vendredi 28 juillet 2017

Lors de la libération d’Alep et de la prise de l’état-major saoudien qui s’y trouvait, la journaliste bulgare Dilyana Gaytandzhieva constata la présence d’armes de son pays dans neufs entrepôts abandonnés par les jihadistes. Elle nota soigneusement les indications portées sur les caisses et, de retour dans son pays, enquêta sur la manière dont elles étaient arrivées en Syrie.
Depuis 2009 —à la brève exception de la période allant de mars 2013 à novembre 2014—, la Bulgarie est gouvernée par Boïko Borissov, un personnage haut en couleur, issu de l’une des principales organisations criminelles européennes, la SIC. Rappelons que la Bulgarie est à la fois membre de l’Otan et de l’Union européenne et qu’aucune de ces deux organisations n’a émis la moindre critique contre l’arrivée au pouvoir d’un chef mafieux identifié depuis longtemps par les services internationaux de police.
Si la Bulgarie a été l’un des principaux exportateurs d’armes vers la Syrie, elle a bénéficié de l’aide de l’Azerbaïdjan.
Toutes les opérations que nous allons récapituler ici sont illégales en droit international, y compris celles organisées publiquement par le Pentagone.
On savait déjà que la CIA avait fait appel à la SIC et à Boïko Borissov pour fabriquer en urgence du Captagon à destination des jihadistes en Libye, puis en Syrie. Depuis l’enquête de Maria Petkova publiée dans Balkan Investigative Reporting Network(BIRN), on savait que la CIA et le SOCOM (Special Operations Command du Pentagone) avaient acheté pour 500 millions de dollars d’armes à la Bulgarie, entre 2011 et 2014, pour les jihadistes. Puis que d’autres armes furent payées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis et transportées par Saudi Arabian Cargo et Etihad Cargo [2].
Fin 2012, la Croatie livrait aux jihadistes syriens 230 tonnes d’armes pour une valeur 6,5 millions de dollars. Le transfert en Turquie était opéré par trois Iliouchine de la compagnie Jordan International Air Cargo, puis les armes étaient parachutées par l’Armée qatarie [3]. Selon Eric Schmitt du New York Times, l’ensemble de ce dispositif avait été imaginé par le général David Petraeus, directeur de la CIA [4].
Lorsqu’en 2012, le Hezbollah tenta de découvrir le trafic de la CIA et du SOCOM, un attentat fut perpétré contre des touristes israéliens à l’aéroport de Burgas, le centre névralgique du trafic.
Selon une source proche du PKK, en mai et juin 2014, les services secrets turcs ont affrété des trains spéciaux pour livrer à Rakka, c’est-à-dire à ce qui s’appelait alors l’Émirat islamique en Irak et en Syrie et qui est connu aujourd’hui comme Daesh, des armes ukrainiennes payées par l’Arabie saoudite et plus d’un millier de Toyota Hilux (pick-up double cabine) spécialement arrangés pour résister aux sables du désert. Selon une source belge, l’achat des véhicules avait été négocié avec le Japonais Toyota par la société saoudienne Abdul Latif Jameel.
le Qatar qui ne voulait pas être en reste a acheté pour les jihadistes à la société d’État ukrainienne UkrOboronProm la version la plus récente de l’Air Missile Defense Complex "Pechora-2D". La livraison a été effectuée par la société chypriote Blessway Ltd [5].
Selon Jeremy Binnie et Neil Gibson de la revue professionnelle de l’armement Jane’s, l’US Navy Military Sealift Command a lancé en 2015 deux appels d’offres pour transporter des armes du port roumain de Constanta vers le port jordanien d’Aqaba. Le contrat a été emporté par Transatlantic Lines [6]. Il a été exécuté juste après la signature du cessez-le-feu par Washington, le 12 février 2016, en violation de son engagement.
Selon Pierre Balanian d’Asia News, ce dispositif s’est poursuivi en mars 2017 avec l’ouverture d’une ligne maritime régulière de la compagnie états-unienne Liberty Global Logistics reliant Livourne (Italie) / Aqaba (Jordanie) / Djeddah (Arabie saoudite) [7]. Selon le géographe Manlio Dinucci, elle était principalement destinée à la livraison de blindés vers la Syrie et le Yémen [8].
Selon les journalistes turcs Yörük Işık et Alper Beler, les derniers contrats de l’ère Obama ont été effectués par Orbital ATK qui a organisé, via Chemring et Danish H. Folmer & Co, une ligne régulière entre Burgas (Bulgarie) et Jeddah (Arabie saoudite). Pour la première fois, on parle ici non seulement d’armes produites par Vazovski Machine Building Factory (VMZ) (Bulgarie), mais aussi par Tatra Defense Industrial Ltd. (Tchéquie) [9].
Le total de ces opérations représente des centaines de tonnes d’armes et de munition, peut-être des milliers, principalement payées par les monarchies absolues du Golfe, prétendument pour soutenir une « révolution démocratique ».
En réalité, les pétro-dictatures ne sont intervenues que pour dispenser l’administration Obama de rendre des compte au Congrès US (Opération Timber Sycamore) et lui faire prendre des vessies pour des lanternes [10]. L’ensemble de ce trafic a été personnellement contrôlé par le général David Petraeus, d’abord depuis la CIA dont il était le directeur, puis depuis la société de placements financiers KKR qu’il a rejointe. Il a profité de l’aide de hauts-fonctionnaires, parfois sous la présidence de Barack Obama, puis massivement sous celle de Donald Trump.

Selon l’ancienne fonctionnaire du FBI et fondatrice de la National Security Whistleblowers Coalition, Sibel Edmonds, de 1997 à 2001, l’Azerbaïdjan du président Heydar Aliyev hébergea à Bakou, à la demande de la CIA, le numéro 2 d’Al-Qaïda, Ayman el-Zawahiri. Bien qu’officiellement recherché par le FBI, celui qui était alors le numéro 2 du réseau jihadiste mondial se déplaçait régulièrement en avion de l’Otan en Afghanistan, en Albanie, en Égypte et en Turquie. Il recevait également des visites fréquentes du prince Bandar ben Sultan d’Arabie saoudite [11].
À ses relations sécuritaires avec Washington et Riyad, l’Azerbaïdjan —dont la population est pourtant principalement chiite— ajoute Ankara la sunnite qui le soutient dans son conflit contre l’Arménie à propos de la sécession de la République d’Artsakh (Haut-Karabagh).
À la mort d’Heydar Aliyev aux États-Unis, en 2003, son fils Ilham Aliyev, lui succède. La Chambre de commerce USA-Azerbaïdjan devient l’arrière-cour de Washington avec à côté du président Aliyev, Richard Armitage, James Baker III, Zbigniew Brzeziński, Dick Cheney, Henry Kissinger, Richard Perle, Brent Scowcroft et John Sununu.
Selon Dilyana Gaytandzhieva, le ministre des Transports, Ziya Mammadov, met en 2015 à disposition de la CIA la compagnie d’État Silk Way Airlines aux frais de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Le ministre des Affaires étrangères, le très peu scrupuleux Elmar Mammadyarov, envoie à plusieurs de ses ambassades des demandes d’homologation de « vols diplomatiques », ce qui interdit leurs fouilles au titre de la Convention de Vienne. En moins de trois ans, plus de 350 vols disposeront de ce privilège extraordinaire.
Bien que, selon les traités internationaux, ni les avions civils, ni les avions diplomatiques ne sont autorisés à transporter des matériels militaires, les demandes de reconnaissance comme « vols diplomatiques » portent mention explicites des chargements transportés. Cependant, à la demande du département d’État US, au moins l’Afghanistan, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, la Bulgarie, le Congo, les Émirats arabes unis, la Hongrie, Israël, le Pakistan, la Pologne, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, la Tchéquie, la Turquie et le Royaume-Uni fermèrent les yeux sur cette violation du droit international comme ils avaient ignoré les vols de la CIA entre leurs prisons secrètes.
En moins de trois ans, la Silk Way Airlines a ainsi transporté pour au moins 1 milliard de dollars d’armes.
De fil en aiguille, la journaliste Dilyana Gaytandzhieva a mis à jour un vaste système qui approvisionne également les jihadistes non seulement en Irak et en Syrie, mais aussi en Afghanistan, au Pakistan et au Congo, toujours aux frais des Saoudiens et des Émiratis. Certaines armes livrées en Arabie furent réexpédiées en Afrique du Sud.
Les armes transportées en Afghanistan seraient parvenues aux Talibans, sous le contrôle des États-Unis qui prétendent les combattre. Celles livrées au Pakistan étaient probablement destinées à commettre des attentats islamistes en Inde. On ignore qui sont les destinataires finaux des armes livrées à la Garde républicaine du président Sassou N’Guesso au Congo et à l’Afrique du Sud du président Jacob Zuma.
Les principaux négociants étaient les firmes états-uniennes Chemring (déjà citée), Culmen International, Orbital ATK (également déjà citée) et Purple Shovel.
Outre les armes de type soviétique produites par la Bulgarie, l’Azerbaïdjan acheta sous la responsabilité du ministre de l’Industrie de défense, Yavar Jamalov, des stocks en Serbie, en Tchéquie et accessoirement dans d’autres États, chaque fois en déclarant être le destinataire final de ces achats. Concernant les matériels de renseignement électronique, Israël mit à disposition la firme Elbit Systems qui prétendit être le destinataire final, l’Azerbaïdjan n’ayant pas le droit d’acheter ce type de matériel. Ces exceptions attestent que le programme azerbaïdjanais, s’il a été requis par les États-Unis et l’Arabie saoudite, était contrôlé de bout en bout depuis Tel-Aviv.
L’État hébreu, qui prétend être resté neutre durant l’ensemble du conflit syrien, a pourtant de nombreuses fois bombardé l’Armée arabe syrienne. Chaque fois où Tel-Aviv a reconnu les faits, il a prétendu avoir détruit des armes destinées au Hezbollah libanais. En réalité, toutes ces opérations, sauf peut-être une, étaient coordonnées avec les jihadistes. On apprend donc aujourd’hui que Tel-Aviv supervisait les livraisons d’armes à ces mêmes jihadistes, de sorte que si Israël s’est contenté d’utiliser son armée de l’Air pour les appuyer, il jouait en réalité un rôle central dans la guerre.
Selon les conventions internationales la falsification des certificats de livraison finale et l’envoi d’armes à des groupes mercenaires, qu’ils renversent des gouvernements légitimes ou détruisent des États reconnus sont des crimes internationaux.
L’opération Timber Sycamore, dans ses différents volets, est la plus importante affaire criminelle de trafic d’armes de l’Histoire. Dans les parties mises à jour, elle implique au moins 17 États et représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’armes pour plusieurs milliards de dollars.

 [1] “350 diplomatic flights carry weapons for terrorists”, Dilyana Gaytandzhieva, Trud, July 2, 2017.
[2] “War Gains : Bulgarian Arms Add Fuel to Middle East Conflicts”, Maria Petkova, Balkan Investigative Reporting Network, December 21, 2015.
[4] “In Shift, Saudis Are Said to Arm Rebels in Syria” and “Airlift To Rebels In Syria Expands With C.I.A.’S Help”, C. J. Chivers & Eric Schmitt, The New York Times, February 26 and March 25, 2013.
[5] “Qatar and Ukraine come to deliver Pechora-2D to ISIS”, by Andrey Fomin, Oriental Review (Russia), Voltaire Network, 22 November 2015.
[6] “US arms shipment to Syrian rebels detailed”, Jeremy Binnie & Neil Gibson, Jane’s, April 7th, 2016.
[7] “Jordan strengthens military presence on border with Syria and Iraq”, Pierre Balanian, AsiaNews, April 11, 2017.
[8] « De Camp Darby, des armes US pour la guerre contre la Syrie et le Yémen », par Manlio Dinucci, Traduction Marie-Ange Patrizio, Il Manifesto(Italie), Réseau Voltaire, 18 avril 2017.
[10] “U.S. Relies Heavily on Saudi Money to Support Syrian Rebels”, Mark Mazzetti & Matt Apuzzojan, The New York Times, January 23, 2016.
[11Classified Woman. The Sibel Edmonds Story : A Memoir et The Lone Gladio, Sibel Edmonds.

