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Le combat d’infanterie est pratiqué depuis des millénaires. Il constitue donc une source inépuisable d’inspiration pour les organisations qui veulent terroriser les peuples. Dans le dernier numéro de Défense et sécurité internationale, Yves Trotignon décrit parfaitement ce qui s’apparente désormais à un combat mondial de tirailleurs en périphérie des fronts principaux du Djihadisme. Ce combat de tirailleurs terroristes n’est pas nouveau en soi, les groupes palestiniens l’ont par exemple pratiqué dans les années 1950 contre les villages israéliens proches de la frontière de Gaza et de la Cisjordanie. Il s’agissait alors de raids en aller-retour proches dans leur forme des razzias des bédouins ou des commandos de la Seconde Guerre mondiale.
Les choses ont changé lorsque ces modes d’action sont devenus suicidaires et n’ont donc plus pris en compte la phase de repli, souvent la plus complexe à organiser. On s’est aperçu ainsi que si le conditionnement psychologique nécessitait un certain contexte et quelques délais de préparation, les savoir-faire nécessaires pour obtenir des effets étaient en revanche souvent moins sophistiqués. Il était techniquement plus facile pour un avion kamikaze de se jeter sur un bâtiment de l’US Navy que d’essayer de larguer avec précision une bombe ou une torpille. L’avion lui-même étant sacrifié n’avait pas besoin de revenir et le carburant emporté permettait d’accroitre considérablement le rayon d’action et la charge explosive. L’avion et son pilote humain étaient devenus un missile de croisière. Les véhicules-suicide et les fantassins-suicide apparus dans les années 1980 en sont devenus les équivalents terrestres face à des forces terrestres occidentales (israélienne inclue) devenues aussi difficiles à vaincre en combat rapproché que pouvait l’être la Task Force 58 dans le Pacifique.
Comme souvent le plus compliqué fut d’introduire l’innovation. Jusque-là les guérillas sunnites, palestinienne ou afghane face aux Soviétiques, ne pratiquaient pas le combat-suicide. C’est par l’islam chiite, empreint de l’éthique du sacrifice, qu’est apparu, le premier emploi moderne systématique de combattants-suicide au Moyen-Orient. Ils ont d’abord été utilisés comme « missiles de croisière » puis, alors que des parades étaient trouvées par les armées occidentales, de plus en plus en conjonction avec des modes d’action classiques, en particulier en Irak puis en Afghanistan. Parmi de multiples exemple, en mars 2005, à Bagdad, un commando a pénétré en force dans le ministère de l’agriculture ouvrant la voie à un camion-suicide rempli d’explosif. Le 2 avril suivant, une cinquantaine de rebelles ont attaqué la prison d’Abou Ghraïb, en commençant par neutraliser les tours de contrôle à l’arme légère et au lance-roquettes puis en lançant, en vain, une voiture suicide contre la porte d’entrée. Le combat a duré ensuite plus de douze heures avant que le commando ne se replie.
Après son emploi en va-et-vient il est apparu rapidement que par sa capacité à durer e tsa capacité d'adaptation au terrain et à l’ennemi, les effets du commando d’infanterie pouvaient être multipliés s’il était délibérément sacrifié. Le 16 septembre 2012, un commando pénétrait ainsi dans le Camp Bastion, grande base de la Coalition dans la province afghane du Helmand et, avant d’être détruit, y réalisait des dégâts considérables. Six avions de combat du Corps des Marines y étaient ainsi détruits, les plus grandes pertes aériennes américaines en une seule journée depuis la guerre du Vietnam.
Quelques années plus tôt, en novembre 2008, le procédé du commando-suicide avaient été employé par le Lashkar-e-Taïba (LeT) aidé par l’Inter-Services intelligence pakistanais pour attaquer directement la population civile au cœur de la ville indienne de Mumbaï. L’opération avait été minutieusement préparée pendant treize mois mais réalisée avec des moyens low cost, un armement important mais classique et courant (AK-47, pistolet automatique, grenades) associés à des équipements civils (téléphones portables, Thuraya, Garmin GPS, cartes Google map) et beaucoup de drogue. La pénétration dans le port immense s’était faite assez facilement grâce à un petit caboteur.
Les pays européens sont attaqués maintenant par des mini, voire mono, commandos. Rien n’empêche l’apparition de procédés plus sophistiquées, organisés sur le sol européen ou venus de l’extérieur. On peut très bien imaginer désormais un raid amphibie venu d’une ville côtière de Libye, Syrte ou Derna, sur les côtes provençales ou l’infiltration d’un commando sur une ville ou même n’importe quel village français, sans avoir forcément à charger une cible symbolique. Il est possible aussi et même probable, la surprise (et donc l’inattendu) étant une qualité en soi des actions terroristes, qu’il s’agisse d’un mode d’action inédit. Le sniping, par exemple, déjà utilisé pour terroriser les populations en Bosnie ou en Irak serait redoutable. Un seul sniper, équipé d’un fusil Dragunov, le plus courant sinon le plus performant, des fusils de tireurs d’élite, placé sur un toit, au mieux dans un appartement parisien ferait des ravages sur les foules rassemblées, par exemple, un soir de 14 juillet ou du 31 décembre, profitant même des bruits (feux d’artifice) pour camoufler ses tirs. Il serait déjà particulièrement difficile à déceler. Il le serait encore plus s’il se déplaçait sur plusieurs emplacements de tirs avec armes prépositionnées. Plusieurs snipers croisant leurs feux ou se succédant dans l’action à partir d’angles différents sèmeraient, outre des pertes humaines, une confusion considérable.
On peut imaginer malheureusement beaucoup d'autres procédés et l'ennemi ne manque pas d'imagination. La guerre est loin d'être terminée.
Joseph Henrotin, « Le terrorisme comme forme de guerre » et Yves Trotignon, « Menace djihadiste : quelle évolution », in Défense et sécurité internationale n°111, février 2015.
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