A l’époque de Jésus, des règles existent, elles sont détaillées dans les Ecritures, au livre du Deutéronome et dans les Nombres. La logique habituelle est que le fils aîné reçoive la part la plus importante, principalement dans le but d’éviter le fractionnement excessif des biens familiaux (troupeaux, champs, maisons).
Le jeune homme – qui n’est justement pas l’aîné – se sent visiblement floué et c’est pourquoi il fait appel à l’autorité de Jésus pour qu’il lui fournisse des arguments afin d’obtenir davantage. Mais Jésus réagit et refuse d‘entrer dans cette démarche. Sans doute a-t-il senti que cet homme mise tout sur les biens matériels et que malheureusement, l’appel de la Parole de Dieu à se donner un vrai projet de vie lui est indifférent. D’où la réaction assez vive de Jésus, exaspéré, et l’avertissement qu’il offre à la fois à l’intéressé et aux témoins de la discussion, en racontant la parabole du riche insensé.
Jésus commence son récit en recommandant à chacun de se garder soigneusement de toute cupidité, car la qualité de la vie ne dépend jamais de l’ampleur des richesses qu’on accumule. C’est une réaction de bon sens spirituel tirée de l’Ecriture et qui est animée à la fois par la tradition prophétique et celle de la sagesse, deux courants qui se rejoignent pour mettre en garde contre les pièges d’une richesse qui devient vite une idole et engendre fatalement des injustices.
Jésus redit donc le message de la Tradition biblique : la réussite d’une vie humaine est fondée sur une relation vivante avec Dieu et sa Parole.
Cette conception de l’être humain est en conflit avec celle qui fait tout reposer sur les possessions matérielles. Le fermier de la parabole est l’image même de l’homme qui perd le sens de son existence, exalté par ses réussites économiques formidables. Ses silos sont pleins à craquer, il s’imagine disposer d’un pouvoir magique qui lui permet de se projeter dans le futur et de garantir sa réussite personnelle. Mais l’évangile montre bien que tout son raisonnement tourne autour de son ego : mes récoltes, mes greniers, mes biens… Et aussi : je. J’abattrai, je construirai, j’assemblerai…Tout tourne autour de sa personne, il n’y a plus de place ni pour Dieu ni pour les autres.
Ce gestionnaire ambitieux peut passer pour un homme avisé aux yeux de ce monde. Notre société nous en donne des exemples chaque jour ! Mais comme il n’a pris en considération que l’aspect matériel de sa vie, la Parole de Dieu le traite d’insensé : Aphron en grec, qui veut dire déraisonnable ; nabal en hébreu, des termes qu’on retrouve dans de nombreux passages bibliques, parce qu’ils dépeignent bien la folie que constitue pour un homme le fait d’oublier complètement la dimension spirituelle, la relation à Dieu dans les réalités quotidiennes.
Dans un autre passage d’évangile(Mt16.26), Jésus pose la même question : « que sert à l’homme de gagner l’univers s’il y perd son âme ? » Dans la parabole, il est rappelé à l’homme que dans un délai peut-être plus court que prévu, sa vie terrestre va prendre fin, et ce sera le moment de vérité face à Dieu.
Cela dit, Jésus n’est pas contre les richesses, ni contre la prospérité, il n’a pas pour programme de multiplier les pauvres, mais il met en garde contre les risques d’étouffement par l’appât du gain. Et le choix qu’il propose au jeune homme qui l’a interpellé, c’est de savoir s’il veut se constituer un trésor sur terre, qui ne lui servira plus à rien lorsqu’il quitte ce monde, ou s’il désire se faire un trésor dans les cieux, en n’étant pas esclave de son ego, et en s’ouvrant aux appels de la Parole de Dieu qui est amour.
Ces appels de Dieu, ils découlent des dix paroles de l’Alliance : c’est de vivre dans la justice, de travailler à la paix, d’avoir de la compassion pour le prochain, d’être capable de partager. C’est-à-dire d’avoir des objectifs dans la vie qui encouragent à faire le bien, à aider les autres et à rendre grâce à Dieu par ce témoignage. Jean 12.25 : « celui qui centre tout sur sa vie individuelle la perdra. Celui qui est capable de s’en détacher vivra éternellement ».
En conclusion, Jésus nous rappelle une vérité simple et fondamentale : un être humain existe par ce qu’il est et non par ce qu’il a. Il s’enrichit essentiellement par son ouverture à Dieu et aux autres, mais – en dépit des apparences – il s’appauvrit par le repli sur soi et l’esclavage des biens matériels.
Par la qualité de vie que nous recherchons, par nos paroles, nos gestes, nos prières, enrichissons-nous mutuellement en vue de Dieu et de son Royaume. C’est ce qui nous permettra de ne pas nous laisser anesthésier par les marchands d’illusions, et donc de ne jamais confondre futur et avenir !
© Abbé Alain René Arbez pour www.Dreuz.info
Faire le bien n’est pas incompatible avec l’abondance matérielle. Au contraire. En effet, que peut faire un démuni puisqu’il n’a rien? Il ne faut pas tout garder pour soi, sinon on tourne à vide. Mais la pauvreté est et reste un état (sans jeu de mots) que tous veulent fuir. Que je vous rassure, il s’agit ici d’une des meilleures clarifications de cette parabole (meilleures pour ne pas dire « moins mauvaises »), mais une fois n’est pas coutume.
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