Émergence d’une nouvelle alliance au Moyen-Orient élargi

Petit à petit, la politique étrangère du président Trump se met en place. Concernant le Moyen-Orient élargi, il est parvenu, avec l’aide de son conseiller de sécurité nationale le général H.R. McMaster et de son directeur de la CIA Mike Pompeo, à mettre fin aux programmes secret d’aide aux jihadistes.
Contrairement aux sous-entendus du Washington Post, si cette décision a bien été prise avant la rencontre Trump-Poutine au G20, elle l’a été en réalité un peu plus de deux semaines auparavant, lors de la préparation du sommet de Riyad, mi-mai. Son objectif n’était pas de s’agenouiller devant le Tsar de Russie, ainsi que le prétend la classe politique washingtonienne, mais de mettre fin à l’usage du terrorisme, ainsi que Donald Trump l’avait déclaré durant sa campagne électorale.
Les insinuations mensongères du Washington Post ont été reprises par toute la presse occidentale. Peut-être ce fait est-il imputable à l’esprit grégaire des journalistes occidentaux, peut-être et plus sûrement, il montre que les grands médias sont détenus par des partisans de la guerre au Moyen-Orient et contre la Russie.
Les révélations bulgares sur l’existence d’un vaste réseau de trafic d’armes, mis en place par le général David Petraeus alors qu’il était encore directeur de la CIA, en 2012, et poursuivi par lui depuis son bureau du fonds de placement KKR laissent pantois sur la puissance des facteurs de guerre.
17 États au moins ont participé à cette opération « Bois de Sycomore », dont l’Azerbaïdjan qui a assuré le transport de 28 000 tonnes d’armes et Israël qui a fourni de faux documents de destination finale. Selon toute vraisemblance, David Petraeus et KKR ont été aidés par le secrétaire général adjoint de l’Onu, Jeffrey Feltman. Bien sûr, ce gigantesque trafic, sans précédent dans l’Histoire de par son volume, ne donnera lieu à aucune poursuite judiciaire, ni dans les États concernés, ni au plan international.
Clairement, depuis 4 ans, les peuples du Levant se battent non seulement contre des États, mais avant tout contre un consortium de sociétés privées mutinationales, incluant les médias internationaux, et de puissances étatiques moyennes qui donnent ensemble des ordres à de petits États chargés du sale boulot.
Quoi qu’il en soit, les difficultés rencontrées par Donald Trump pour imposer sa volonté à la CIA et au Pentagone ainsi que l’existence de ce réseau parallèle, mi-public mi-privé, permettent d’entrevoir la complexité de sa tâche dans un ordre mondial subverti par des intérêts privés.
Dans un premier temps, l’offensive des armées irakienne et syrienne pour rétablir la route de la soie n’a pas été stoppée par les Forces états-uniennes, malgré divers incidents.
L’offensive lancée par l’Armée arabe syrienne, avec le Hezbollah et en coordination avec l’Armée libanaise, dans le Jurd d’Ersal est le premier fruit visible de la nouvelle politique de Washington. Tout en critiquant vertement la présence du Hezbollah, le Premier ministre libanais Saad Hariri a, à la demande de l’Arabie saoudite, autorisé son Armée, à participer à l’opération. C’est la première fois, qu’officiellement les deux armées, libanaise et syrienne, et la Résistance agissent ensemble. Riyad, sans désarmer face au Parti de Dieu et à l’Iran, a considéré qu’il convenait de travailler avec le Hezbollah et d’en finir prioritairement avec les jihadistes.
En définitive, cette guerre, qui devait détruire les États de la région, prend la direction opposée : l’unité des forces iraniennes, irakiennes, syriennes et libanaises.

Le drapeau US sur les Trois mers de l’Europe par Manlio Dinucci

Ce sera un triomphe pour le président Trump quand, le 6 juillet, il arrivera en visite à Varsovie. La Pologne, assure la Maison-Blanche, est un « fidèle membre de l’Otan et un des plus proches amis de l’Amérique ». En effet elle est le fer de lance de la stratégie USA/Otan qui a entraîné l’Europe dans une nouvelle Guerre froide contre la Russie. En Pologne, où a été transférée en janvier la 3ème Brigade blindée US, est basé en fonction anti-Russie, sous commandement états-unien, un des quatre groupes de bataille de l’Otan « à présence avancée renforcée ».
La Pologne a aussi le mérite d’être un des quatre pays européens de l’Otan qui a réalisé l’objectif, requis par les USA en 2014, de dépenser pour le militaire plus de 2 % de son PIB. En compensation, annonce Varsovie, la Pologne ne contribuera pas au « Fonds pour la défense » lancé par l’Union européenne le 22 juin.
La Pologne du président Andrzej Duda a ainsi aux yeux de Washington tous les papiers en règle pour assumer une autre charge importante, celle de lancer et de conduire l’ « Initiative des trois mers », un nouveau projet qui réunit 12 pays compris entre la Baltique, la Mer Noire et l’Adriatique : la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie, la Hongrie, la Tchéquie, l’Autriche, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, la Slovaquie et la Slovénie. Tous membres de l’UE, raison pour laquelle le président Duda définit l’Initiative comme « un nouveau concept pour promouvoir l’unité européenne ».
Mais ces pays sont en même temps —tous sauf l’Autriche— membres de l’Otan sous commandement US, plus liés à Washington qu’à Bruxelles.
L’ « Initiative des trois mers » sera portée sur les fonds baptismaux par le président Trump, à la conférence qui se tiendra à Varsovie le 6 juillet, mais elle a été conçue par l’administration Obama. Elle a été annoncée le 25 août 2016 avec la Déclaration conjointe de Dubrovnik, qui la présentait comme une initiative visant à « connecter les économies et les infrastructures de l’Europe centrale et orientale du Nord au Sud, en étendant la coopération dans les secteurs de l’énergie, des transports, des communications digitales et en général de l’économie ». Objectif officiel : « rendre l’Europe centrale et orientale plus sûre et compétitive ». Cela, les USA vont s’en occuper.
Dans son discours à la Conférence des Trois mers, annonce la Maison-Blanche, le président Trump « se concentrera sur le développement des infrastructures et sur la sécurité énergétique, en mettant en évidence notamment les premières expéditions de LNG (gaz naturel liquéfié) états-unien à la Pologne rapidement dans le mois qui vient ». Un terminal dans le port baltique de Swinoujscie, qui a coûté environ un milliard de dollars, permettra à la Pologne d’importer du LNG pour une quantité de l’ordre de 5 milliards de mètres cubes annuels, expansibles à 7,5.
Par ce terminal et quelques autres, dont un programmé en Croatie, le gaz provenant des USA, ou d’autres pays par l’intermédiaire de compagnies états-uniennes, sera distribué par des gazoducs ad hoc à toute la « région des Trois mers ».
L’objectif du plan est clair : frapper la Russie en faisant tomber son export de gaz en Europe (objectif réalisable seulement si l’export de gaz US, plus cher que le russe, est stimulé par de fortes subventions d’État) ; lier encore plus aux USA l’Europe centrale et orientale non seulement militairement mais économiquement, dans une concurrence avec l’Allemagne et d’autres puissances européennes ; créer à l’intérieur de l’Europe une macro-région (celle des Trois mers) à souveraineté limitée, directement sous influence états-unienne, qui casserait de fait l’Union européenne et s’élargirait à l’Ukraine et au-delà.
La carte politique de l’Europe est sur le point de changer, mais la bannière étoilée y reste plantée.

