Un mois après l’arrestation de Michel Samaha, pris "la main sur le détonateur", le dispositif syrien au Liban se lézarde. En attendant la grande chute de la dictature syrienne, Samaha vient d’entraîner dans sa dégringolade l’un des poids lourds syriens au Liban, le général Jamil Sayyed. Il est soupçonné d’avoir accompagné Samaha, dans sa voiture, pendant qu’il transportait les explosifs depuis Damas. Le général Michel Aoun, parmi d’autres, est contraint à la fuite en avant. Avec sa démagogie légendaire, il est l’un des derniers appuis d’Assad au Liban.
http://mediarabe.info/spip.php?article2220
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L’information a fait le tour du Liban, jetant un froid glacial sur les alliés de la Syrie. Les services de renseignement et d’intelligence des Forces de Sécurité Intérieure (FSI), ont remis à la justice libanaise les conclusions de l’enquête concernant les éventuels complices de Michel Samaha, arrêté le 09 août dernier.
Parmi ces complices potentiels, le général Jamil Sayyed tient la corde. Cet ancien directeur de la Sûreté générale libanaise, nommé à ce poste par l’occupation syrienne, avait régné en maître absolu au Liban jusqu’en 2005. Pendant plusieurs années, il faisait la pluie et le beau temps. Il a planifié ou couvert tous les coups tordus, traqué les journalistes et réprimé les opposants à l’occupation syrienne et à l’ordre établi. Il fut accusé d’implication dans l’attentat contre l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, en février 2005, et emprisonné pendant quatre années, avec trois autres généraux proches de la Syrie.
Adoptant l’attaque comme une meilleure stratégie de défense, Jamil Sayyed a intenté plusieurs procès contre les journalistes et les médias qui ont osé le citer dans les crimes commis au pays du Cèdre. Après sa libération pour manque de preuves dans l’affaire Hariri, et grâce à ses réseaux, dont des journalistes arabes et occidentaux, Sayyed a tenté de discréditer l’enquête internationale et le Tribunal spécial pour le Liban, en distillant de fausses informations et en lançant des leurres, mais également en entretenant l’affaire des « faux témoins » qu’il aurait contribué à créer de toutes pièces.
Depuis l’éclatement de la révolte en Syrie, le général Sayyed, à l’instar du général Michel Aoun, a multiplié les sorties pour défendre le régime de Bachar Al-Assad, avec une forte dose d’hypocrisie et beaucoup de mensonges. Sa dernière démonstration en date fut son interview avec le quotidien français Le Figaro, du 02 septembre dernier. Sayyed a en effet eu le culot d’affirmer que « Bachar Al-Assad est le protecteur des minorités, et particulièrement des Chrétiens ! », oubliant qu’il avait lui-même, à la demande du même Bachar Al-Assad, réprimé les mêmes Chrétiens libanais, un certain 07 août 2001, pour les empêcher de sceller leur réconciliation avec les Druzes, dans la montagne du Chouf. Quelques heures après une visite historique du Patriarche maronite Nasrallah Sfeir chez le leader druze Walid Joumblatt, Jamil Sayyed a violemment arrêté et torturé des dizaines de jeunes chrétiens - et druzes - qui ont approuvé la réconciliation. Les Chrétiens n’ont pas oublié non plus que Sayyed fut l’un des décideurs et des exécutants de l’emprisonnement de Samir Geagea pendant plus de 11 ans, et d’avoir cautionné l’enlèvement, la torture et l’emprisonnement de centaines de Libanais, toujours portés disparus dans les geôles syriennes... Comment peut-il prétendre, en 2012, que son maître Assad est le défenseur des minorités, qu’il est l’unificateur de la Syrie, au moment où le « tueur en Syrie » massacre la population, détruit le pays et accélère son démembrement ?
Selon plusieurs observateurs, l’interview accordée au Figaro n’était qu’une attaque préventive supplémentaire destinée à mieux défendre Assad et sauver son dispositif au Liban, dont Sayyed est le principal pilier. En contrepartie, le journaliste du Figaro aurait obtenu un visa pour se rendre à Damas. Les mêmes sources déplorent ce comportement d’un journal prestigieux, et qui nuit à sa crédibilité.
