Ce qui s’est passé dans l’île d’Oslo est effrayant, un massacre innommable sur des jeunes gens sans défense. Mais aussitôt, la gent journalistique s’est ingéniée dans son ensemble à formater le drame dans les critères politiquement corrects, en martelant que le meurtrier était un « fondamentaliste chrétien ». En insistant lourdement dès le départ sur le caractère blond aux yeux bleus du tueur, un Occidental devenu pour la cause la doublure chrétienne du terroriste basané. Les commentaires savants de Mathieu Guidère – un spécialiste du monde musulman – publiés par Le Figaro n’ont pas tardé à abonder dans ce sens. Breivik est, pour lui, le type même du « fondamentaliste chrétien », appellation que certains journaux n’ont pas hésité à reprendre sous la dénomination plus percutante d’intégriste catholique. On est habitué à entendre sur les plateaux de télé des Caroline Fourest s’évertuer à nous rabâcher qu’intégrisme chrétien et intégrisme islamique, c’est du pareil au même. Le parallèle ainsi mis en scène n’est évidemment pas innocent : il joue facilement sur les clichés négatifs contre l’Eglise catholique (croisades, inquisition, éthique actuelle à contre-courant) en vue d’offrir une virginité exonérante à un islam de plus en plus revendicatif en Occident.
Le coup de la fausse symétrie est bien connu : on met sur le même plan ce que certains appellent d’un mot creux « les trois monothéismes », comme si judaïsme, christianisme et islam prêchaient le même message au monde, et surtout utilisaient les mêmes méthodes. La tragédie d’Oslo vient donc apporter de l’eau au moulin des relativistes chevronnés qui cherchent par tous les moyens à dévitaliser les racines judéo-chrétiennes de la civilisation occidentale et à banaliser la colonisation musulmane récente du vieux continent. Mais la plupart des commentateurs mentent effrontément sur un point essentiel : car Breivik Behring n’est pas un chrétien. Il avoue lui-même ne jamais mettre les pieds à un culte et il se déclare athée attaché à la civilisation chrétienne, c'est-à-dire non-croyant non pratiquant. Un peu comme Maurras qui admirait le catholicisme de l’extérieur sans se définir lui-même d’appartenance catholique. La seule affiliation reconnue (avec photos) de Breivik Behring est depuis des années celle de la grande loge maçonnique de Norvège. C’est donc de toute évidence un franc-maçon qui a eu l’idée de faire sauter l’immeuble du gouvernement et d’assassiner des jeunes membres d’un parti détesté pour son rôle actif dans l’islamisation de l’Europe. Mais cela pose d’autres questions préoccupantes pour l’avenir. En fait, ce ne sont certainement pas les protestants ou les catholiques européens qui vont se mettre à organiser des attentats à la bombe.
En revanche, des membres de groupes ésotériques, des illuminés ébranlés par les changements douloureux et les crises en cours, peuvent devenir des acteurs potentiels de massacres au nom d’une vision quelque peu apocalyptique du monde actuel. Il existe des dérangés un peu partout, mais ces groupuscules à la psychologie hallucinée peuvent produire ce genre de tueur fou « pour la cause ». On l’a vu – il y a une décennie en Suisse, lors du drame du Temple solaire – organisation maçonnique qui recrutait parmi des initiés de type rose-croix et convaincus d’un monde parallèle meilleur. Certaines sectes qui annoncent la fin du monde n’en sont pas loin. Ce qui apparaît en filigrane derrière cet événement majeur de Norvège, c’est aussi l’expression publique désordonnée de graves problèmes de coexistence entre laïcité, judéo-christianisme et islam. Une angoisse réelle tenaille les habitants de souche des pays européens, régions marquées par les vieilles chrétientés, lorsqu’ils sont témoins de la manière dont fonctionne l’islam, sa doctrine, ses comportements, son langage, sa culture, son mode de vie. Ils n’ont pas envie de voir dominer son aire d’influence dans cette Europe vieillissante où les valeurs sûres traditionnelles s’affaiblissent de jour en jour. Cette crainte psychique peut se manifester de bien des manières imprévisibles si rien n’est fait pour rétablir un équilibre déjà compromis.
Hélas, les acteurs politiques et culturels de la société sont encore majoritairement addicts de ce multiculturalisme idéologique de gauche qui montre partout son échec patent. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel eux-mêmes ont été récemment obligés, sous la pression des événements, de le reconnaître officiellement. Mais malgré les effets d’annonce, la politique d’immigration non maîtrisée continue en Europe, puisque personne n’a vraiment les moyens efficaces de la canaliser. Les épiscopats européens eux-mêmes -mauvaise conscience oblige – se sentent tenus de faire des risettes à l’islam et de bénir les flux migratoires au nom de l’accueil compassionnel, sans offrir de réflexion sérieuse sur des bases de pragmatisme éthique. Beaucoup confondent toujours évangélisme et angélisme et ce sont trop souvent des aveugles qui guident d’autres aveugles. Pourtant, la mise en garde exprimée par le pape Benoît XVI à Ratisbonne en 2006 était à la fois réaliste et prophétique.
Le souverain pontife analyse avec clarté les risques de la dérive violente en particulier dans l’islam – structurellement agressif – mais aussi dans toute croyance, dans la mesure où les convictions ne sont plus connectées à la raison. Au nom d’une cause idéalisée, fût-elle religieuse ou laïque, le dévoiement vers la radicalisation violente est un danger réel, maintes fois manifesté de manière sanguinaire sous des formes diverses au cours de l’histoire des religions et des idéologies. On pourrait ajouter que la chape de plomb dhimmitudinesque imposée jusqu’ici par les politiciens et les journalistes du système, face au danger islamiste en Occident, pourrait bien vite se transformer en cocotte minute prête à exploser si on ne prend pas en compte les attentes légitimes des populations européennes et des musulmans démocrates intégrés. La tragédie de Norvège n’a pas fini de parler.
© Abbé Alain René Arbez pour Drzz.fr
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