lundi 24 juillet 2017

Des milliards de dollars d’armes contre la Syrie

Lors de la libération d’Alep et de la prise de l’état-major saoudien qui s’y trouvait, la journaliste bulgare Dilyana Gaytandzhieva constata la présence d’armes de son pays dans neufs entrepôts abandonnés par les jihadistes. Elle nota soigneusement les indications portées sur les caisses et, de retour dans son pays, enquêta sur la manière dont elles étaient arrivées en Syrie.
Depuis 2009 —à la brève exception de la période allant de mars 2013 à novembre 2014—, la Bulgarie est gouvernée par Boïko Borissov, un personnage haut en couleur, issu de l’une des principales organisations criminelles européennes, la SIC. Rappelons que la Bulgarie est à la fois membre de l’Otan et de l’Union européenne et qu’aucune de ces deux organisations n’a émis la moindre critique contre l’arrivée au pouvoir d’un chef mafieux identifié depuis longtemps par les services internationaux de police.
C’est donc clairement en mettant leur vie en jeu que Dilyana Gaytandzhieva a remonté la filière et que la rédaction du quotidien de Sofia, Trud, a publié son dossier [1]. Si la Bulgarie a été l’un des principaux exportateurs d’armes vers la Syrie, elle a bénéficié de l’aide de l’Azerbaïdjan.

Le gigantesque trafic d’armes de la CIA contre l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie et l’Inde

Depuis le début des printemps arabes, un gigantesque trafic d’armes a été organisé par la CIA et le Pentagone en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu. Toutes les opérations que nous allons récapituler ici sont illégales en droit international, y compris celles organisées publiquement par le Pentagone.
En matière de trafic d’armes, même lorsque des individus ou des sociétés privées servent de paravent, il est impossible d’exporter des matériels sensibles sans l’assentiment des gouvernements concernés.
Toutes les armes dont nous allons parler, sauf les systèmes de renseignement électronique, sont de type soviétique. Par définition, même si l’on prétend que des armées dotées d’armes de type Otan sont les destinataires finales de ces livraisons, c’est impossible. Ces armées servent juste à couvrir le trafic.
On savait déjà que la CIA avait fait appel à la SIC et à Boïko Borissov pour fabriquer en urgence du Captagon à destination des jihadistes en Libye, puis en Syrie. Depuis l’enquête de Maria Petkova publiée dans Balkan Investigative Reporting Network(BIRN), on savait que la CIA et le SOCOM (Special Operations Command du Pentagone) avaient acheté pour 500 millions de dollars d’armes à la Bulgarie, entre 2011 et 2014, pour les jihadistes. Puis que d’autres armes furent payées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis et transportées par Saudi Arabian Cargo et Etihad Cargo [2].
Selon Krešimir Žabec du quotidien de Zagreb Jutarnji list, fin 2012, la Croatie livrait aux jihadistes syriens 230 tonnes d’armes pour une valeur 6,5 millions de dollars. Le transfert en Turquie était opéré par trois Iliouchine de la compagnie Jordan International Air Cargo, puis les armes étaient parachutées par l’Armée qatarie [3]. Selon Eric Schmitt du New York Times, l’ensemble de ce dispositif avait été imaginé par le général David Petraeus, directeur de la CIA [4].
Lorsqu’en 2012, le Hezbollah tenta de découvrir le trafic de la CIA et du SOCOM, un attentat fut perpétré contre des touristes israéliens à l’aéroport de Burgas, le centre névralgique du trafic. Contre l’enquête de la police bulgare et les constatations du médecin légiste, le gouvernement Borissov attribua ce crime au Hezbollah et l’Union européenne classa la Résistance libanaise comme « organisation terroriste » (sic). Il fallut attendre la chute provisoire de Borissov pour que le ministre des Affaires étrangères, Kristian Vigenine, souligne que cette accusation est sans aucun fondement.
Selon une source proche du PKK, en mai et juin 2014, les services secrets turcs ont affrété des trains spéciaux pour livrer à Rakka, c’est-à-dire à ce qui s’appelait alors l’Émirat islamique en Irak et en Syrie et qui est connu aujourd’hui comme Daesh, des armes ukrainiennes payées par l’Arabie saoudite et plus d’un millier de Toyota Hilux (pick-up double cabine) spécialement arrangés pour résister aux sables du désert. Selon une source belge, l’achat des véhicules avait été négocié avec le Japonais Toyota par la société saoudienne Abdul Latif Jameel.
Selon Andrey Fomin de l’Oriental Review, le Qatar qui ne voulait pas être en reste a acheté pour les jihadistes à la société d’État ukrainienne UkrOboronProm la version la plus récente de l’Air Missile Defense Complex "Pechora-2D". La livraison a été effectuée par la société chypriote Blessway Ltd [5].
Selon Jeremy Binnie et Neil Gibson de la revue professionnelle de l’armement Jane’s, l’US Navy Military Sealift Command a lancé en 2015 deux appels d’offres pour transporter des armes du port roumain de Constanta vers le port jordanien d’Aqaba. Le contrat a été emporté par Transatlantic Lines [6]. Il a été exécuté juste après la signature du cessez-le-feu par Washington, le 12 février 2016, en violation de son engagement.
Selon Pierre Balanian d’Asia News, ce dispositif s’est poursuivi en mars 2017 avec l’ouverture d’une ligne maritime régulière de la compagnie états-unienne Liberty Global Logistics reliant Livourne (Italie) / Aqaba (Jordanie) / Djeddah (Arabie saoudite) [7]. Selon le géographe Manlio Dinucci, elle était principalement destinée à la livraison de blindés vers la Syrie et le Yémen [8].
Selon les journalistes turcs Yörük Işık et Alper Beler, les derniers contrats de l’ère Obama ont été effectués par Orbital ATK qui a organisé, via Chemring et Danish H. Folmer & Co, une ligne régulière entre Burgas (Bulgarie) et Jeddah (Arabie saoudite). Pour la première fois, on parle ici non seulement d’armes produites par Vazovski Machine Building Factory (VMZ) (Bulgarie), mais aussi par Tatra Defense Industrial Ltd. (Tchéquie) [9].
Bien d’autres opérations ont eu lieu secrètement comme l’attestent par exemple les affaires du cargo Lutfallah II, arraisonné par la marine libanaise le 27 avril 2012, ou du cargo togolais, le Trader, arraisonné par la Grèce, le 1er mars 2016.
Le total de ces opérations représente des centaines de tonnes d’armes et de munition, peut-être des milliers, principalement payées par les monarchies absolues du Golfe, prétendument pour soutenir une « révolution démocratique ». En réalité, les pétro-dictatures ne sont intervenues que pour dispenser l’administration Obama de rendre des compte au Congrès US (Opération Timber Sycamore) et lui faire prendre des vessies pour des lanternes [10]. L’ensemble de ce trafic a été personnellement contrôlé par le général David Petraeus, d’abord depuis la CIA dont il était le directeur, puis depuis la société de placements financiers KKR qu’il a rejointe. Il a profité de l’aide de hauts-fonctionnaires, parfois sous la présidence de Barack Obama, puis massivement sous celle de Donald Trump.
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L’opération Timber Sycamore (Bois de sycomore) est la plus importante affaire de trafic d’armes de l’Histoire.