Au-delà de ce détail, la manœuvre de Sayyed visait également à défendre son allié Michel Samaha, arrêté il y a un mois pour son implication dans un vaste plan terroriste ordonné par le régime syrien pour déstabiliser le Liban au nom d’Al-Qaïda. Depuis, l’enquête s’est poursuivie et s’est élargie pour déterminer d’éventuels complices. Pour retarder ou neutraliser l’enquête, et innocenter l’agent Samaha, le dispositif syrien au Liban a multiplié les offensives médiatiques contre les FSI. Jamil Sayyed fut le premier à se rendre au domicile de Samaha, quelques minutes après son arrestation, pour dénoncer un « coup monté ».
Mais ce 10 septembre, les FSI affirment que leur enquête, ainsi que les tests ADN effectués sur la voiture de Samaha qui a transporté les bombes, attestent que le général Jamil Sayyed se trouvait dans le véhicule, lors de son dernier passage à la frontière. De ce fait, il est accusé d’implication dans le plan terroriste au même titre que Samaha et leur commanditaires, Ali Mamlouk et Bachar Al-Assad. Ce soir, Sayyed dément. Il affirme que « la voiture de Samaha (Audi A8 blindée, offerte par Assad) ne peut contenir à la fois deux ânes ! ». Il menace de poursuivre les responsables des FSI et leur promet la prison. Le professionnalisme des enquêteurs, qui leur a déjà permis de remonter les pistes des meurtriers de Rafic Hariri jusqu’aux membres du Hezbollah, justifie la nervosité de Sayyed. Ce qui explique aussi son acharnement à défendre Bachar Al-Assad à travers le Figaro. Il est conscient que son salut passe obligatoirement par le maintien de la dictature en Syrie.
Mais un général peut en cacher un autre. En effet, Michel Aoun reste réservé dans sa défense de Michel Samaha, pris en flagrant délit. Les derniers partisans du général Aoun ne lui pardonneraient pas un tel acte de « haute trahison », à quelques mois des législatives, et de la chute d’Assad. Mais à l’instar de Sayyed, et pour les mêmes raisons, Aoun réitère ses positions en faveur du dictateur syrien. Il vient de reprendre et d’approfondir les arguments de Sayyed, en affirmant que « le renversement du régime syrien anéantirait le Liban et mettrait fin à la présence chrétienne en Orient ». Mais Aoun semble lui aussi oublier avoir fait sa carrière et bâti sa renommée sur les cadavres des Chrétiens massacrés par l’occupation syrienne, et sur les ruines des quartiers chrétiens bombardés par l’armée d’Assad.
Michel Aoun demeure l’un des rares soutiens de la dictature syrienne au Liban. Même le Hezbollah, que l’Iran oblige à aider Assad, le fait désormais à reculons et tente de prendre ses distances, du moins en public, pour limiter les dégâts. Connu pour son pragmatisme, Hassan Nasrallah est conscient que l’onde de choc que provoquera la chute du régime syrien ne l’épargnera pas, et tente d’assurer ses arrières dans la perspective de l’après-Assad. Il est vrai que contrairement au Hezbollah, Michel Aoun n’existe que par la bonne volonté de Damas, qui l’avait déjà propulsé à la tête de l’armée en 1984, et l’avait manipulé dans tous les sens, avec la promesse d’en faire président. Depuis, il court derrière ce rêve inaccessible.
Michel Samaha commence à entraîner ses partenaires dans sa chute. L’empire médiatique mis en place par Michel Samaha, les ramifications en tous genres manipulées par Jamil Sayyed, et la couverture politique assurée par Michel Aoun sont en état de faillite. Les mensonges du premier, les manœuvres du second, et la démagogie du troisième ne leur permettent plus de berner l’opinion publique.
Stefano B. C.
Source «MediArabe.info»
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