dimanche 18 mars 2012

Les réseaux français et suisses du dictateur syrien Assad


 La Syrie de Bachar el-Assad n'a pas que des ennemis dans les pays démocratiques (extraits adaptés ; voir le lien vers la source au bas du texte). A Genève aussi, le président syrien a trouvé des avocats pour défendre sa cause et nier les crimes qu'on lui reproche. Leurs profils politiques sont très divers, avec une surreprésentation des courants de la droite révolutionnaire. Sur le site de ‘Genève non conforme’, un groupuscule d'extrême droite, la première émission de Léman noir TV, datée du 22 janvier dernier, s'ouvre sur la situation dans ce pays. Un jeune militant portant le masque d'Anonymous dénonce « les agents étrangers soutenus par les Etats-Unis » qui veulent déstabiliser le « méchant dictateur » pour « donner le pouvoir en Syrie aux islamistes ennemis de l'Europe ». Cette parole se veut d'abord « non conforme » en effet, dénonçant la « désinformation » de médias manipulés qui ne disent pas la vérité. Pourquoi ces jeunes militants identitaires genevois focalisent-ils leur énergie militante sur ce pays ? Ce choix n'est évidemment pas le fruit du hasard. « Il y a d'abord une longue tradition de soutien de l'extrême droite européenne aux régimes autoritaires arabes », note le politologue Jean-Yves Camus. Mais leur horizon se rétrécit avec la chute de Saddam Hussein en Irak et la mort de Kadhafi en Libye. Alors ils se raccrochent à Bachar el-Assad et à la Syrie, un régime présenté comme un phare de la lutte contre un ordre mondial qui serait dominé par l'Empire américano-sioniste qu'ils combattent ».
Tous insistent sur le caractère « nationaliste et socialiste » du régime baasiste au pouvoir à Damas. « La Syrie est le seul pays qui compte dans son Parlement des représentants d'une formation ouvertement antisémite, le Parti social nationaliste syrien (PSNS), un parti chrétien dont le discours sur les juifs est probablement le plus violent et moyenâgeux au monde », ajoute Jean-Yves Camus. A Genève, l'équipe de Léman noir TV donne ensuite la parole à Thierry Meyssan, le pape de la théorie du complot, qui s'est fait connaître en mettant en cause la réalité du 11 Septembre dans son livre ‘L'effroyable imposture’. Sur la Syrie, un discours niant la réalité des massacres d'Homs est d'ailleurs en train d'émerger, comme après le 11 Septembre. « C'est un trait psychologique des négationnistes ou des conspirationnistes : plus les faits sont lourds, plus ils en dénoncent l'évidente mise en scène », commente le chercheur associé de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris. Le Français Thierry Meyssan, qui dirige le site Réseau Voltaire, s'est aussi fait une spécialité de répercuter le discours officiel d'Etats qualifiés de « voyous » par les Etats-Unis comme l'Iran, la Syrie ou le Venezuela. « Meyssan séjourne très souvent en Syrie et s'est installé au Liban, où il intervient régulièrement sur Al Manar, la chaîne du Hezbollah, le mouvement pro-iranien libanais », raconte Jean-Yves Camus. Le vice-président du Réseau Voltaire est d'ailleurs un Libanais partisan de la Grande Syrie, Issa el-Ayoubi. C'est aussi un cadre du Parti social nationaliste syrien, dont l'hymne et le drapeau font explicitement référence à ceux du troisième Reich.
Dans l'émission de Léman noir TV apparaît ensuite Alain Soral, qui fut invité dans la Cité de Calvin par « Genève non conforme », le 25 février dernier. Venu du Parti communiste et passé par le Front National, Alain Soral a fait le voyage en Syrie. Colistier de Dieudonné aux dernières élections européennes pour le Parti antisioniste, il a été reçu avec le comédien par le président du PSNS à Beyrouth, à l'été 2006. La rencontre a été organisée par Frédéric Chatillon. « Sa société Riwal, installée à Paris et en Syrie, est le principal prestataire de services en communication du Front National depuis que Marine Le Pen est aux commandes », explique Jean-Yves Camus. Son épouse, Marie d'Herbais, est une des meilleures amies de la candidate du FN à la présidentielle. Marine Le Pen est prudente sur la Syrie, parlant de guerre civile sans prendre fait et cause pour le régime alaouite. Son père, Jean-Marie, est plus direct, « ne trouvant pas anormal que l'Etat syrien se défende » et relativisant volontiers les bombardements de civils (« Oh, vous savez, on a bombardé des populations civiles dans bien d'autres circonstances »).
C'est Riwal, la société de l'ancien membre du GUD (créé en 1968 à Paris pour casser du gauchiste) Frédéric Chatillon, qui a créé le site Infosyrie, « agence de réinformation sur l'actualité en Syrie », en juin dernier, un site qui pourrait faire figure d'agence officielle du pouvoir syrien. Le 30 octobre encore, Frédéric Chatillon manifestait sous des banderoles pro-Bachar à Paris. Lors d'un nouveau voyage au Proche-Orient en 2008 avec Dieudonné et Meyssan, le même Frédéric Chatillon posait devant un objectif en compagnie de Manaff Tlass, général syrien proche du pouvoir. Manaff est le fils de Moustapha Tlass, qui fut ministre de la Défense d'Hafez el-Assad, le père de Bachar. « Ce personnage était le principal pourvoyeur d'écrits antisémites et négationnistes par l'intermédiaire de sa maison d'édition Dar Tlass à Damas, avant que ce type de publication ne soit édité en Iran », commente Jean-Yves Camus. C'est aussi par cette famille que le régime Assad a « recruté » des défenseurs à gauche, comme l'ancien ministre socialiste Roland Dumas et l'avocat provocateur et ex-maoïste Jacques Vergès qui affirme qu'en Syrie « il faut défendre le régime actuel ». On trouve aussi des partisans de Bachar à l'extrême gauche, chez les sympathisants de Castro et Chavez du site ‘Le Grand Soir’, chez des souverainistes de gauche au Comité Valmy ou dans les rangs d'organisations de défense des Palestiniens qui dénoncent « l'apartheid » de l'Etat d'Israël.
Ginette Skandrani, une ex-Verte exclue pour ses propos négationnistes, est par exemple très active dans la défense d'Assad. Parmi ces organisations, il y a aussi ‘Palestine Solidarité’, dont l’une des plumes est la Suissesse Silvia Cattori qui tient également un blog, largement consacré à la Syrie et dont les articles sont relayés par un collectif Syrien. Sa dernière interview, datée du 13 mars, est titrée « En Syrie, les auteurs d’atrocités sont les opposants armés ». On ne sait pas si ces voix d’horizons si divers se retrouvent sur « Tous avec Bachar el-Assad », une page qui est désormais ouverte sur Facebook pour annoncer les rassemblements à Paris, Bruxelles et dans les autres capitales européennes. Mais elle existe.
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