Le rôle jusqu’ici secret de l’Azerbaïdjan

Selon l’ancienne fonctionnaire du FBI et fondatrice de la National Security Whistleblowers Coalition, Sibel Edmonds, de 1997 à 2001, l’Azerbaïdjan du président Heydar Aliyev hébergea à Bakou, à la demande de la CIA, le numéro 2 d’Al-Qaïda, Ayman el-Zawahiri. Bien qu’officiellement recherché par le FBI, celui qui était alors le numéro 2 du réseau jihadiste mondial se déplaçait régulièrement en avion de l’Otan en Afghanistan, en Albanie, en Égypte et en Turquie. Il recevait également des visites fréquentes du prince Bandar ben Sultan d’Arabie saoudite [11].
À ses relations sécuritaires avec Washington et Riyad, l’Azerbaïdjan —dont la population est pourtant principalement chiite— ajoute Ankara la sunnite qui le soutient dans son conflit contre l’Arménie à propos de la sécession de la République d’Artsakh (Haut-Karabagh).
À la mort d’Heydar Aliyev aux États-Unis, en 2003, son fils Ilham Aliyev, lui succède. La Chambre de commerce USA-Azerbaïdjan devient l’arrière-cour de Washington avec à côté du président Aliyev, Richard Armitage, James Baker III, Zbigniew Brzeziński, Dick Cheney, Henry Kissinger, Richard Perle, Brent Scowcroft et John Sununu.
Selon Dilyana Gaytandzhieva, le ministre des Transports, Ziya Mammadov, met en 2015 à disposition de la CIA la compagnie d’État Silk Way Airlines aux frais de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Le ministre des Affaires étrangères, le très peu scrupuleux Elmar Mammadyarov, envoie à plusieurs de ses ambassades des demandes d’homologation de « vols diplomatiques », ce qui interdit leurs fouilles au titre de la Convention de Vienne. En moins de trois ans, plus de 350 vols disposeront de ce privilège extraordinaire.
Bien que, selon les traités internationaux, ni les avions civils, ni les avions diplomatiques ne sont autorisés à transporter des matériels militaires, les demandes de reconnaissance comme « vols diplomatiques » portent mention explicites des chargements transportés. Cependant, à la demande du département d’État US, au moins l’Afghanistan, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, la Bulgarie, le Congo, les Émirats arabes unis, la Hongrie, Israël, le Pakistan, la Pologne, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, la Tchéquie, la Turquie et le Royaume-Uni fermèrent les yeux sur cette violation du droit international comme ils avaient ignoré les vols de la CIA entre leurs prisons secrètes.
En moins de trois ans, la Silk Way Airlines a ainsi transporté pour au moins 1 milliard de dollars d’armes.
De fil en aiguille, la journaliste Dilyana Gaytandzhieva a mis à jour un vaste système qui approvisionne également les jihadistes non seulement en Irak et en Syrie, mais aussi en Afghanistan, au Pakistan et au Congo, toujours aux frais des Saoudiens et des Émiratis. Certaines armes livrées en Arabie furent réexpédiées en Afrique du Sud.
Les armes transportées en Afghanistan seraient parvenues aux Talibans, sous le contrôle des États-Unis qui prétendent les combattre. Celles livrées au Pakistan étaient probablement destinées à commettre des attentats islamistes en Inde. On ignore qui sont les destinataires finaux des armes livrées à la Garde républicaine du président Sassou N’Guesso au Congo et à l’Afrique du Sud du président Jacob Zuma.
Les principaux négociants étaient les firmes états-uniennes Chemring (déjà citée), Culmen International, Orbital ATK (également déjà citée) et Purple Shovel.
Outre les armes de type soviétique produites par la Bulgarie, l’Azerbaïdjan acheta sous la responsabilité du ministre de l’Industrie de défense, Yavar Jamalov, des stocks en Serbie, en Tchéquie et accessoirement dans d’autres États, chaque fois en déclarant être le destinataire final de ces achats. Concernant les matériels de renseignement électronique, Israël mit à disposition la firme Elbit Systems qui prétendit être le destinataire final, l’Azerbaïdjan n’ayant pas le droit d’acheter ce type de matériel. Ces exceptions attestent que le programme azerbaïdjanais, s’il a été requis par les États-Unis et l’Arabie saoudite, était contrôlé de bout en bout depuis Tel-Aviv.
L’État hébreu, qui prétend être resté neutre durant l’ensemble du conflit syrien, a pourtant de nombreuses fois bombardé l’Armée arabe syrienne. Chaque fois où Tel-Aviv a reconnu les faits, il a prétendu avoir détruit des armes destinées au Hezbollah libanais. En réalité, toutes ces opérations, sauf peut-être une, étaient coordonnées avec les jihadistes. On apprend donc aujourd’hui que Tel-Aviv supervisait les livraisons d’armes à ces mêmes jihadistes, de sorte que si Israël s’est contenté d’utiliser son armée de l’Air pour les appuyer, il jouait en réalité un rôle central dans la guerre.
Selon les conventions internationales la falsification des certificats de livraison finale et l’envoi d’armes à des groupes mercenaires, qu’ils renversent des gouvernements légitimes ou détruisent des États reconnus sont des crimes internationaux.
L’opération Timber Sycamore, dans ses différents volets, est la plus importante affaire criminelle de trafic d’armes de l’Histoire. Dans les parties mises à jour, elle implique au moins 17 États et représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’armes pour plusieurs milliards de dollars.

