mardi 6 août 2013

Kalene , Français combattant de l'ASL à Alep

Il ne veut pas divulguer son nom de famille pour des raisons de sécurité. « On m’appelle Kalene », dit-il simplement. Voilà près d’un an que cet homme de 34 ans, blouson noir et cheveux ras, est installé à Alep, la grande ville du Nord (deux millions d’habitants), en plein cœur de l’enfer syrien. Kalene est le seul « mercenaire » français à opérer dans cette zone extrêmement dangereuse.

Mais d’emblée, il récuse ce terme, lui préférant pudiquement celui de « contractor », ces soldats privés que l’on croise un peu partout en Irak ou en Afghanistan. « Oui, je me fais payer, admet-il sans toutefois dévoiler ses tarifs. Mais je ne suis pas un adepte de Bob Denard. Je ne suis pas payé pour renverser des gouvernements. Disons que j’effectue de la protection en territoire hostile. »

Kalene affirme être salarié de la société française Mat 2S-Consulting, immatriculée à Montreux, dans le canton de Vaud (Suisse), sous le numéro CH-550.1.076.050-7. Il a déjà effectué plusieurs missions dans des pays en guerre, notamment en Libye et en Côte d’Ivoire. Mais rien de comparable à ce qu’il vit en Syrie, au milieu d’une multitude de groupes , dans une situation de plus en plus instable. « Quelques mois après le début de l’insurrection (NDLR : en mars 2011), j’ai commencé par exfiltrer des hommes d’affaires syriens qui souhaitaient quitter le territoire pour se rendre dans des zones plus sûres, raconte-t-il. Certains se sont d’ailleurs directement installés en . Puis on m’a demandé de faire pareil pour des membres de leurs familles : un cousin, un neveu, un grand-père. J’ai aussi accompli des allers-retours pour récupérer des affaires, des biens de valeur. » Au fil du temps, toujours moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, le contractor a diversifié ses offres de services. Il détaille : « J’assure la protection de membres de la Coalition nationale syrienne (l’opposition). Et aussi de grosses chaînes de télévision comme CNN. Je leur montre comment évolue un front. Où il faut aller et ne pas aller avec le danger permanent des tireurs embusqués. Il m’est arrivé de donner des coups de main gratuitement à des journalistes qui n’avaient pas beaucoup d’argent. Mais certains free-lances prennent trop de risques pour une image. Et, du coup, ils m’en font prendre aussi. Pour finir, je forme quelques soldats rebelles aux rudiments du combat urbain. »

«Actuellement c'est le chaos. Tout le monde tire sur tout le monde»

Kalene en discussion avec le colonel Abu Farat, un ancien cadre de l’armée d’Assad, passé du côté de l’insurrection. Depuis, celui-ci a été tué dans l’attaque d’une caserne de l’armée régulière avec ses aides de camp. « J’ai vu beaucoup, beaucoup de morts depuis un an, soupire le Français. Il y a les Mig qui peuvent bombarder la ville à tout moment. Des avions plus petits qui larguent des roquettes ou des barils de TNT. Sans parler des Scud, ces missiles longue portée qui provoquent des dégâts considérables. J’ai été blessé plusieurs fois, des petits éclats d’obus dans les jambes, quelques côtes cassées, mais rien de grave. Un jour, sur le chemin de la citadelle, je me suis baissé pour ramasser un jouet en tissu. J’ai entendu une balle siffler juste au-dessus de ma . Du coup, j’ai gardé la peluche, en guise de porte-bonheur. »

Depuis quelques mois, la situation s’est dégradée. Les groupes islamistes comme Al-Nosra ou l’Etat islamique en Irak et au Levant — tous deux affiliés à Al-Qaïda — ont pris de plus en plus de poids face aux combattants de l’Armée syrienne libre (ASL), modérés. Des combats fratricides ont éclaté au sein de la rébellion. Puis avec les milices kurdes, pourtant elles aussi hostiles au régime en place. « Actuellement, c’est le chaos, souffle Kalene. Tout le monde tire sur tout le monde. Les enlèvements se multiplient et cela ne concerne pas uniquement les journalistes. Les Syriens en sont également victimes, des groupes mafieux ont développé un vrai business. Je déménage sans arrêt pour éviter de me faire surprendre. Mais je n’ai plus confiance en personne. »

Depuis l’opération Serval au Mali, ce Marseillais d’origine algérienne, fan de l’OM, affirme que les Français sont désormais très mal vus par certains combattants islamistes qui n’ont pas accepté cette guerre au Sahel. « Il est temps pour moi de décrocher, tranche-t-il. Je boucle un contrat en septembre et je rentre. » Avant de repartir pour d’autres missions… ailleurs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire