mercredi 3 avril 2013

Christine Tasin, c’est l’islam qui la rend barjot

Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com
Christine Tasin n’aime pas l’islam, et c’est bien son droit. Personne n’est non plus obligé d’apprécier le laïcisme de combat ; c’est un autre droit.
Ainsi, cette dame s’en prend à Frigide Barjot, l’improbable égérie de la Manif pour tous. Son crime : avoir accueilli Camel Bechikh, président de Fils de France (association de musulmans patriotes), au sein de son état-major.
Christine Tasin estime donc qu’il ne faut pas « lécher les babouches de musulmans inexistants »… Mais s’ils sont « inexistants », pourquoi s’en préoccuper ? On notera cependant que les « inexistants » en question ont mis plus de monde dans cette manifestation que tel ou tel autre mouvement, Riposte laïque, par exemple, dont on n’a pas entendu dire qu’elle était capable de faire venir – à l’instar de Fils de France, dans ses réunions -, des sommités telles que Jean-Pierre Chevènement, Gilles Kepel, Hubert Védrine, Nicolas Dupont-Aignan ou même… Robert Ménard !
Christine Tasin reproche donc à Frigide Barjot d’avoir accepté l’invitation de l’UOIF à l’occasion de son trentième congrès, tenu ce week-end. Et alors ? Ce n’est pas parce qu’on partage une tribune avec des musulmans qu’on abdique sa foi chrétienne ! Le père Michel Lelong, catholique de tradition, chargé par le Vatican depuis des décennies du dialogue islamo-chrétien, en est d’ailleurs l’un des invités récurrents, sans que cela fasse scandale.
Et ce n’est pas ce saint homme qui s’indignerait, à l’instar de Christine Tasin, du compagnonnage avec des « représentants musulmans forcément opposés à ses valeurs et traditions, accompagnés de femmes voilées. Pour quelqu’un [Frigide Barjot] qui prétend défendre les valeurs de la famille et la tradition française, quel reniement, quelle trahison ! »
Premièrement, Frigide Barjot se contente – d’où peut-être la raison du succès de ses manifestations – de défendre la filiation traditionnelle. Rien de plus, rien de moins. Quant à ces valeurs traditionnelles, elles sont sûrement mieux défendues par des musulmans de tradition, attachés aux valeurs de tradition, plutôt que par des Femen estimant qu’ôter le soutien-gorge demeure le meilleur moyen de faire tomber le voile. D’ailleurs, toujours à propos de ce voile, décidément au cœur de tous les débats, faudra-t-il un jour obliger nos chères bonnes sœurs, nos grand-mères corses ou bretonnes à faire tomber le leur ?
Toujours prête à partir en croisade, Christine Tasin en profite pour instruire le procès des Frères musulmans en général et de l’imam Tareq Oubrou en particulier. Et, dans une démonstration en roue libre, de faire l’amalgame avec leurs « frères » égyptiens. Mais cette confrérie est tout, hormis un bloc. Née en Égypte, persécutée par Nasser, elle fit un temps figure de « trotskisme de l’islam », puisque mouvement à vocation internationaliste à l’origine. Pourtant, à force d’essaimer, ses représentants ont fini par intégrer la culture d’accueil : la problématique de sa branche française n’a donc strictement rien à voir avec celle de leurs collègues tunisiens, algériens ou égyptiens.
La lecture, d’urgence conseillée à Christine Tasin, des ouvrages de Tareq Oubrou, les deux derniers par exemple, Profession imâm ou Un imam en colère, propose une autre vision d’un islam désormais installé en Europe, qu’on le déplore ou non, dans un autre contexte que celui où il vit le jour : société de plus en plus sécularisée, où la pratique ne saurait être celle de communautés bédouines du VIIIe siècle. Cet imam prône donc un islam tranquille et discret, dans lequel la religion serait moteur plutôt que boulet, tout en prêchant pour un retour à ses fondamentaux, les cinq piliers de la foi, meilleur moyen d’en exclure les aspects les plus voyants, tenant plus de la culture que de la religion – dont ce fichu voile une fois de plus, dont on ne trouve nulle trace dans le Coran –, mais qui cristallisent les angoisses légitimes de Français de souche, « ayant le sentiment, quoique majoritaires, de finir par se vivre en minorité dans leur propre pays ». Verbatim ! C’était lors d’une conférence tenue à Bordeaux il y a quelques années…
À ce titre, il est étrange que ceux qui se plaignent, de manière éminemment compréhensible, d’une omniprésence de l’islam dans certains quartiers soient les mêmes à caillasser les pompiers tentant d’éteindre les incendies. Cela, Frigide Barjot semble l’avoir compris. Christine Tasin un peu moins.
Nicolas Gauthier, le 2 avril 2013

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