dimanche 10 juin 2012

Afghanistan : Hollande impose le silence aux armées


L'attentat de Nijrab a fait six morts : quatre militaires français et deux interprètes afghans.
 
Dans la vallée de la Kapisa, en janvier 2011.
Dans la vallée de la Kapisa, en janvier 2011. © Joël saget / AFP
 
 
La mort de quatre soldats français, ce matin à Nijrab, s'est produite dans des conditions malheureusement classiques. Une patrouille commune à l'armée française et à l'ANA (Armée nationale afghane), embarquée dans des véhicules blindés, s'est approchée d'une zone aux abords de l'agglomération où un "point de contact" était prévu avec la population. Il est probable que cette rencontre concernait des civils afghans en particulier, mais les premiers éléments de l'enquête n'ont pas permis à cette heure de le déterminer. C'est alors que cette rencontre commençait qu'un kamikaze, apparemment dissimulé sous une burka, s'est fait exploser à 6 h 40, heure de Paris. Quatre soldats français appartenant au 40e régiment d'artillerie de Suippes et au 1er groupement interarmées des actions civilo-militaires de Lyon ont trouvé la mort, ainsi que deux interprètes afghans [et non pas un seul, comme l'a affirmé à tort le président de la République à Tulle], ce qui porte le bilan de cette attaque à six tués, auxquels s'ajoute le kamikaze. Le porte-parole de la police dans la province de Kapisa, Ahmad Ahmadzaï, avait indiqué que six militaires français avaient péri. Cette erreur s'explique par le fait que les interprètes afghans sont très souvent porteurs de l'uniforme français. Les talibans ont rapidement revendiqué l'attaque par la voix de leur porte-parole, Zabiullah Mudjahid.
 
Cinq blessés français
 
On déplore de plus cinq blessés français. L'un de ceux-ci est très grièvement atteint, mais devrait survivre à ses blessures, selon le diagnostic établi à l'hôpital français de Kaboul. Un avion de la flotte gouvernementale française a pris l'air dans les heures suivant l'attentat pour aller chercher ce blessé à Kaboul et le ramener en urgence dans un hôpital militaire métropolitain.
 
L'opération médiatique engagée autour de ces premières pertes militaires du quinquennat de François Hollande par les différentes parties prenantes de l'exécutif français ne manque pas d'intérêt. Tout d'abord, ce sont les autorités de l'Otan et la police afghane qui ont annoncé le décès des quatre soldats, avant que l'Élysée ne diffuse, à 10 h 58, le communiqué habituel en de telles circonstances, vraisemblablement rédigé par l'état-major particulier du président de la République. La Dicod (Direction de l'information et de la communication de la défense) a diffusé un simple communiqué de confirmation à 11 h 10, totalement inutile puisqu'il n'apportait aucune information complémentaire à celui de l'Élysée.
 

Hommage national
 
Puis le président de la République s'est exprimé en direct vers 15 h 15 à Tulle, où il était en déplacement, et a donné divers éléments de cadrage politique. Il a confirmé le calendrier de retrait déjà annoncé à maintes reprises et a estimé qu'il serait "achevé à la fin de l'année 2012". La réalité est un peu différente puisque les effectifs actuels de 3 500 hommes seront ramenés à 1 500 à la fin de 2012, le retrait complet des troupes n'étant pas effectif avant juillet 2013. François Hollande n'a pas dissimulé les risques de cette opération : "D'ici là, tout doit être fait pour que nos troupes remplissent leurs obligations, mais avec le niveau de sécurité le plus élevé et avec la plus grande vigilance pour la vie de leurs soldats. J'en prends ici l'engagement et je serai le garant de cette opération." Il a également eu un mot pour les soldats français présents sur le sol afghan : "Je salue leur dévouement et leur courage. Je sais la force de caractère des troupes françaises en Afghanistan. J'adresse aux familles le message de solidarité et de réconfort du peuple français." Il a aussi annoncé un "hommage national aux victimes", dont le lieu et la forme devraient être connus rapidement.
 

Silence dans les rangs
 
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est pour sa part rentré d'urgence à Paris dans l'après-midi de samedi, afin d'être prêt à partir dimanche pour l'Afghanistan, à la demande du président de la République, en compagnie du chef d'état-major des armées, l'amiral Édouard Guillaud. Le ministre se prépare notamment cet après-midi à une intervention télévisée au journal de 20 heures de TF1. De leur côté, les militaires français n'avaient toujours pas communiqué en fin d'après-midi sur cette attaque. De manière ahurissante, "le fil défense" accessible sur le site web du ministère était toujours muet à 18 h 15 sur les évènements survenus près de 20 heures plus tôt, et l'état-major des armées demeurait aux abonnés absents. L'explication nous a été fournie par Sacha Mandel, communiquant du cabinet Euro RSCG recruté au cabinet du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Toute communication des militaires est proscrite, nous a-t-il expliqué, tant que le ministre ne se sera pas exprimé samedi soir au journal télévisé.
 

Le Drian devait accorder une seconde exclusivité, cette fois à un organe de presse écrite, qu'on imagine être un quotidien dominical. La procédure est étonnante et la volonté d'interdire aux militaires de s'exprimer rapidement sur la mort de leurs camarades est inédite dans l'histoire récente. En d'autres circonstances, d'une gravité comparable, l'état-major des armées avait toujours pu s'exprimer dans son domaine, celui des opérations et de l'accompagnement "professionnel" des traumatismes des armées, le politique se réservant les explications... politiques. Il est même arrivé que le ministre de la Défense organise dans l'urgence un point de presse commun avec le chef d'état-major des armées. Mais cette option n'a pas été retenue, "faute de temps", explique Sacha Mandel. Vraiment ?

Source : Le Point

 

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