Les manifestations qui se sont déroulées mercredi au Caire auraient fait 525 morts et 1 400 blessés, selon le dernier bilan des autorités. Mais plusieurs témoins affirment qu'environ 230 cadavres calcinés entreposés dans la mosquée Al Iman n'ont pas été comptabilisés, ce qui alourdirait fortement le bilan.
Les Frères musulmans parlent quant à eux de 2 200 morts et de 10 000 blessés à travers le pays. De milliers de manifestants réclamant le retour du président Morsi s'étaient rassemblés sur les deux places du Caire, mais aussi ailleurs dans le pays. La police les a délogés dans un véritable bain de sang.
Des manifestants islamistes ont mis le feu au siège de l'administration d'une province au Caire, au lendemain de cette dispersion très meurtrière par la police et l'armée égyptienne, a annoncé la télévision d'Etat. La télévision privée CBC montrait également des images du siège du gouverneur de la province de Guizeh en feu (Caire).
Par ailleurs, deux policiers ont été tués jeudi dans deux provinces d'Egypte par des militants du camp pro-Morsi, ont affirmé à l'AFP des responsables de la sécurité.
La tension reste donc à son comble. Les islamistes ont appelé à de nouvelles manifestations ce jeudi. De leur côté, les forces de l'ordre préviennent qu'elles n'accepteront aucun nouveau sit-in.
Mercredi, les forces de l'ordre ont pris le contrôle des deux places du Caire (Rabaa et Nadha) où des islamistes campaient depuis un mois et demi. Les manifestants étaient venus avec femmes et enfants pour réclamer le retour du président Morsi. La police, qui soutient le nouveau président par interim, Adli Mansour, est intervenue de manière musclée. En résulte un véritable bain de sang.
Le dernier bilan officiel fait état de lourdes pertes civiles et de 43 victimes parmi les policiers. Les Frères musulmans ont annoncé que la fille de 17 ans d'un de leurs principaux dirigeants, Mohammed al-Beltagui, a été tuée par balles. Un cameraman de la chaîne britannique Sky News a également trouvé la mort dans la dispersion des manifestants.
A l'issue d'une journée de heurts meurtriers, les autorités ont décrété l'état d'urgence dans la moitié des provinces, dont celles du Caire et d'Alexandrie. L'état d'urgence se limite pour l'instant à un couvre-feu. Mais il représente une potentielle restriction de la liberté pour les égyptiens, qui n'auraient par exemple plus le droit de rejoindre des rassemblements politiques non-autorisés. L'état d'urgence, tel que défini dans un décret-loi de 1958, pourrait aussi réhabiliter des mesures en vigueur sous le régime de Moubarak : détentions sans jugement, fouilles sans mandat, ou encore contrôle accru des médias et des communications.
La police saluée "pour sa très grande retenue"
Alors que le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei a démissionné de son poste de vice-président, refusant "d'assumer les conséquences de décisions avec lesquelles il n'était pas d'accord", le Premier ministre nommé par l'armée Hazem Beblawi s'est risqué à saluer la police pour "sa très grande retenue".
Le Premier ministre Beblawi est apparu à la télévision pour assurer qu'"aucun État qui se respecte n'aurait toléré" ces sit-in qui duraient depuis un mois et demi, s'engageant dans le même temps à poursuivre la mise en oeuvre du processus qui doit conduire à des élections début 2014.
Le ministre de l'Intérieur a quant à lui annoncé que "Les instructions étaient de n'utiliser que les gaz lacrymogènes, pas d'armes à feu. Mais quand les forces de sécurité sont arrivées, elles ont été surprises par des tirs nourris".
Après la dispersion des manifestants des places Rabaa et Nahda, des heurts se sont poursuivis dans différents quartiers du Caire et ont fait plusieurs morts dans d'autres villes du pays. Les pro-Morsi ont aussitôt appelé à de nouveaux sit-in et manifestations.
ElBaradei se désolidarise
Face aux violences meurtrières, Mohamed ElBaradei, qui avait apporté sa caution morale à la destitution de Mohamed Morsi le 3 juillet par les militaires, a démissionné, mettant au jour les profondes divisions au sein des autorités de transition installées par la toute-puissante armée.
Il avait à plusieurs reprises plaidé pour une solution politique à la crise, répétant que les Frères musulmans devaient participer à la transition.
Dans la matinée, une autre figure morale s'était désolidarisée de l'opération meurtrière des forces de l'ordre: l'imam d'Al-Azhar, plus haute autorité de l'islam sunnite, qui avait expliqué n'avoir pas eu connaissance des méthodes que les forces de l'ordre comptaient employer.
La violente répression est condamnée
La communauté internationale, qui avait tenté une médiation pour éviter une issue dramatique au bras de fer entre pro-Morsi et nouveau pouvoir, a condamné l'usage de la violence pour disperser les deux rassemblements de milliers d'islamistes venus avec femmes et enfants réclamer le retour au pouvoir du premier président élu démocratiquement du pays.
eudi matin, dans une démarche exceptionnelle, le président français François Hollande a convoqué à l'Elysée l'ambassadeur d'Egypte en France pour lui dire "que tout doit être mis en oeuvre pour éviter la guerre civile" dans son pays.
"La libération de prisonniers, dans le respect des procédures judiciaires en cours, pourrait constituer un premier pas vers la reprise de pourparlers", selon un communiqué de l'Elysée. "La France est attachée à la recherche d’une solution politique et souhaite que des élections soient organisées dans les meilleurs délais, conformément aux engagements pris par les autorités égyptiennes de transition", ajoute le communiqué.
Londres a convoqué l'ambassadeur d'Egypte pour lui exprimer sa "profonde inquiétude".
A Washington, le secrétaire d'État américain John Kerry a exhorté à organiser ces scrutins, condamnant un bain de sang "lamentable".
Ankara, qui s'était opposé à la destitution de Mohamed Morsi, l'Iran et le Hamas palestinien ont dénoncé un "massacre".
Le Qatar, principal soutien des Frères musulmans, a dénoncé "la méthode utilisée contre des manifestants pacifiques", tandis que Berlin lançait un appel au calme dans le pays où les violences entre pro et anti-Morsi et entre pro-Morsi et forces de l'ordre avaient auparavant fait plus de 250 morts depuis fin juin, essentiellement des manifestants islamistes.
L'Égypte a fermé mercredi son point de passage avec la bande de Gaza pour une durée indéterminée après les violences, a annoncé un responsable de la sécurité.
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