Il est le nouveau président de la République libanaise. Après deux ans et demi de vacance présidentielle, Michel Aoun, ancien chef des forces armées libanaises, a aujourd’hui été porté à la magistrature suprême par la majorité des voix de ses 127 collègues députés. Vingt-six ans après avoir été exfiltré du palais présidentiel de Baabda sous les bombardements du régime syrien de Hafez al-Assad, le général à la retraite y retourne donc par la grande porte, comme président légalement élu. « Il prend sa revanche sur l’histoire et embrasse son destin, que l’on aurait pourtant pu croire condamné », commente son neveu Alain Aoun, député du groupe parlementaire du Bloc du Changement et de la réforme, présidé par son oncle qu’il décrit comme « patient, déterminé et persévérant ». En octobre 1990, pris d’assaut par l’armée syrienne d’occupation contre qui il avait lancé, quelques mois plus tôt, une guerre de libération, Michel Aoun avait été contraint de déclarer sa reddition et s’était exilé, à la fin du conflit civil libanais, en France. Il accède aujourd’hui aux plus hautes fonctions de l’Etat grâce au soutien du Hezbollah, l’allié de cette même Syrie qu’il combattait hier.
Il est un homme au parcours extra-ordinaire. Chrétien maronite aux origines modestes – son père était boucher, Michel Aoun a gravit les échelons de l’arène politique un à un. « Il ne rentre pas dans les normes du système libanais dont il n’est pas issu, poursuit son neveu. Il a toujours été le mal aimé de la classe politique. Il est arrivé à la tête de l’Etat à la sueur de son front ». Après avoir terminé ses études, l’ancien général à la retraite s’engage à 20 ans au sein de l’académie militaire libanaise où il est successivement promu lieutenant puis lieutenant-colonel avant de s’illustrer, pendant la guerre civile et lors de l’invasion du Liban par Israël en 1982, et d’être nommé commandant des forces armées libanaises. « Il est devenu extrêmement populaire en 1989 lorsqu’il a dénoncé, presque seul, l’occupation syrienne de son pays. Son opération militaire s’est terminée par une défaite cuisante mais il avait réussi, àl’époque, à rassembler autour de lui une grande partie de la rue chrétienne », continue Karim Bitar, professeur de sciences politiques à l’université Saint-Joseph de Beyrouth.
Le président de la République nouvellement élu ne fait aujourd’hui plus l’unanimité. « Il est clivant, idolâtré par certains, honni par les autres, confirme Karim Bitar. Le pays est divisé entre les aounophobes qui le détestent et les aounolâtres qui l’admirent ». En 2005, lorsqu’il rentre à Beyrouth après quinze ans d’exil en France, Michel Aoun déroute ses partisans en s’alliant au parti chiite pro-syrien du Hezbollah. Ceux qui étaient ses plus fidèles soutiens en 1989 sont donc désormais ses plus irréductibles adversaires. « C’est un leader, l’opinion publique lui a toujours fait confiance, même quand il a décidé de se réconcilier avec la Syrie, assure cependant son neveu Alain Aoun. Le Hezbollah est un partenaire de la vie politique locale, il n’est pas impossible voire interdit de traiter avec lui ». Dans les rues de la capitale pourtant, nombreux sont les détracteurs du général Aoun qui dénoncent un homme intransigeant, colérique et capable, à tout moment, de volte-face politique. Depuis plusieurs jours, des vidéos de l’ancien général qualifiant d’illégitime le Parlement qui l’a aujourd’hui élu – les députés ont prorogé leur mandat à deux reprises depuis 2009, circulent sur les réseaux sociaux. Les activistes, comme Alexandre Salha, qui milite au sein du mouvement de la citoyenneté, réclament, eux, en soulignant l’âge avancé de Michel Aoun qui fêtera ses 82 ans en février, un renouvellement de la classe politique. « Nous avons besoin de jeunes pour porter notre ambition, pas de seigneur de la guerre. Comment un homme qui a eu le sang de ses compatriotes entre les mains peut-il porter un programme de paix ? », regrette le jeune militant. Conscient des voix contestataires, le député Alain Aoun rappelle qu’en tant que président de la République, Michel Aoun défendra les intérêts de tous les Libanais les six prochaines années. « Il a toujours fait parler de lui, c’est normal, c’est un homme de poigne. Ce qui importe aujourd’hui, c’est qu’il donne un nouveau souffle au pays », tempère son neveu.
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