 2018).
Le 23 janvier 2018, l’armée égyptienne a annoncé que ses forces, en coopération avec l’armée de l’air, opéraient dans le Nord du Sinaï. Au cours de cette activité, deux terroristes ont été tués, et plusieurs ont été détenus. Des bases terroristes ont été détruites, et un véhicule tout terrain prêt pour l’opération a été saisi, ainsi que six charges explosives. Au cours de cette activité, une partie d’un tunnel de dix mètres de profondeur a été exposé, et un véhicule a été saisi, contenant une grande quantité de substances utilisées pour la fabrication d’engins piégés (Page Facebook officielle du porte-parole de l’armée égyptienne, 23 janvier 2018).
L’Etat islamique a poursuivi son activité intensive contre les forces de sécurité égyptiennes dans le Nord du Sinaï, principalement en déposant des engins piégés :
La province du Sinaï de l’Etat islamique a publié une déclaration selon laquelle le 22 janvier 2018, ses membres ont interrompu une opération de l’armée égyptienne et de la police dans la zone d’Al-Arish. Selon le communiqué, trois engins piégés ont explosé près de trois chars,détruisant deux d’entre eux et endommageant le troisième. Des membres de l’Etat islamique ont également fait exploser des engins piégés au Sud d’Al-Arish (un véhicule blindé a été détruit) et à l’Ouest d’Al-Arish (plusieurs membres d’une patrouille ont été tués et blessés) (Agence de presse Aamaq, citée sur le compte Twitter Terror Monitor).
Le 17 janvier 2018, l’Etat islamique a fait exploser une bombe artisanale dans la zone de Sabeekah dans le Nord du Sinaï, près de la route côtière entre Al-Arish et Al-Qantara. Un agent de police et quatre soldats ont été blessés (Al-Bawaba News, 17 janvier 2018). L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité de l’attaque (Akhbar Al-Muslimeen, 18 janvier 2018).
Le 19 janvier 2018, deux officiers de l’armée égyptienne et dix soldats ont été blessés lorsque deux engins piégés ont explosé dans deux incidents distincts sur la route internationale à l’Ouest Al-Arish. Les deux engins piégés ont explosé alors que deux véhicules blindés des forces de sécurité fouillaient la zone (Al-Masry Al-Youm, 19 janvier 2018).
L’Etat islamique dans les différentes provinces
La Province d’Al-Baraka de l’Etat islamique (Est et Nord-Est de la Syrie) a publié les photos d’une formation de missiles antichars proposée aux membres de l’organisation au cours des dernières semaines. Les photos montrent les membres en classe recevant des explications sur les missiles russes Kornet. Les membres sont également montrés regardant le tir d’un missile antichar et le tir de missiles sur des cibles des FDS (Akhbar al-Muslimeen, 17 janvier 2018). L’organisation d’un tel cours est une nouvelle expression des efforts de l’Etat islamique de remettre en état ses forces dans l’Est de la Syrie et de rétablir sa capacité opérationnelle.
Activités de l’Etat islamique dans d’autres pays
Afghanistan
Le 20 janvier 2018, quatre jihadistes ont attaqué l’Hôtel Intercontinental de Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, et se sont barricadés à l’intérieur. Après 12 heures de siège, les forces de sécurité afghanes ont réussi à lever le siège de l’hôtel. Selon le ministre afghan de l’Intérieur, 14 civils ont été tués, y compris des étrangers. Un total de 153 personnes, dont 41 étrangers, ont été sauvés de l’hôtel. Les Taliban ont revendiqué la responsabilité de l’attaque sur les médias sociaux, annonçant que dix étrangers avaient été tués dans un attentat suicide à l’hôtel (CNN, 21 janvier 2018).
Al-Qaïda recruterait d’anciens membres de l’Etat islamique
Selon des rapports de plusieurs régions du monde, Al-Qaïda tenterait de recruter des membres de l’Etat islamique dans ses rangs après l’effondrement de l’organisation. Selon les rapports, la campagne de recrutement a commencé l’été dernier, avant même que l’État islamique ait perdu ses derniers bastions. L’un des points centraux de cet effort concerne l’Algérie, notamment au cours du mois d’Août. Selon des sources de sécurité, 10 membres de l’Etat islamique ont rejoint Al-Qaïda. La deuxième tentative a été en Syrie au cours de Septembre. En Afrique du Nord,les hauts dirigeants d’Al-Qaïda ont réussi à recruter un haut commandant dans leurs rangs. Au Yémen, de même, il y a eu des rapports selon lesquels des membres de l’Etat islamique auraient rejoint Al-Qaïda (The Guardian, 18 janvier 2018).
Activités de propagande
Appel à la guerre sainte contre le régime au Kazakhstan
La Province d’Al-Khayr en Syrie a publié une vidéo sur le soi-disant « régime infidèle » au Kazakhstan et la nécessité de mener le jihad Les orateurs dans la vidéo, des membres de l’Etat islamique, sont appelés « les Kazakhs » (ce qui peut indiquer qu’ils sont tous du Kazakhstan),appellent les habitants du Kazakhstan à mener le jihad contre le régime, qui, selon eux, coopère avec la Russie, est démocratique et laïque, exploite la population, opprime les musulmans, et lutte contre l’Islam. L’un des orateurs précise que s’il est impossible d’immigrer dans l’État islamique, il faut se débarrasser des infidèles, les poignarder avec des couteaux, et prendre leurs armes (Akhbar al-Muslimeen, 20 janvier 2018).
Abu Muhammad al-Julani invite les organisations terroristes à unir leurs efforts contre l’armée syrienne, « l’ennemi commun »
Un discours d’Abu Mohammad al-Julani, chef du Siège de Libération d’Al-Sham, a été diffusé sur les médias sociaux le 16 janvier 2018. Le titre du discours de 18 minutes était : « S’occuper des ennemis au lieu de s’occuper de l’âme et des différences d’opinion. » Au début du discours, Al-Julani élabore sur les dommages causés par le processus de règlement en Syrie et explique pourquoi le Siège de Libération d’Al-Sham s’y oppose. Il note que dans l’avenir également, l’organisation ne prendra pas part à une conférence ou à un processus qui ne profitera pas aux habitants de la Syrie, car le Siège de Libération d’Al-Sham « fait partie du peuple et de sa révolution contre le régime. »
Compte tenu de la crise et de la grave situation, Al-Julani appelle les organisations armées à mettre de côté leurs différends, à unir leurs efforts et leurs rangs contre l’armée syrienne. Il salue la ténacité des combattants à Deraa, Quneitra, et dans la région de Damas, en disant qu’ils sont à la base de la prise de Damas. À la fin de son discours, il s’adresse aux combattants et affirme que la poursuite du jihad dans Al-Sham permettra de contrecarrer le « complot » tramé à l’encontre de la mosquée Al-Aqsa. Il note que c’est une lourde responsabilité et qu’il est donc nécessaire d’unir les rangs et le cœur et de mettre de côté les différences.
De nombreuses spéculations puisées dans le corpus des Hadiths notamment d’Abu Huraira, compagnon de Mahomet, affirment que le Jésus musulman, ʿĪsā, combattra les juifs et les chrétiens, tuera les porcs, brisera la croix, détruira les synagogues et les églises.
Le retour d’ʿĪsā, dont la vie connaît actuellement une suspension, est annoncé comme Le signe d’une période de troubles divers et l’agent exterminateur. Cela tranche avec la «tendre prévenance» de Mahomet envers les icônes [1] de Jésus et Marie décorant la Ka’ba.