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Vents de révolte contre la « mondialisation libérale »

Malgré des prévisions alarmistes, les mouvements et candidats dits « populistes » ont échoué ces derniers mois à conquérir le pouvoir législatif ou exécutif dans un pays européen, qu’il s’agisse de l’Autriche (décembre 2016), des Pays-Bas (mars 2017) ou bien sûr de la France (mai-juin 2017).
Mais la question reste pendante.
La livraison estivale de la Revue internationale et stratégique (RIS) s’interroge : « Dérives autoritaires en Hongrie ou en Pologne, ‘Brexit’, élection de Donald Trump, progression des partis d’extrême droite…
Que recoupent ces contestations démocratiques et comment influent-elles sur les politiques étrangères des États ? Alors que la forme démocratique a rarement été aussi répandue parmi les communautés humaines, elle se trouve aujourd’hui contestée.
Or l’une des caractéristiques des relations internationales actuelles est le poids de ces mouvements intérieurs sur le plan extérieur, et l’imprévisibilité qui lui est attachée.
Les bouleversements démocratiques contemporains sont-ils annonciateurs d’un nouveau désordre mondial ? »
Tour d’horizon d’une contestation polymorphe des institutions participant à la « mondialisation libérale ».
Qu’est-ce que le « populisme » ? Les politologues en débattent encore.
Le terme désigne une modalité d’invocation d’une légitimité issue d’un peuple plus ou moins imaginaire, mais sert aussi comme disqualification d’options politiques à contrecourant d’une forme d’orthodoxie politique, d’inspiration libérale et mondialiste.
Ne se caractérisant ni par une idéologie ni même un style communs, le populisme regroupe en fait des formes diverses de contestation qui, par un recours au peuple et à la démocratie « véritable », débarrassée de ses instances et autres élites représentatives, entendent répondre à « une formidable crise de confiance [qui] touche à la fois les hommes, les institutions et les médias », selon Alain de Benoist (Le moment populiste, 2017).
Lequel estime que la résurgence récente du populisme en Europe tient à la défiance d’une partie des électeurs à l’égard de politiques qui affectent directement leur vie quotidienne, et pour lesquelles ils estiment ne pas avoir été consultés : immigration, intégration européenne, mondialisation.
Soit des sujets de relation internationale, de rapport au monde et à l’Autre.
Ce que confirme le journaliste britannique David Goodhart (The Road to Somewhere : The Populist Revolt and the Future, 2017), qui y décèle une distinction croissante entre les anywhere et les somewhere – « nomades » et « enracinés », « monde ouvert » et « monde fermé ».
Aux origines du populisme contemporain
Le populisme naît de manière pratiquement symétrique, à la fin du XIXsiècle, dans les campagnes russes et américaines.
Dans l’empire des tsars, il désigne à la fois une idéologie et un mouvement politique (narodnitchestvo, de narod, peuple) qui se développent dès les années 1860, pour préconiser une voie spécifique vers le socialisme.
Ils auront pour héritiers les socialistes révolutionnaires, balayés par les bolcheviques en 1917. Lénine retiendra cependant, et après lui Mao Zedong, la nécessité de mobiliser les paysans pauvres.
Car le monde rural constitue le terreau de ce populisme originel, qui émerge également aux Etats-Unis avec la création du Parti du Peuple (People’s Party) en 1891.
Cette origine rurale lui vaut une réputation de mouvement d’arrière-garde, provincial, voire « réactionnaire ».
D’autant que le populisme des Farmers américains, comme le rappelle Pascal Gauchon dans la revue de géopolitique Conflits, qui consacre un dossier à cette question, s’inspire de Thomas Jefferson, « défenseur des ‘droits humains’ contre le progrès capitaliste et incarnation de la méfiance envers Washington et le pouvoir central ».
Après la Première Guerre mondiale, c’est l’Amérique latine qui devient la terre de prédilection du populisme, prenant des formes de gauche (le Mexique de Cardenas) ou de droite (le Brésil de Vargas, qui s’inspire de l’Italie de Mussoloni).
L’Argentine voit apparaître le péronisme, à partir du mouvement des « sans-chemises » (descamisados).
Le général Peron, élu président de la République en 1945, « se réclame d’une troisième voie entre communisme et capitalisme libéral, le justicialisme ; il adopte de nombreuses mesures sociales, pratique le patriotisme économique et entretient des relations houleuses avec les ‘yankees’ ».
L’échec économique sanctionnera cette expérience, et il sera renversé par un coup d’Etat en 1955. Mais plus généralement, c’est la guerre froide qui va mettre fin à ce deuxième mouvement populiste.
Ainsi Fidel Castro, qui pouvait être assimilé aux populistes lors de son accession au pouvoir, va se placer sous protection du bloc soviétique et évoluer vers le communisme.
Tandis que, « par anticommunisme, les militaires latino-américains qui avaient constitué la colonne vertébrale des régimes populistes mettent en place des dictatures pro-américaines, souvent ralliées au libéralisme économique (Chili), que l’on ne saurait qualifier de populistes », explique encore Pascal Gauchon.
Après avoir pratiquement disparu dans les années 1960 à 1990, le populisme actuel s’inscrit dans cette généalogie.
Le président philippin Rodrigo Duterte l’illustre, ainsi bien sûr que le phénomène Trump aux Etats-Unis.
Mais c’est surtout en Europe que cette résurgence peut s’observer dans toute sa complexité.
Le réveil des mouvements populistes en Europe
Dans Populism (1981), la politiste anglaise Margaret Canovan avait déjà souligné l’extrême diversité des « populismes politiques ».
Elle distinguait quatre grandes catégories :
  • les dictatures populistes de type césaro-bonapartiste (autrefois très présentes en Amérique latine) ;
  • les démocraties populistes comme la Suisse (accordant une place centrale à la pratique référendaire) ;
  • le populisme réactionnaire d’un Enoch Powell dénonçant l’immigration dans le Royaume-Uni des années 1960 ou d’un George C. Wallace s’en prenant à l’establishment étasunien à la même époque ;
  • le « populisme des politiciens » enfin, « dans lequel elle regroupe l’ensemble de ceux qui en appellent au peuple en prétendant surmonter les clivages politiques traditionnels » (Florian Louis in Conflits).
Ce qui peut concerner beaucoup d’hommes politiques… Pour l’Europe actuelle, une approche plus géopolitique permet de distinguer plusieurs cas de figure, selon les pays concernés.
« En Pologne, en Grèce ou en Hongrie, c’est-à-dire aux périphéries de l’Union européenne, les populistes sont arrivés au pouvoir », observe Hadrien Desuin dans Conflits.
On pourrait y associer les autres pays du groupe de Visegrad (République tchèque et Slovaquie) compte tenu de leur positionnement anti-immigration, ainsi que les pays où des populistes sont ou ont été plus ou moins directement associés au pouvoir : Norvège, Finlande, Danemark…
Ces « nationaux-populistes » ou « populistes conservateurs », également influents au Royaume-Uni, se distinguent nettement de ceux de l’Europe du Sud (Lega Nord italienne exceptée), où prédominent des partis issus de la gauche anti-mondialiste (Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, Bloco de Esquerda au Portugal).
Ces derniers diffèrent par ailleurs des « sociaux populistes » d’Europe orientale ou balkanique, anciens communistes ayant évolué vers le nationalisme, particulièrement présents en Serbie, en Roumanie et en Bulgarie (où ils participent au gouvernement).
Au coeur de l’Europe, les partis populistes sont électoralement puissants mais restent aux portes du pouvoir national, comme en Autriche (FPÖ), aux Pays-Bas (PVV), en Belgique (Vlams Belang) et même désormais en Allemagne (AfD).
L’Italie est un cas particulier, avec l’inclassable Beppe Grillo (Mouvement cinq étoiles, M5S), ainsi que la France, où s’affrontent un populisme de gauche (FI) et un autre « de droite » (FN).
Matrice, limites et prolongements des populismes
Il ressort de cette rapide radiographie des populismes en Europe toute l’ambiguïté du phénomène. Notamment au regard du clivage droite/gauche : « C’est au nom de l’antilibéralisme que la plupart des courants dits populistes s’opposent aux organisations internationales (Union européenne, Fonds monétaire international) considérées comme favorisant la financiarisation et la dérégulation de l’économie, relève le politologue Guillaume Bernard dans Conflits.
Mais les motivations peuvent être fort différentes et même contradictoires : l’internationalisme socialiste ou, à l’inverse, une forme de nationalisme.
L’euroscepticisme et le souverainisme des uns et des autres n’ont donc pas la même signification ni le même objectif : déconstruire pour mettre en oeuvre un autre processus d’internationalisation pour les uns, réenraciner les institutions et les flux économiques pour les autres
. »
Reste une matrice commune : la valorisation de ce qui vient du peuple et lui permet d’exister politiquement.
« Il existe donc, dans le vote populiste, un double aspect patrimonial portant sur le niveau de vie (aspect matériel) mais surtout sur le mode de vie (aspect culturel).
Le vote populiste, c’est la révolte des classes populaires oubliées et des classes moyennes qui se paupérisent contre les métropoles mondialisées et multiculturelles
. »
La faiblesse intrinsèque des populismes tient à leur relation ambiguë avec la notion d’élite.
« Les populistes considèrent que des élites immorales, corrompues et parasitaires viennent constamment s’opposer à un peuple envisagé comme homogène et moralement pur » (Jan-Werner Müller, Qu’est-ce que le populisme ?, 2016).
Ceux qui réussissent remplacent les anciennes élites par de nouvelles.
Ceux qui se cantonnent à la dénonciation des élites en place se condamnent à l’échec – comme toutes les jacqueries et autres « émotions » populaires qui ont émaillé la France d’Ancien régime.
En accédant au pouvoir, les populistes sont-ils en mesure de modifier la politique étrangère de leur pays et les grands équilibres géopolitiques ?
Les premiers pas de Donald Trump sur la scène internationale ne semblent pas l’indiquer.
Mais l’exemple du Brexit atteste de leur capacité à remettre en cause les équilibres politiques internes de l’Europe.
Reste une ambiguité plus fondamentale : celle du rapport aux puissances qui pèsent aujourd’hui dans le monde.
C’est ce que relève Guillaume Bernard : « Le populisme, c’est l’auberge espagnole ! Y voisinent ‘poutinisme‘ et ‘trumpisme’ dont les ambitions impériales ne peuvent pourtant que s’entrechoquer même en admettant qu’ils trouvent un ennemi commun. »
Pour aller plus loin :
  • « Contestations démocratiques, désordre international ? », Olivier de France et Marc Verzeroli (dir.), RIS n°106, IRIS, 168 p., 20 € ;
  • « Les populismes : flux ou reflux ? », dossier de la revue Conflits, n°14, été 2017, 82 p., 9,90 € (en kiosque).
http://notes-geopolitiques.com

Détecteurs de Métaux et Mensonges Palestiniens par Bassam Tawil

La controverse née de la décision des autorités israéliennes d'installer des détecteurs de métaux à l'entrée du Mont du Temple rappelle le fameux proverbe arabe : « il m'a battu, s'est mis à pleurer, puis il est venu me plaindre ». Cette inversion de la réalité est fréquente quand les agresseurs tentent de se faire passer pour des victimes.
Les détecteurs de métaux ont été installés au Mont du Temple en réponse à l'assassinat de deux policiers israéliens par des terroristes arabes le 14 juillet dernier. Les trois terroristes - des Arabes du village israélien d'Umm al-Fahm – étaient armés d'une mitraillette et de couteaux. Les armes ont été introduites sur le Mont du Temple d'autant plus facilement que les policiers stationnés aux portes n'avaient pas pour mission de fouiller les fidèles qui se rendent à la mosquée et qu'ils ne disposaient pas de détecteurs de métaux.
Aussi invraisemblable que cela paraisse, les Palestiniens manifestent désormais quotidiennement contre la sécurisation du Mont du Temple : ils exigent que les détecteurs de métaux soient retirés. Les dirigeants palestiniens ont exhorté les fidèles à refuser les détecteurs de métaux et à prier à l'entrée des lieux saints.
L'Autorité palestinienne (PA), la Jordanie et d'autres pays arabes et musulmans accusent Israël d'avoir violé le statu quo politique qui prévaut au Mont du Temple en installant les détecteurs de métaux.
On attend encore qu'ils dénoncent les terroristes qui ont assassiné les deux policiers israéliens : car ce sont eux qui ont porté atteinte au caractère sacré du site.
Ils n'ont pas condamné non plus le meurtre des policiers qui appartiennent à la communauté Druze et qui avaient pour mission de préserver la loi et l'ordre sur le Mont du Temple. Les policiers assassinés étaient là pour assurer la sécurité des fidèles musulmans.
Au contraire – de nombreux Palestiniens et Arabes ont applaudi l'attaque terroriste comme une « opération héroïque » contre l'ennemi sioniste. Les trois terroristes tués par des policiers israéliens sont considérés comme des « martyrs » et des « héros » qui ont donné leur vie en défense de la mosquée Al-Aqsa.
Il est triste de constater que de nombreux dirigeants arabes israéliens ont refusé de condamner l'attentat mené par trois de leurs concitoyens.
Les détecteurs de métaux n'ont qu'un but : empêcher les terroristes de transformer le Mont du Temple en cache d'armes. Ce sont ces actes de guerre qui devraient être considérés comme une profanation.
Mais plutôt que de soutenir les Israéliens qui cherchent à éviter la moindre effusion de sang sur ce sol sacré, les Palestiniens et les Arabes leur reprochent d'organiser la sécurité de tous, à commencer celle des fidèles musulmans.
Les maitres en manipulation palestiniens tentent de faire croire que les détecteurs de métaux sont à l'origine de la crise, alors que la crise est née du meurtre de deux policiers.
Les Palestiniens et les Arabes en appellent à la communauté internationale et accusent Israël d'invoquer des problèmes de sécurité pour attenter au statu quo concernant le Mont du Temple et empêcher les musulmans de prier à la mosquée Al-Aqsa.
Les faits racontent une histoire différente.
Les mesures de sécurité, y compris l'installation de détecteurs de métaux, ont été la réponse directe et nécessaire à une attaque terroriste spécifique. Le gouvernement israélien ne s'est pas réuni pour décider d'installer les détecteurs de métaux afin de modifier le statu quo ou empêcher les musulmans de prier.
Ensuite, ce sont les Palestiniens qui refusent de prier au Mont du Temple, jusqu'à ce que les détecteurs de métaux soient enlevés. Les dirigeants palestiniens et les responsables du Waqf(l'organisme religieux qui gère le Mont du Temple), ont encouragé les fidèles musulmans à prier dans les rues et les places publiques pour protester contre les détecteurs de métaux. Les fidèles musulmans préfèrent prier dans les rues et les places publiques plutôt que d'accéder au Mont du Temple à travers des détecteurs de métaux. Les Palestiniens et le Waqf mentent au monde en affirmant qu'Israël refuse aux musulmans le droit d'accéder à leurs lieux saints.
Le 19 juillet 2017, environ 4 000 musulmans palestiniens ont prié à l'entrée de la vieille ville de Jérusalem, pour protester contre les détecteurs de métaux placés aux entrées du Mont du Temple. (Photo de Ilia Yefimovich / Getty Images)
La machine de propagande palestinienne diffuse à jet continu l'idée fausse que les détecteurs de métaux font partie d'un plan israélien pour déclencher une guerre religieuse destinée à détruire la mosquée Al-Aqsa. Mais c'est tout le contraire. Ce sont les dirigeants palestiniens et le Waqf qui apparaissent prêts à tout pour déclencher une guerre religieuse contre Israël et les Juifs.
Les incitations à la violence ont commencé il y a plus de deux ans, quand les dirigeants palestiniens et le Waqf ont affirmé à leur peuple et au reste du monde, qu'Israël planifiait la destruction de la mosquée d'Al-Aqsa et que les Juifs qui visitent le Mont du Temple « profanent de leurs pieds souillés » un site islamique sacré. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a le premier accusé les juifs de meurtre rituel, déclenchant ainsi une vague d'attentats au couteau et à la voiture bélier qui n'a pas cessé à ce jour.
Les trois terroristes du 14 juillet ont obéi aux instructions d'Abbas et des autres dirigeants palestiniens et musulmans : chaque musulman à le devoir de défendre la mosquée Al-Aqsa contre les juifs. L'attaque du 14 juillet s'inscrit dans la vague d'attentats terroristes qui a commencé à la fin de 2015 et qui a été baptisée du nom d'« Intifada au couteau ».
Les Palestiniens ont aussi pris prétexte des visiteurs juifs du Mont du Temple pour lancer des attaques terroristes contre Israël. Les responsables palestiniens et les médias n'ont eu de cesse de décrire ces visites pacifiques comme des « raids violents de bandes de colons juifs contre la mosquée Al-Aqsa ». La réalité est qu'aucun juif n'a mis le pied dans la mosquée. Les visites sont limitées au Mont du Temple - ce que les touristes non-musulmans font depuis 1968.
Ce sont les Palestiniens qui profanent le Mont du Temple en lançant des attaques violentes contre les juifs et en lapidant ceux qui prient au Mur des Lamentations.
Ce sont eux qui ont introduit des armes dans le Mont du Temple pour lancer des cocktails Molotov et des pierres aux visiteurs et aux policiers juifs. Les dirigeants palestiniens et les responsables du Waqf ont également encouragé les musulmans à harceler et insulter les visiteurs juifs et les policiers.
L'an dernier, les Palestiniens ont empêché la Jordanie d'installer des dizaines de caméras de sécurité au Mont du Temple. L'opération avait pour but de réfuter ou confirmer les allégations palestiniennes selon lesquelles Israël cherchait à détruire la mosquée Al-Aqsa. Cédant à l'intimidation palestinienne - y compris la menace de détruire les caméras - les Jordaniens ont renoncé.
Pourquoi s'en prendre aux caméras ? Les Palestiniens craignaient que la violence et le harcèlement auquel ils se livrent continuellement soient dévoilés, sans parler du stockage d'armes contre les juifs et la police.
En résumé : les Palestiniens travestissent une fois de plus la réalité, en prenant prétexte cette fois des détecteurs de métaux. Ils craignent d'être empêchés d'introduire des couteaux et des armes à feu sur le Mont du Temple.
Si la finalité de la mosquée Al-Aqsa est la prière, pourquoi s'inquiéter des détecteurs de métaux ? Des milliers de Palestiniens passent tous les jours à travers des détecteurs de métaux pour se rendre en Israël, avec pour seule conséquence d'arriver sains et saufs sur leur lieu de travail. Chaque jour, Palestiniens et Israéliens franchissent des détecteurs de métaux pour accéder à un centre commercial, un bureau de poste, l'assurance maladie, les hôpitaux et les centres médicaux. Sans tollé !
La guerre déclarée aux détecteurs de métaux du Mont du Temple ne signifie qu'une chose : les Palestiniens sont déterminés à transformer le site sacré en cache d'armes et en rampe de lancement d'attaques terroristes contre les Israéliens. Si la mosquée était réellement détruite dans le processus, qui serait blâmé ? Tel est peut-être même le véritable plan. Qui au sein de la communauté internationale peut y souscrire ?
Bassam Tawil est un musulman basé au Moyen-Orient.