Quand les révolutions ne tiennent par leurs promesses, quand les lendemains déchantent au lieu de chanter à tue-tête, que les salauds d’hier sont détrônés par ceux d’aujourd’hui vu que les magouilleurs prospèrent toujours sur la misère humaine, on cherche à côté les coupables.
Souvent un pauvre bouc nommé « émissaire » susceptible d’endosser sur son poil laineux tous les péchés du monde.
En l’occurrence, il s’appelle Champollion. Savant né le 23 décembre 1790 à Figeac, dans le Lot, et mort le 4 mars 1832 à Paris. Égyptologue entre les égyptologues, il disait « Je suis tout à l’Égypte, elle est tout pour moi. » Ben oui, mais il se trouve que l’Égypte aujourd’hui n’en veut plus. Depuis qu’elle s’est révolutionnée, Champollion l’insupporte. Au point que le ministère égyptien des Antiquités s’apprête à demander à Madame Filippetti, ministre français de la Culture, le retrait de la statue du grand homme qui trône depuis 138 ans dans la cour du Collège de France.
Et en quoi, se demande le Français de base, la statue de Champollion signée Bartholdi défrise-t-elle les Égyptiens sous la tarbouche ? (D’autant que le Français de base pousse rarement la porte du Collège de France). Eh bien, voyez-vous, c’est que l’homme, penseur réflexif à la Rodin, a le pied gauche posé sur une effigie de pharaon. Raison pour laquelle la Fédération de la Jeunesse révolutionnaire dénonce « une insulte à la civilisation égyptienne, symbole de l’arrogance colonialiste occidentale ». Et tout le monde là-bas de lui emboiter le pas : syndicat des archéologues et Mouvement du 6 avril.
Bref, déboulonnons Champollion et l’Égypte sortira de sa chienlit.
Vous savez quoi ? Les Égyptiens nous emmerdent. Quoi qu’on en pense, sans l’expédition de Bonaparte et la description de l’Égypte qu’en rapportèrent les savants qui l’accompagnaient, il n’y aurait tout simplement pas d’égyptologie. Si Champollion n’avait pas déchiffré la Pierre de Rosette, ils n’auraient aucune idée de leur histoire. Si les Anglais, les Français et, dans une moindre mesure, les Allemands ne s’étaient pas ruinés pour banquer les fouilles, ils ne sauraient même pas à quoi ils ressemblaient, leurs pharaons ! Savent-ils seulement que leurs archéologues ont été formés dans nos écoles, à commencer par le ministre des Antiquités en question, doctorant en égyptologie de l’Université Lyon-II ? Savent-ils qu’ils doivent à Gaston Maspero le musée du Caire ? Et qui, tout récemment, a financé les recherches ADN sur les momies de la Vallée des Rois pour établir la généalogie de Toutankhamon ? Qui a payé l’étude au scanner – prêté par Siemens – des vingt momies qui dormaient au Musée des Antiquités égyptiennes du Caire ? L’Europe, bien sûr.
Alors, amis Égyptiens, vous savez ce qu’elle vous dit « l’arrogance colonialiste occidentale » ? Allez vous faire f… !
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