Alors oui ou non, l’islam aurait-il dès son origine, sombré dans l’iconoclasme le plus rigoriste et pourquoi ʿĪsā est-il réquisitionné pour détruire les lieux de culte ? Face à cette contradiction, Henri Lammens cherchait et peinait à trouver des prémices de l’iconoclasme coranique, il déclarait, dubitatif : «Cet abondant et infatigable prédicateur[Mahomet]du plus rogue monothéisme se montre d’une sécheresse, d’une apathie déconcertante au sujet des idoles. C’est tout juste si le Coran condescend à les mentionner une dizaine de fois. Dans ces brèves mentions, pas la moindre allusion au paganisme arabe ; tout se réduit à des réminiscences de l’Ancien Testament, de l’histoire d’Abraham, un de ses modèles préférés». De plus, cette image d’Épinal d’une icône d’ʿĪsā,protégée de la purification artistique iconoclaste de Mahomet se confronte à celle d’un ʿĪsā en furie contre la Croix.[2]
ʿĪsā privé de toute mission salvatrice par la doctrine islamique et empêché de pénétrer à Jérusalem par le scellement de la Porte du Messie est cantonné dans l’imaginaire islamique à sa mission de saccage de la «Croix». Cependant, au vu de l’omniprésence de ce symbole durant soixante ans de règne califal de 630 à 685 sur les pièces de monnaie (Doc. C), cette rage subite ne peut se comprendre que comme un rejet progressif –et bien après la mort de Mahomet en 632– du symbole victorieux de l’Empire byzantin. Cette destruction du signe de la Victoire de Byzance ne peut se saisir qu’avec le choix de l’empereur byzantin Tibère II (v. 520/535 –582) de frapper ce signe sur les pièces en 582 puis le rapt de la Croix en 614 par les Perses.
Il faut savoir en outre, que l’image d’Edesse [3] a constamment été reconnue comme efficace contre les Perses au point que le calife Mu’awiya (602-680) la ramena de Constantinople à Edesse. De même la requête de l’empereur byzantin Justinien II (v. 668 -711) d’un tribut payable en pièces portant cette effigie fut violemment rejetée par le Calife Abd Al-Malik (646-705). Le signe cruciforme présent sur le palladium des armées byzantines aux côtés de la Vierge Nicopéïa (la Victorieuse) avec des fragments reliques de la Croix, avait été considéré à vertus guerrières. La Croix gage de la victoire est clairement présente dans les textes byzantins sur la guerre contre les Perses. Dans la liturgie byzantine, l’exaltation de la Croix fut intégrée vers 630 et cette épopée est avant tout le récit d’une victoire militaire.[4]
La croix est avant tout un signe de triomphe de l’Empire byzantin car elle assurait la victoire contre les ennemis de l’Empire. L’empereur byzantin Léon III le Syrien (717), l’iconoclaste nomme son fils Constantin V ou «nouveau Constantin». L’icône du Christ de Chalcé sur la façade de la porte principale de Bronze du Grand Palais à Constantinople fut détruite sur l’ordre de Léon III : «l’Empereur ne peut admettre une image du Christ sans voix, sans souffle… voilà pourquoi Léon et son fils le nouveau Constantin tracent sur la porte du palais le signe trois fois heureux de la croix, gloire des fidèles». Une consubstantialité entre l’icône et son modèle est admise dans la pensée de Léon III, il épouse une conception parfaitement mésopotamienne de l’image, conception propagée par les Arabes. Les califes vont entretenir une relation trouble vis-à-vis de l’image et de leur image propre : mimétisme des modèles byzantins initiaux, accommodations de ceux-ci, foisonnement des motifs puis rejet brutal (Doc. C).
La conception coranique de l’homme est liée à la régence de la terre : «Je vais établir sur la terre un vicaire.» Cette proclamation est celle qui est frappée sur les pièces de monnaie lors de la réforme mise en place par le calife omeyyade Abd Al-Malik (695). En pahlavi, langue persane qui est frappée sur les premières pièces des Califes, Yzd se rapporte au divin («’pst’n L yzd» signifie «Dépendant de Dieu») et c’est le nom du second calife omeyyade, Yazīd Ier. C’est une conception antithétique de celle de la Bible où l’homme est fait à l’image de Dieu ou dans Son ombre et n’est pas créé pour régenter. Dieu [’ělȏhȋm]dit [’ȃmar] : «Faisons [jȃśȃh] l’homme [» ȃdȃm] à notre image [ṣělěm]». Ce mot signifie «idole», «image» mais aussi «ombre».
Or la translittération arabe de la racine ṣělěm est ZLM qui est utilisée plus de trois cents fois dans le Coran avec le curieux sens des ténèbres, notamment morales, des perversités et des injustices à combattre. C’est donc ʿĪsā, le justicier eschatologique contre les ténèbres qui est désormais appelé à poser des actes d’une violence inouïe : à la fin des temps tuer le Faux-Messie, intercéder en vue de la mort de deux autres ennemis, les Juifs et les Chrétiens, massacrer les porcs, briser la Croix. Dans la tradition islamique son Royaume est bien de ce monde, il déploie le tapis rouge à son sosie, Mahomet et aux califes après lui. Il est le bras vengeur du Calife. Il perd pour le coup sa divinité inaccessible à son double.
