Le puritanisme d’aujourd’hui consiste d’abord à expurger laïquement le langage de toute référence à « la » religion. La religion, c’est le christianisme, bien sûr. Il est au contraire de bon ton d’évoquer la diversité des autres, comme si la vieille fille aînée de l’Église avait laissé sa terre en friche en viager aux autres qui occupent déjà le terrain du débat. 21 coptes sont décapités en Égypte : pour le président Hollande, ce sont des ressortissants égyptiens ; lorsque Léa Salamé lance, sur le plateau d’« On n’est pas couché », « Je suis copte », comme un « Je suis Charlie » légitime, le tôlier Ruquier fait semblant de ne pas entendre cette maladresse. « Shocking » a dû se dire celui qui pense qu’on peut rire de tout, y compris de ceux que l’on croit morts, mais de là à s’identifier à des martyrs chrétiens sur ce plateau, quelle inconvenance !
Il y a donc les phrases que l’on voile pudiquement et il y a celles que l’on démasque avec horreur. Rue89, en veine de chasse aux sorcières – sport prisé chez les « journalistes gauchistes », ce comble de l’oxymore -, s’étonne que les réactions contre « les vieillards qui se lâchent » aient été trop faibles. Après Tesson et ses « musulmans qui foutent la merde », Dumas et ses circonlocutions sur l’épouse du Premier ministre, voici Roger Cukierman qui accuse des « jeunes musulmans » des violences antisémites. Il faut des réactions, voire des sanctions ! Les coupables doivent être condamnés à la contrition et à la repentance !
On accuse la violence des propos. Tesson reconnaît un dérapage. Mais que penser d’un microcosme médiatique qui, après avoir vanté les mérites de Charlie, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fait pas dans la dentelle, s’offusque de l’indécence de vérités dites avec brutalité ? « Le style, c’est l’homme », disait justement Buffon, encore un penseur de notre grande époque, mort à temps, en 1788. Pourquoi demander à Tesson de s’émasculer, même à son âge, alors que, justement, c’est la verdeur, la force du propos qui le rendent intéressant. Pourquoi demander à Dumas ou à Cukierman de s’excuser ? Ce qu’ils ont dit n’était pas infondé. Il s’agissait de l’expression d’opinions, c’est à dire de vérités subjectives, partielles. Ce n’étaient ni des mensonges, ni des erreurs.
Tant que ces formules jugées incorrectes ne sont ni des diffamations, ni des injures, elles participent à la libération de la pensée et à la santé de la démocratie. Malgré toute la sympathie éprouvée pour Israël, la formule excessive de Valls « éternellement lié par sa femme à Israël », mélangeant allègrement le privé et le public, la religion et la nation, était totalement déplacée chez un homme politique français. De même, quoi qu’en pense le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur, est-il anormal que le président du CRIF, après Fofana, Merah, Nemmouche, Coulibaly, pointe le doigt sur un antisémitisme de « jeunes musulmans » ? Généralisation excessive ? Sans doute, mais qui est loin d’être injustifiée et demande surtout aux autorités musulmanes d’être sans complaisance pour de tels comportements.
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