En France, un certain nombre de suppôts de la presse anglo-saxonne et arabe s’amusent à peindre Damas, la ville du pouvoir syrien, en Dallas, et à comparer les cités rebelles d’Itlib, de Homs et de Deraa, à l’Enfer de Dante, au sein duquel le tyrannique président Bachar-al-Assad mènerait des répressions sanguinolentes contre la population. Répressions méritant une intervention occidentale.
Un récent rapport d’expertise du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) (*) a mis en évidence un faisceau d’indices accablants à l’encontre des pratiques journalistiques de la presse étrangère remarquées en Syrie.
L’observateur standard y découvre que les délégations médiatiques chargées de démonter la cause du pouvoir syrien abritent purement et simplement des criminels de l’information. Si un tribunal existait pour cette association de malfaiteurs, elle devrait répondre des délits suivants : diffamation, faux et usage de faux, détournement de faits, complicité de diffusion de fausses nouvelles visant à abuser la confiance de l’opinion publique, incitations au crime. Ces soi-disant promoteurs de la liberté d’expression ont du sang sur les mains.
Un grand jeu de dupes
Qui désigne-t-on en pointant du doigt la presse mainstream ? Cette nébuleuse d’idiots utiles qui vont jouer les fauteurs de révolutions, et qui se croient tout permis du moment qu’ils ont en main un appareil photo ou une caméra. Utiles, parce que croyant servir les intérêts de la démocratie, ils servent, dans ce cas précis de la campagne anti-syrienne, les intérêts concrets de deux groupes de puissance bien distincts : Etats-Unis/Israël d’une part, pays arabes du Golfe d’autre part. Le seul objectif commun à tous ces vautours : avoir la tête de Al-Assad. Arabie et Qatar, à coup de désinformation intense relayée par les médias en France, espèrent briser l’arc chiite du Moyen-Orient (Iran-Syrie-Hezbollah libanais) en éclipsant la minorité alaouite dominante en Syrie. Israël voudrait réduire ce voisin dérangeant en Etat morcelé. Les Etats-Unis quant à eux ont en vue un projet plus large de défragmentation du Grand Moyen-Orient. Washington et Jérusalem ont en commun à l’esprit que l’érosion de la Syrie est une façon supplémentaire de diminuer l’influence de l’Iran.
On ne comprendra rien à ce bazar arabe si l’on ne réalise pas que tout le monde joue un double jeu:
- Etats-Unis et Israël jouent sur la division sunites/chiites et tentent d’aviver la rivalité entre la Turquie et l’Iran ;
- la Turquie, tout en profitant de ce regain de confiance intéressée des Etats-Unis, continue de jouer la carte anti-israélienne ;
- le Qatar et l’Arabie saoudite, veulent profiter du soutien occidental pour renverser le régime syrien au profit des Frères musulmans pour ensuite se retourner contre Israël et les Etats-Unis ;
- De son côté, la Russie compte sur la Syrie pour garder son accès à la mer Méditerranée (base militaire littorale de Tartous) et maintenir ses relations commerciales dans la région, notamment celles concernant l’armement ;
- L’Iran, enfin, se sert de la Syrie comme tête de pont vers le Proche-Orient (Liban, Territoires palestiniens), tout en maintenant des relations étroites avec ce pays.
Le chemin de la conversion sera long
A côté de ces relations complexes, il reste les brebis bêlantes du Vieux continent qui ne comprennent rien à ce jeu de vases communicants et qui psalmodient des odes à la démocratie, alors qu’on assiste à de véritables règlements de compte. Le jeu de notre caste journalistique, vouée tout entière à la cause de l’effondrement syrien, n’est qu’un jeu de complaisance à l’égard des puissances dominantes que sont Israël et les Etats-Unis dans cette région. Jeu procédant d’une logique bipolaire croyant voir s’opposer les pays d’Orient entre les partisans supposés de la démocratie et ses opposants. Jeu absurde des bêtes crevées qui suivent le courant dominant – le mainstream – par autant de lâcheté que de bêtise. Et qui reviennent de Damas comme des mauvais larrons qui n’auront pas été désanglés de leur malhonnêteté. Honneur aux intellectuels1 qui, par leurs efforts d’analyse et d’objectivité, tentent de restaurer, dans leurs écrits, la noble tâche de reporter.
Jocelyn Beaumont
Chronique stratégique
L’Acropole info
2/03/201 http://lacropole.info/proche-et-moyen-orient/663-quand-la-presse-mainstream-revient-de-damas
Chronique stratégique
L’Acropole info
2/03/201 http://lacropole.info/proche-et-moyen-orient/663-quand-la-presse-mainstream-revient-de-damas
(*) Extraits du Rapport du CF2R (Centre français de recherche sur le renseignement) en collaboration avec le CIRET-AVT (Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme & l’aide aux victimes du terrorisme), publié en janvier 2012 : « Syrie, une libanisation fabriquée », consultable en PDF en cliquant ici http://www.cf2r.org/images/stories/RR/rr11-syrie-une-libanisation-fabriquee.pdf
(…) « Les techniques de désinformation à l'œuvre » (Ch. 5, p. 33)
La rédaction d'Al-Jazeera a fait un travail très précis de sélection d'éléments de langage (wording) destiné à cibler le pouvoir syrien et à légitimer les manifestations, y compris les actes de violence et de terrorisme :
- technique de généralisation : on ne cite pas telle ou telle localité, on parle toujours de « la Syrie » ou d'un « pays occupé par une famille » ;
- technique de labellisation : on ne parle pas de groupes salafistes, mais de « l'armée syrienne libre » ou des « forces de la résistance » ;
- technique d'abolition du temps : on antidate les événements, on annonce des affrontements avant qu'ils n'aient lieu.
- technique de falsification : plusieurs chaîne satellitaires arabes ont diffusé des images d'Egypte ou du Yémen (anciennes de plusieurs semaines à plusieurs mois), affirmant qu'elles avaient été tournées en Syrie. Souvent, ces prises de vue ne correspondaient ni à la saison, ni à la météo du jour, montrant des individus défilant en manteaux en plein été 2011.
Les reportages sont rarement « sourcés ».
A la manière de Fox-News, le commentaire parle de « l'opposition » et de « la résistance ». Les expressions - « certains pensent que... », « en ville on raconte que... » ou « des habitants ont vu que… » - reviennent souvent. On cite, la plupart du temps, des « témoins oculaires » en mentionnant rarement le nom ou la qualité des victimes. Les lieux et la datation restent souvent approximatifs et les images d'archives ne sont pratiquement jamais citées comme telles.
Dans les médias, divers individus se présentant comme des « activistes syriens » sont régulièrement interviewés, sans que les spectateurs obtiennent la moindre preuve de leur qualité.
Un cas précis a permis d'identifier que le pseudo témoin était en fait un journaliste libanais vivant aux Pays-Bas. Plusieurs correspondants de télévisions françaises, « témoins oculaires de massacres », ont pu être identifiés comme vivant à Dubaï, en Jordanie et au Koweït.
Enfin, l'une des principales sources des médias occidentaux au sujet des exactions du régime syrien et du nombre de morts dus à la répression est l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), reconnu par l'Union européenne, qui prétend reprendre les chiffres de Comités locaux de coordination recensant les victimes sur le terrain. Mais sa légitimité apparaît plus que discutable. L'Observatoire a en effet été créé par des Frères musulmans vivant en exil à Aix-la-Chapelle, en Allemagne, avant de s'installer à Londres. Son dirigeant, l'avocat Al-Maleh, 81 ans, président de la Commission syrienne des droits de l'Homme, a été emprisonné pendant huit ans pour appartenance à la Confrérie. Il n'est sorti de prison qu'en 2010.
Surtout, la chaîne qatarie AI-Jazeera consacre depuis 5 mois près de 70% de son temps d'antenne à la crise syrienne : est-ce que ce pays justifie objectivement une telle couverture ? Comme en Libye, on peut légitimement se demander au service de quel agenda politique, cette chaîne met autant d'insistance à déployer un travail qui s'apparente davantage à une couverture militante qu'à de l'information.
Nombre d'exemples de manipulations médiatiques peuvent être cités :
- A Lattaquié, le 11 septembre 2011, Al-Jazeera et Al-Arabiya annoncent sur leur antenne des tirs à 2h du matin. Or ceux-ci ne commenceront que deux heures plus tard, à 4 h du matin...
- A Damas, le 23 septembre 2011, les deux mêmes chaines font état d'importantes manifestations sur la place des Abbassides... qui n'auront lieu que le samedi suivant.
- A Douma, en novembre 2011, Al-Jazeera et Al-Arabiya annoncent à 1 h 30 qu'un centre de sécurité syrien a été attaqué et bombardé. La TV syrienne envoie une équipe sur place à 2 h 30 pour montrer qu'il ne se passe rien. Néanmoins, ce centre sera bien attaqué... à 3 h 00 !
- Régulièrement, les queues d'attente de taxi particulièrement longues sur la place Umawiyeen, en raison des embouteillages, sont présentées comme des manifestations contre le régime.
- A Homs, début décembre 2011, une manifestation a eu lieu pour réclamer le départ du gouverneur qui ne protège pas efficacement la population contre les insurgés. Elle a été présentée par les médias étrangers comme une manifestation contre le régime. (…)
Evidemment, chacun de ces exemples mériterait une enquête approfondie et une déconstruction méthodique que le format de notre modeste mission ne peut assumer. Les historiens et les chercheurs feront ce travail un jour, mais l'histoire universelle aura déjà accompli ses ruses et la messe aura été dite...
Rappelons également que le 6 juin 2011, l'annonce de l'enlèvement de l'activiste syrienne Amina Abdallah Araf et de son mari par les services de sécurité du régime avait beaucoup ému les contestataires syriens et leurs soutiens internationaux. Or cette bloggeuse, militante des droits homosexuels et figure de proue de la contestation contre le régime de Bachar al-Assad, est un personnage fictif. Elle a été créée par un Américain, militant des causes arabes, qui a avoué son canular quelques jours plus tard.
La manipulation médiatique la plus marquante s'est produite à Homs où une femme a vu son enfant assassiné par un groupe d'insurgés et, moins d'une heure plus tard, l'image de ce crime était diffusée sur Al-Jazeera comme étant une exaction de l'armée syrienne. La délégation a pu rencontrer cette femme et sa famille, le 7 décembre 2011 et visionner les images et les commentaires de la chaîne qatarie. Nous en livrons le récit ci-dessous. (…)
Se reporter pour la suite au rapport :
« Syrie, une libanisation fabriquée », consultable en PDF en http://www.cf2r.org/images/stories/RR/rr11-syrie-une-libanisation-fabriquee.pdf
« Syrie, une libanisation fabriquée », consultable en PDF en http://www.cf2r.org/images/stories/RR/rr11-syrie-une-libanisation-fabriquee.pdf
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