lundi 12 août 2013

Comme Pinocchio, Obama mérite un très long nez

Journaliste et écrivain.
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

obama
Comme c’est bizarre, comme c’est étrange, et quelle coïncidence ! Au moment même où, sous le coup des révélations d’Edward Snowden, le monde entier prend la mesure et les opinions publiques de tous les pays s’inquiètent et se scandalisent de l’ampleur du système planétaire de surveillance, d’écoute et d’espionnage organisé par les États-Unis en violation du droit international et de la vie privée, ces mêmes États-Unis annoncent à son de trompe que, grâce à la toile d’araignée qu’ils ont tissée sur toute la surface de la Terre, ils ont surpris une conversation capitale entre le chef d’Al-Qaïda et l’un de ses lieutenants d’où il résulterait que la nébuleuse terroriste prépare une série d’attentats contre leurs représentations diplomatiques dans le monde arabo-musulman. Et de fermer vingt de leurs ambassades, exemple aussitôt suivi par leurs caniches préférés. Peut-on justifier de façon plus spectaculaire, peut-on mieux prouver l’utilité et l’efficience du fameux réseau PRISM ? Se trouvera-t-il encore des malveillants et des sceptiques pour aller colportant que l’empire du Bien n’est pas à la fois innocent comme l’agneau qui vient de naître et fort comme le bras armé de la justice de Dieu en qui il « trust » et qui est depuis toujours « mit ihm » ?
Quoi, vous osez encore dire que vous n’y croyez pas ? Vous dites qu’un pays qui, pour déclencher une intervention prévue de longue date, a inventé de toutes pièces, en 1964, une attaque de la puissante flotte nord-vietnamienne contre deux malheureux destroyers qui promenaient paisiblement la bannière étoilée dans le golfe du Tonkin, est capable de tout ? Vous dites qu’un pays, dont le ministre des Affaires étrangères a brandi à la face du monde, en 2003, une fiole remplie de poudre de perlimpinpin pour obtenir l’assentiment de l’ONU à la guerre qu’il avait décidé de mener contre l’Irak de Saddam Hussein, a perdu toute crédibilité ? Vous dites que vous ne croirez pas forcément les dirigeants de ce pays lorsque dans un mois, dans un an, ils prêcheront l’urgence d’une nouvelle croisade contre l’Iran ? Vous parlez de mise en scène, de bluff, d’enfumage ?
Et Obama, qu’est-ce que vous en faites ? Obama, ce président aussi fidèle à sa parole que John Fitzgerald Kennedy à son épouse ? Obama, qui s’était engagé il y a cinq ans à fermer dans les meilleurs délais le bagne de Guantánamo et qui tolère qu’on gave de force les malheureux, détenus depuis douze ans, qui ne mettent plus d’espoir que dans leur grève de la faim ? Obama, qui avait reçu par anticipation le prix Nobel de la paix pour le rôle décisif qu’il avait promis de jouer dans la résolution du conflit entre Israël et la Palestine et qui a laissé Netanyahou le menteur installer ses colonies sur un sol qui ne lui appartient pas ? Obama, dont le nez, heureusement pour lui, ne s’allonge pas comme celui de Pinocchio à chaque mensonge qu’il profère, mais qui traîne comme un boulet ses grandes oreilles de capitale en capitale ?
Le président américain a cru mettre les spectateurs de son côté en infligeant un camouflet bien senti à son collègue moscovite pour le punir de ses mauvaises manières. En est-il si sûr ? Au moment où Vladimir Poutine se paie le luxe d’offrir l’asile politique à un témoin dont le crime impardonnable est d’avoir dit la vérité, et où un tribunal russe allège symboliquement de deux mois la peine de prison arbitrairement infligée à Khodorkovski, Barack Obama, ignorant les frontières et négligeant les dommages collatéraux et autres qui peuvent en résulter, couvre les professionnels américains de la drone de guerre qui, chaque jour que Dieu fait, assassinent depuis leurs PlayStations du Nevada, sur les routes poudreuses de la péninsule Arabique ou du Pakistan, des hommes qui sont peut-être des terroristes et qui ne le sont peut-être pas. Lequel des deux fait meilleure figure ?
Erratum. Mme Christiane Taubira, qui ne craint ni de dénoncer le « laxisme » de la droite, ni le ridicule d’un tel propos, est comme on sait l’adversaire résolue des peines plancher, qu’elle s’est engagée à abolir dans les meilleurs délais. Mais, contrairement à ce que j’ai écrit l’autre jour, ce n’est pas encore chose faite. Mea culpa.

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