Si durant soixante ans (entre 630 et 685), un foisonnement extraordinaire de motifs se déploie dans l’espace califal numismatique, l’émergence de nouvelles conceptions du rôle de l’homme, du pouvoir et de Dieu s’impose par de nouveaux modèles. Cette recherche iconique se nourrit et se heurte en outre, aux conceptions sur l’image en présence : la Grecque, la Mésopotamienne et la Judaïque. Dans ces conceptions il faut distinguer la sphère privée de la sphère sacrée. Si la sphère publique de la monnaie subit des réformes, la vie des lieutenants d’Allah, elle, est étalée sur les murs des Qsars de Jordanie il n’y a aucune restriction ni pudeur. Aucun Basileus n’aurait affiché ainsi sa vie privée (Doc. B). Aussi la représentation du domaine privé n’obéit pas au même code que la sphère cultuelle.
Le ʿĪsā islamique fabriqué a posteriori, saccageur des Arts, s’oppose au doux ʿĪsā du texte coranique qui fabrique des objets qu’il anime. L’image vivante est respectée, ainsi le Coran ne blâme pas Jésus qui a le pouvoir d’animer les images. Tandis que le ʿĪsā historique des Omeyyades est un personnage violent, justicier et vengeur mis au service de leurs conceptions califales. Il est le bras armé d’une théocratie absolue qui craint le pouvoir des images et celui de la Croix. A l’instar de tout musulman, ʿĪsā devient le soumis parfait et il ne vient que pour appliquer la volonté d’Allah (et des califes). Il est réquisitionné au jihad et détruit le signe de la Victoire aux vertus nicéphores, porteuses de victoires. Corollaire à cette soumission islamique, tout ce qui est fait est directement attribué à Allah, car l’affirmation d’une quelconque autonomie des causes secondes ferait injure à Son omnipotence. ʿĪsā est, et agi selon la stricte volonté d’Allah et surtout celle de Mahomet.
Cette unité de volonté Messie-Allah est conforme à l’hérésie monothélite (dogme qui confessa la pleine humanité du Christ en lui reconnaissant une volonté humaine subordonnée et distincte de sa volonté divine) édictée par l’empereur romain d’Orient Héraclius en 622. Mais se pose alors la question de la responsabilité de la violence de Dieu : si l’homme ne peut agir que sous la motion explicite d’Allah, cela signifie que l’auteur de la violence est initialement Allah lui-même. Un tel Dieu n’est tenu à aucune loi, aucune rationalité, aucune limite. Les violences perpétrées par ʿĪsā mettent dès lors directement en cause Dieu et l’homme.
Quand Mahomet rêve de ʿĪsā
En suspension dans l’au-delà, ʿĪsā ne quitte pas la scène islamique pour autant. Non seulement sa vie, sa suspension, sa fausse mort sont amplement décrites dans les hadiths truqués mais aussi sa vie céleste ! Dans un récit du voyage céleste prêté à Mahomet, ʿĪsā est là au Paradis. Un recueil de hadiths rapporte un rêve du prophète : «Aujourd’hui, je me suis vu en rêve près de la Ka’ba. J’y ai vu un homme pâle et brun, le plus beau de tous les hommes bruns qu’il se puisse voir. Il avait les cheveux les plus beaux qui retombaient derrière ses oreilles. [] et de l’eau en dégoulinait. Il accomplissait le tour de la Ka’ba. [] «C’est le Messie, fils de Marie». Soudain, je vis un homme aux cheveux bouclés, aveugle de l’œil droit qui ressemblait à un grain de raisin proéminent. [] «C’est le Daajjal» [5], «le Trompeur» ou «l’Imposteur», al-Masîh al-Daajjâl, le Faux Messie ou le Christ imposteur.
Le Dôme du Rocher, de vocation eschatologique, se focalise sur la définition d’ʿĪsā. Il n’évoque aucunement l’événement du survol fantastique de Mahomet au-dessus du mont du Temple. Ce n’est que plus tard que ce lieu (devenu Al-Aqsa) sera associé à la piste d’atterrissage d’Al Buraq, sa monture ailée à tête de femme et queue de paon (voir François Sweydan : Où sont les sites archéologiques arabes palestiniens ?) Qui plus est, le Dôme escamote totalement tout éloge du nouveau prédicateur. Le seul prophète qu’il se complaît à décrire est ʿĪsā, ibn Mariam. Logique, car dans le Coran c’est le seul intervenant au Jugement dernier, le seul à se battre violemment contre le Daajjal, le Faux Messie. Il était alors logique que le Dôme s’empare et célèbre ʿĪsā. Certes sa «parousie» est à peine affleurée par le Coran –juste à la sourate 43– mais c’est uniquement le fait des traductions forcées et faussées.
Quand Mahomet se substitue à ʿĪsā et à Jésus des Évangiles
La création d’une nouvelle communauté islamique, réceptacle de la Terre Sainte devait aboutir à la création d’un nouveau héros charismatique recevant une grande partie des attributs et cristallisant toutes les fonctions du Messie. Cette création a nécessité des glissements idéologiques et des falsifications textuelles dans le temps, celui des premiers califes omeyyades. Le hadith 5834 de Muslim (v. 821– 875 ; auteur perse de recueil d’hadiths) revendique la proximité inégalée du prédicateur Mahomet au fils de Marie. Mais Jésus devait être abaissé, dépouillé de sa Personne et de sa divinité, dissocié de Byzance et de son symbole de pouvoir. ʿĪsāfut mis en suspension, en pointillé et ainsi il devint l’ombre de Mahomet.
L’insistance même du Coran sur sa filiation à sa mère est déjà un rejet polémique de la croyance christique en sa divinité. Sa ‟nouvelle» fonction construite a posteriori de briseur de Croix et de dénonciateur des juifs est toute politique et trahit la peur de ce Signe. Le rejet progressif –bien après la mort de Mahomet– de ce symbole clef du pouvoir du Basileus est de surcroît intimement lié à la victoire byzantine sur les Perses. Lorsque ces derniers furent intégrés à l’Empire ce signe leur devint odieux. Il était impossible au nouvel Empire perse de reprendre les symboles byzantins qui les avaient anéantis. Des motifs persans, étoiles et lune et une conception théocratique du pouvoir de droit divin s’imposèrent ; le calife consubstantiel à Allah impose son image omnipotente et exige l’obéissance de tous ses sujets. La couronne de l’empereur sassanide d’Iran Chosroès II (règne de 590 à 628) fut suspendue au Dôme du Rocher et y est figurée (Doc. A), les signes perses arborés. Les pièces de monnaie sont devenues des proclamations omniprésentes des titres politiques et religieux absolus du calife.
En fait, l’iconoclasme islamique est l’ultime avatar, il absorbe goulûment la conception mésopotamienne «magique» des images sans âme et la mêle avec l’interdit mosaïque. Le personnage de ʿĪsā saccageur de Croix et exterminateur final des opposants juifs et chrétiens au Califat islamique est une pure création politique omeyyade. Le «ʿĪsā» historique est venu amplifier plus encore la tradition coranique primitive et il ne doit jamais être confondu avec Jésus des Évangiles [6], ni même rapproché d’aucune manière au Christ de la fin des temps.
[1] Selon les hadiths, recensions des actes et des paroles attribués à Mahomet et ses compagnons.
[2] BUKKHĀRĪ Muḥammad b. Ismāʿīl, Le Ṣaḥīḥ d’al-Bukhāry. Les hadīth authentiques établis par le grand traditionniste l’ímam Abu Abdullah Muhammad ben Ismail Al-Bukhāry (m. 256. h), Beyrouth, Saida, al-Maktaba al –ʿaṣṣryyah, 2011, vol. 3, n° 2222.
[3] Image d’Edesse : relique consistant en une pièce de tissu rectangulaire sur laquelle l’image du Christ ou Sainte Face a été miraculeusement imprimée de son vivant.
[4] John HALTON, Money,Power and Politics in Early Islamic Syria: A Review of Current Debates. Ashgate Publishing, Ltd., 28 juin 2013.
[5] Imam MUSLIM, Sahih Muslim, Al-Hadith, 2013, vol. 1, n° 425 [169], p. 183.