Nul ne maîtrise ici bas le calendrier et ses coïncidences. Les hasards du temps sont mystérieux qui font se mêler sur les écrans les images de la réalité et de la fiction. Ainsi celles d’un film, Zulu, sorti dans les salles mercredi dernier, et le flot ininterrompu de ces autres images – vie et mort de Nelson Mandela – qui nous assaillent depuis son décès, jeudi soir dernier. Mêmes images ou presque, les unes d’une fiction qui prétend – et sans doute y parvient-elle – coller au plus près de la réalité ; les autres d’une réalité qui cherche souvent à se travestir pour tendre vers la fiction idyllique d’une « nation arc-en-ciel » enfin apaisée.
Zulu, le thriller de Jérôme Salle nous est vendu sur une intrigue minimaliste : « Dans une Afrique du Sud encore hantée par l’apartheid, deux policiers, un noir, un blanc, pourchassent le meurtrier sauvage d’une jeune adolescente. Des Townships de Capetown aux luxueuses villas du bord de mer, cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs. » Curieux résumé en forme de serviceminimum, comme si l’on n’avait guère envie de vendre cette histoire-là. De fait, elle ne plaît guère à la critique de la presse qui « pense », celle-là jugeant le film ultra-violent et bourré de « clichés ». Ah ! Mais des clichés sur quoi au juste ?
Zulu est adapté, et assez fidèlement, d’un livre magistral signé Caryl Ferey (Série noire/Gallimard), l’un des polars les plus éblouissants de ces dernières années. Violent ? Ça oui. Intelligent aussi, subtil, très documenté, bien loin des clichés, justement, qui voudraient nous faire croire que le monde est strictement binaire qui se sépare entre les bons et les méchants, les Noirs et les Blancs, même si l’on a pardonné les crimes, même si l’on a pleuré ensemble.
Sur ce site même, évoquant avant-hier Mandela et sa jeune nation, Dominique Jamet écrivait que le talent de Mandela fut « d’avoir fait prévaloir la sagesse sur la rancœur, la réconciliation sur la haine et d’avoir préféré à un sinistre film en noir et blanc un avenir de toutes les couleurs ». A quoi Bernard Lugan ajoutait que l’Afrique du Sud est aujourd’hui un « océan de pénurie, de corruption, de misère sociale et de violence ». C’est dans ce contexte-là, celui d’un monde où les nuits ne sont pas semblables aux jours parce que les monstres y rôdent, où la barbarie se nourrit de la pauvreté, où la vengeance sommeille au cœur des hommes, où les ennemis d’hier s’allient pour les pires trafics que Caryl Férey a placé son histoire et que Jérôme Salle l’a filmée. Servi par deux acteurs magistraux que sont Orlando Bloom et Forest Whitaker, entre les townships de Soweto et les villas de rêve gardées comme des bunkers.
Zulu est à voir, et surtout à lire !
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