En découvrant l’ignoble assassinat de vingt sept personnes, dont vingt enfants, commis à Newtown, dans le Connecticut, j’ai été saisi d’un sentiment d’horreur totale.
Le même sentiment d’horreur que j’ai ressenti lorsque j’ai appris la tuerie de Columbine, celle commise par Anders Breivik en Norvège, celle commise par Mohammed Merah à Toulouse, celles commises par les auteurs d’attentats suicides en Israël, ou celles commises en tant d’endroits en Afrique.
Tout assassinat est ignoble, mais assassiner des enfants est particulièrement répugnant, car les enfants sont, comme les vieillards, particulièrement vulnérables : ils sont, de surcroît, au commencement d’une vie qui restera à jamais inaccomplie.
Mais ce qui me paraît à peine moins ignoble est la façon dont on excuse, souvent, les meurtriers. Quand c’est un petit truand devenu islamiste façon Merah, on dit que c’est un « loup solitaire » qui a agi par dépit. Quand c’est un « Palestinien », on dit que c’est un « opprimé » mu par le « désespoir ». Quand cela se passe en Afrique, on oublie vite, car ce sont des Africains. Il n’y a que lorsqu’on peut mettre sur le tueur une étiquette d’ « extrême droite » qu’il semble loisible de s’indigner.
Quand cela se passe aux Etats-Unis, on désigne immédiatement le coupable : l’arme à feu qui a servi à tuer. Ce qui est laissé de côté est qu’une arme à feu ne tire pas s’il n’y a pas un être humain pour s’en servir.
Ce qui est laissé de côté est, presque toujours, dans ce cas, comme en d’autres, la responsabilité individuelle : ne pas pointer du doigt la responsabilité individuelle, c’est commencer à exonérer le criminel.
Nous sommes dans des sociétés où l’idée de responsabilité individuelle est en pleine érosion. Et c’est l’un des problèmes qui touche la société américaine, comme les autres sociétés occidentales.
Un malade mental conserve dans la quasi totalité des cas une lueur de rationalité.
Nous sommes, à partir de là dans des sociétés qui psychologisent le comportement des criminels et qui y trouvent aisément des explications en termes de pathologies mentales : des psychiatres vous le diront, sauf s’ils ont bu l’alcool du « politiquement correct » jusqu’à l’ébriété totale, un malade mental conserve dans la quasi totalité des cas une lueur de rationalité.
Nous sommes dans des sociétés où le caractère sacré de la vie humaine tend à se trouver perdu de vue : ce que montre l’hostilité croissante à la peine de mort et à la perpétuité réelle dans tout le monde occidental. En Europe, où le phénomène est particulièrement avancé, il semblerait que prendre la vie de quelqu’un vaut tout juste quelques mois dans la cellule d’une prison, car un assassin aussi a le « droit » de se « réinsérer ». Que sa victime ne bénéficie pas du même « droit » ne pose pas de problème à ceux qui énoncent ce genre de formule.
Nous sommes dans des sociétés où la différence entre le bien et le mal et la possibilité de désigner le mal pour le combattre et l’éradiquer se dissolvent sous le poids d’un relativisme qui ressemble à une dissolution des règles éthiques les plus élémentaires.
Ce qui s’est passé à Newtown ne vient pas des armes à feu dont s’est servi l’assassin, mais bel et bien de l’assassin lui-même.
Celui-ci avait sans doute des problèmes psychiatriques, et, dans la société américaine, comme dans d’autres sociétés occidentales, on remet bien trop aisément des psychopathes en liberté. C’et une politique qui date des années soixante et des effets de l’antipsychiatrie sur la psychiatrie.
La meilleure façon d’arrêter un assassin qui commence à tirer sur un groupe d’êtres humains est de lui loger une balle dans la tête
Celui-ci, ajouterai-je, a pu agir, comme c’est quasiment toujours le cas lorsqu’il y a une tuerie de ce genre, dans un contexte où il était le seul à être armé. Une tuerie comme celle de Toulouse a elle-même eu lieu dans un contexte où seul l’assassin était armé. Une tuerie de ce genre ne pourrait pas se produire dans diverses écoles en Israël, car les enseignants ou des membres du personnel sont armés (note de JPG : il y a un garde armé à l’entrée de chaque école israélienne qui ne laisse entrer que les parents qu’il connait). La meilleure façon d’arrêter un assassin qui commence à tirer sur un groupe d’êtres humains est de lui loger une balle dans la tête. Il n’y avait personne à Newtown pour le faire.
Il y avait moins de tueries aux Etats-Unis ces dernières années, me direz-vous, et leur nombre est en train de s’accroître. Je dois constater que le nombre de tueries est en train de s’accroître en une période, précisément, où les maux que j’ai soulignés plus haut montent en puissance : érosion de l’idée de responsabilité individuelle, psychologisation omniprésente, perte de vue du caractère sacré de la vie humaine, dissolution de la différence entre le bien et le mal et de la possibilité de désigner le mal pour le combattre et l’éradiquer.
Ce n’est pas le Far West, comme l’écrivent les lamentables auteurs de nombre des commentaires des articles publiés dans la presse de gauche française : c’est l’inverse de l’esprit du Far West. Au temps de Far West, la responsabilité individuelle était là, la psychologisation était absente, la vie humaine était sacrée, la différence entre le bien et le mal était claire et nette, et le mal était éliminé. Tous les « bad men » ont fini six pieds sous terre après avoir été criblés de balles.
On va néanmoins entendre beaucoup parler de la « mentalité américaine », des armes à feu, et de bien d’autres choses encore.
Je crains que, passé le moment de l’émotion et de la dignité, la gauche américaine et Barack Obama lui-même ne parlent eux-mêmes de la « mentalité américaine » et des armes à feu.
Pour ce qui me concerne, je pense avec une intense douleur aux enfants assassinés, à leurs parents, pour qui la situation est effroyable, aux enfants survivants, qui seront sans doute marqués à vie, à la petite ville de Newtown au moment des fêtes de fin d’année, qui auront un parfum de deuil.
Et j’ai en moi le pressentiment que des assassinats comme celui qui vient d’être commis se produiront encore, car les mêmes causes produisent les mêmes effets.
J’ai en moi aussi une forme de nausée en lisant les commentaires susdits, et, même, les articles sous lesquels les commentaires sont posés. Tous les stéréotypes de l’anti-américainisme le plus crasseux vont ressortir, sans la moindre décence, sans le moindre respect pour les victimes.
On dira aussi qu’il y a moins de tueries de ce genre en Europe : c’est exact. Il y en a, selon les années, entre deux et quatre fois plus aux Etats-Unis que sur le continent européen. Mais je doute que cela signifie que l’Europe est plus saine : les chiffres montrent qu’on se suicide davantage en Europe qu’aux Etats-Unis. Et ces chiffres ne prennent pas en compte le grand suicide collectif dans lequel la civilisation européenne se trouve engagée.
© Guy Millière pour www.Dreuz.info
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire