Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économique, qui exerça au Monde puis comme directeur des rédactions de l’Agefi, de la Tribune, du Nouvel Economiste, auteur, dernièrement, de Mourir pour le yuan, paru en septembre 2011, a publié un article intitulé « Les sept plaies de l’Amérique d’Obama » dans le numéro 134 de la revue Politique Internationale.
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A quelques mois de l’élection présidentielle américaine de novembre 2012, l’auteur part d’un parallèle entre la situation internationale et économique des Etats-Unis à l’automne 1979, époque à laquelle Reagan menait sa campagne sur le thème « du retour de l’Amérique », et celle existant trente-trois ans plus tard. Confrontée à de graves revers dans la conduite de sa politique mondiale et surtout en proie à des difficultés économiques majeures, l’Amérique est, de nouveau, face à une interrogation essentielle : aujourd’hui, de quelle manière peut-elle recouvrer « ce dynamisme qui était sa marque de fabrique » ?
Si dans le domaine des relations internationales, la position des Etats-Unis paraît moins humiliante qu’elle ne le fut à la fin des années soixante-dix, en revanche le contexte économique et social, particulièrement préoccupant, retient toute l’attention de Jean-Michel Quatrepoint qui en analyse les différents aspects au travers de sept éléments, par référence aux sept plaies d’Egypte (1).
Après un court propos sur la position internationale des Etats-Unis, l’auteur caractérise leur situation économique avant de procéder à un examen critique de l’action de Barack Obama, la différenciant de l’approche de Ronald Reagan. Le contexte ainsi introduit, il passe en revue ce que sont, à son sens, les « sept plaies de l’Amérique d’Obama ».
Refluant sur la scène planétaire, l’Amérique est face, d’abord, à la dégradation profonde de son économie
Dans le domaine international, si des rapprochements peuvent avoir cours, pour autant, les positions, à plus de trente ans d’intervalle, ne sont pas analogues. Comparativement à la forme prise par l’abandon du Vietnam et à la faillite en Iran, Washington a su, cette fois, organiser « la retraite sur des positions préparées à l’avance ». Seulement, malgré l’exécution de Ben Laden, la guerre conduite en Afghanistan est un échec, celle d’Irak s’est avérée financièrement particulièrement coûteuse et dans le monde musulman en général, « les alliés de l’Amérique » doivent progressivement laisser la place aux islamistes.
Le plus alarmant tient à l’état de l’économie, marqué, malgré l’injection massive de liquidités, par un chômage devenu structurel, une pauvreté croissante, des déficits budgétaires et commerciaux en constante augmentation, une dette incontrôlée, certains Etats, telle la Californie en faillite. Depuis la grande dépression l’écart des revenus n’a jamais été aussi important. En recul dans le monde, l’Amérique découvre qu’elle n’est même plus la maîtresse chez elle, les Chinois, comme les Japonais auparavant, prennent des parts de marché. La confiance en son modèle, fondé sur la chance offerte à chacun de s’enrichir et le respect des règles, est profondément altérée : « trop de gens » ont maintenant l’impression « qu’ils ne pourront pas s’en sortir » ; la plupart considère que le « monde de la finance » a été insuffisamment sanctionné.
Pour un rebond, l’Amérique doit retrouver une « confiance en elle-même » au moment où elle sent qu’il ne s’agit peut-être pas de la fin d’un cycle commencé sous la présidence de Reagan mais de la mise en cause d’un modèle, celui de l’Occident qui a dominé la planète « depuis un peu plus de deux siècles ».
Un président louvoyant
Au-delà de cette appréhension de l’avenir, sans doute différente, entre deux époques, Jean Michel Quatrepoint met en exergue ce qui sépare les approches de Reagan et d’Obama. Le premier, lors de son accès au pouvoir, a non seulement un programme mais une assise idéologique, le retour aux sources du libéralisme prôné par l’Ecole de Chicago avec des références aux théories de Schumpeter ou de Hayek. Au contraire, le président en exercice, sans véritable programme, encore moins d’idéologie, comme d’ailleurs son adversaire Républicain de 2008, n’a pas su prendre de décisions « révolutionnaires » en appliquant, par exemple, au secteur financier les mesures administrées à celui de l’automobile.
Homme de compromis plus qu’homme d’action, Obama, est sous l’influence d’un entourage lié au milieu financier dont il faut remarquer qu’il est généralement plus proche des Démocrates que des Républicains. Ce même entourage, servant déjà Bill Clinton, s’était caractérisé par son approche particulièrement libérale (suppression du Glass-Steagall Act (2), complaisance à l’égard du secteur financier qui développa les prêts dits « subprimes », ouverture, sans condition, de l’OMC à la Chine).
Au fil de son mandat, le président s’est montré louvoyant, rassurant successivement sa droite et sa gauche alors que le pays aurait besoin d’un nouveau « New Deal » afin de porter remède à ce que l’auteur appelle, à l’instar de l’Egypte des pharaons, les sept plaies de l’Amérique. Elles sont ainsi présentées :
- « croissance en berne et chômage structurel »
- « le déficitaire en dernier ressort »
- « quand Apple creuse les déficits américains »
- « un capitalisme autophage »
- « les riches et les autres »
- « les lobbies contre la démocratie »
- « un modèle en bout de course »
« Croissance en berne et chômage structurel »
La réunion d’un ensemble de données statistiques, d’ordre macroéconomique, témoigne de la profondeur de la crise que traversent les Etats-Unis. Déjà, depuis trois décennies, le taux de croissance économique des pays occidentaux, sous l’effet de crises financières successives, a baissé, en moyenne, d’un point tous les dix ans. S’agissant de l’Amérique, l’augmentation moyenne du produit intérieur brut (PIB) qui était de 3,6% dans les années quatre vingt-dix a été abaissée à 2% après les différents évènements qui marquèrent la première décennie du millénaire : le krach boursier lié à la « bulle internet », les attentats du 11 septembre 2001, la crise des « subprimes ». En dollar constant (2005), après une chute de 3,4% en 2009, le PIB a progressé de 3% en 2010 et de 1,75% en 2011. Ces niveaux de croissance sont en deçà de ceux exigés pour résorber le chômage. Celui-ci touchait officiellement 8,9% de la population active en 2011, 9,6% en 2010, 9,3% en 2009 (5,8% en 2008). Selon le Ministère du Travail, précise l’auteur, en prenant en compte « toute la population, y compris celle qui a cherché un emploi, le taux de chômage réel par rapport à la population active s’établirait à 16% ». L’auteur précise que quelque quatorze millions de personnes seraient sans travail. De plus, le faible montant des retraites conduit les individus les plus âgés à prolonger leur activité professionnelle au détriment des jeunes : un emploi sur cinq contre un emploi sur sept, il y a trente ans, est occupé par une personne âgée de plus de 55 ans.
Par crainte d’une perte d’emploi mais aussi d’une baisse des revenus, les ménages « consomment peu », contribuant à l’atonie économique. Comme conséquence, il faut souligner, aussi, un phénomène social important : un repli sur la structure familiale. En trois ans, le nombre d’américains vivant « dans une famille pluri-générationnelle » serait passé « de 46,5 millions à 51,4 millions ».
« Le déficitaire en dernier ressort »
Les années deux mille ont été marquées par une augmentation considérable des déficits, qu’il s’agisse de la balance commerciale, du budget fédéral ou du budget des Etats. La conséquence est la croissance corrélative de l’endettement. La dette totale des Etats-Unis, tous les agents confondus (ménages, entreprises, secteur financier, dette publique), représentait en 2000 280% du produit intérieur brut. En 2011, elle atteignait 400% du produit intérieur brut.
En fait, l’Amérique consomme plus qu’elle ne produit. Pour elle comme pour les pays occidentaux, dans leur ensemble, la « mondialisation », dont l’admission de la Chine à l’OMC constitue l’un des évènements majeurs, ne s’avère pas aussi bénéfique que le postulaient leurs dirigeants qui se refusent à admettre la réalité présente. La forme prise par la relation économique avec la Chine marque, peut-être, une évolution, fondamentale qui tient à la dissociation entre les intérêts des entreprises multinationales américaines, dans la recherche de leur expansion, et ceux de la population de leur pays d’origine. Le régime de Pékin offre à ces entreprises « un réservoir quasiment inépuisable de main-d’œuvre bon marché » à condition que les biens produits soient exportés. L’Empire du milieu est ainsi devenu la seconde puissance économique mondiale, accumulant des « excédents considérables ». L’équilibre extérieur des Etats-Unis a ainsi été affecté, à l’échelon de la balance commerciale, par un déficit des échanges de produits manufacturés sensiblement amplifié. Au niveau global de la balance des paiements, dont la balance commerciale est une composante, l’équilibre a été altéré par le transfert de capitaux à long terme pour le financement des investissements et la localisation des bénéfices hors du territoire américain.
Jean-Michel Quatrepoint note qu’entre 2006 et 2010 le déficit des échanges commerciaux des Etats-Unis par rapport à la Chine est passé de 83 milliards de dollars en 2000 à 272 milliards de dollars en 2010.
Le cumul de ces déficits accroît « inexorablement » la dette de l’Etat fédéral souscrite, dorénavant, pour une large part, par la Réserve fédérale, prêteur en dernier ressort, la Chine et le Japon détenant respectivement aux environs de 1 200 milliards et de 900 milliards de dollars de bons du Trésor américain. Les Etats-Unis sont, ainsi, devenus le « déficitaire en dernier ressort ».
« Quand Apple creuse les déficits américains »
Citant en préambule une affirmation du président de General Motors datant de 1953, « Ce qui est bon pour l’Amérique est bon pour General Motors et réciproquement », l’auteur montre comment cette réciproque n’est plus vraie de nos jours. Au début des années 1990, les classes dirigeantes firent le choix de transférer vers les pays émergents « les productions de marchandises les plus polluantes », misant sur la haute technologie, le secteur financier et les services. Par rapport au secteur industriel ne sont conservés que la conception et « le marketing ». Le secteur financier, par la création de produits élaborés fondés sur des modèles mathématiques, a pour rôle de générer des plus-values. Il s’agit là du mouvement d’un capitalisme industriel vers un capitalisme financier. Ainsi, parallèlement à la baisse de la part du secteur industriel dans le produit intérieur brut, celle du secteur financier dans l’économie augmente sensiblement (8,4% du produit intérieur brut (3), 41% des bénéfices des entreprises américaines) (4). Dans la répartition de l’emploi, les services financiers représentent 6% du total au même niveau que les nouvelles technologies, les industries manufacturières occupant 7% de la main d’œuvre, le reste étant dévolu aux services qui offrent souvent des postes peu qualifiés et mal payés.
Le transfert de productions vers les pays émergents, en particulier la Chine, n’a pas seulement d’incidences quantitatives par rapport à la valeur ajoutée industrielle produite et à l’emploi mais il pourrait aussi se traduire à terme par une perte de la suprématie dans le domaine de la technologie. Outre le cas des panneaux solaires (depuis 2002 la balance commerciale dans ce secteur est devenue déficitaire de plus de 40 milliards de dollars par an), l’auteur se réfère à l’exemple d’Apple. L’entreprise ne compte plus aux Etats-Unis que 25 000 personnes, la production ayant été confiée à une société taiwanaise, Foxcom qui emploie en Chine 250 000 personnes exclusivement pour les besoins du fabricant d’ordinateurs. Dans un premier temps, après sa conception par des ingénieurs américains, les composants des produits sont confectionnés dans plusieurs pays dont la Corée, le Japon et l’Allemagne, pour les plus complexes puis assemblés en Chine. La valeur ajoutée de celle-ci dans le processus de fabrication est alors limitée (3,6% pour un iphone). Mais, avec la production de masse et la recherche de composants moins chers à réaliser et présentant les mêmes performances, la part des fournisseurs chinois augmente, permettant l’abaissement des coûts. Le revers est que ces fournisseurs ont pu copier certains composants. Globalement, pour un iPhone vendu 500 dollars sur le marché américain en 2009, la marge d’Apple était de 321 dollars (64%) et le coût de production de 179 dollars. Jean-Michel Quatrepoint évalue à une trentaine de dollars par appareil le prix d’un rapatriement de la production aux Etats-Unis, laissant encore une marge confortable à l’entreprise.
Ainsi, ce déplacement des productions vers des pays considérés comme émergents a des effets sociaux, en termes d’emplois, économiques, sur le plan de l’équilibre des échanges extérieurs et, enfin, technologiques au sens où il permet à ces pays d’acquérir des techniques de haut niveau et, potentiellement, des avantages concurrentiels. A cet égard, il faut remarquer que la Chine occupe, maintenant, la première place dans le domaine du photovoltaïque « à partir de technologies américaines ».
Comme l’indique Susan Hockfield, présidente du MIT [Massachusetts Istitute of Technology], la croissance des Etats-Unis ne saurait reposer sur les seuls services, 20 millions d’emplois devant être créés dans la prochaine décennie et le déficit commercial propre aux produits manufacturés réduit. Le montant de ce dernier est actuellement de l’ordre de 500 millions de dollars. Cependant cet infléchissement ne pourra se faire sans l’adhésion des entreprises multinationales américaines.
« Un capitalisme autophage »
Un autre aspect exprimant la dissociation croissante entre ces entreprises multinationales et le pays de leur création, de leur siège et de leur développement est l’esquive devant l’impôt dont elle pourrait être redevable vis-à-vis de ce pays. L’évasion fiscale dénoncée par le sénateur Obama en février 2007 au travers d’un projet de loi destiné à prévenir les abus (« Stop Tax Haven Abuse Act ») est appréhendée comme un moyen « d’optimisation fiscale », permise par la mondialisation (facilité de transfert des capitaux) et les nouvelles technologies de traitement de l’information. Pour réaliser leurs fins, les entreprises usent du « savoir-faire » de juristes, de fiscalistes et de comptables. Elles répondent, ainsi, à l’exigence d’un actionnariat qui s’inscrit dans une logique à court terme, sensible, d’abord, au rendement offert. Ce rendement peut encore être amélioré lorsque les sociétés procèdent au rachat de leurs propres actions, diminuant ainsi leur capital nominal et augmentant proportionnellement les dividendes distribués. De cette dernière possibilité, celle d’une « destruction de valeur », l’auteur tire le terme de « capitalisme autophage ».
Devenu président, l’ancien sénateur de l’Illinois a nommé comme responsable du Conseil des conseillers économiques le président de General Electric. Celle-ci, en 2010, malgré un bénéfice conséquent au niveau du groupe mondial comme pour les activités sises sur le territoire américain, non seulement n’a pas acquitté d’impôt aux Etats-Unis mais a profité d’un crédit d’impôt grâce à un report de pertes de GE Capital, la branche spécialisée dans la fourniture de services financiers aux particuliers et aux entreprises.
Ainsi, ce capitalisme américain, devenu « autophage », a perdu ses valeurs, transférant hors du territoire américain le travail, l’impôt, le capital et les investissements.
« Les riches et les autres »
Ayant basculé depuis une trentaine d’années dans une autre forme de capitalisme où dominent les marchés financiers et l’esprit qu’il implique en termes de fonctionnement économique et social, l’Amérique a vu croître corrélativement les inégalités. Celles-ci ont touché, d’abord, la distribution des revenus. « Entre 1980 et 2005, plus de 80% de l’augmentation des revenus des Américains ont été captés par 1% de la population. Un phénomène confirmé par une étude plus récente : entre 2002 et 2007, les deux tiers de la croissance totale des revenus ont encore été récupérés par ce 1% ». Elles affectent aussi les règles ordonnant la vie collective avec la mansuétude dont ont bénéficié les banquiers après la crise de 2007-2008 alors que les faillites des Caisses d’Epargne dans les années quatre-vingt avaient conduit à de nombreuses arrestations. Depuis lors, selon l’auteur, le groupe de pression constitué par le monde de la finance et des sociétés multinationales « a désormais d’innombrables relais au sein de l’appareil d’Etat ».
« Les lobbies contre la démocratie »
Jean-Michel Quatrepoint remarque que la défense des intérêts du monde financier exerce une influence de plus en plus prégnante sur les autorités politiques américaines. Entre 1990 et 2010, 2,3 milliards de dollars ont été dépensés à ce titre. La commission parlementaire du Congrès sur les Services financiers, qui compte le plus de membres, est la plus sensible aux pressions, initiant des textes comme la « tax holiday » (2004) dont les effets sont loin de répondre aux promesses de ses instigateurs et bénéficiaires. Aux termes de cette disposition fiscale, les capitaux correspondant aux bénéfices réalisés hors du territoire national pouvaient être transférés à la société mère, c’est à dire aux Etats-Unis, moyennant le paiement d’une taxe d’un faible montant (5,5%). En contrepartie, les sociétés s’engageaient à investir localement et à créer des emplois. En fait, l’essentiel des montants a été redistribué aux actionnaires et dès l’année suivante, les entreprises concernées ont repris le mouvement d’implantations à l’étranger y laissant les bénéfices perçus.
Face à cette prééminence d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général par le jeu des influences et des pressions, Jean-Michel Quatrepoint marque son pessimisme quant à l’évolution à venir. En effet, la Cour suprême a autorisé « les entreprises à financer directement des campagnes publicitaires pour les élections » lesquelles campagnes sont de plus en plus coûteuses.
« Un modèle en bout de course »
La crise financière, étendue dans ses conséquences aux domaines économique et social, débouche sur une mise en cause de l’aptitude des dirigeants politiques à déterminer les solutions. Cette défiance à l’égard du pouvoir de Washington et, plus largement, vis-à-vis d’élites incapables de faire prévaloir le bien commun qui donnerait ainsi un sens à leur action, est incarnée par des mouvements comme le « Tea Party » et les Indignés. Une telle évolution touche « bien des pays occidentaux » à un moment où le modèle représenté par le capitalisme occidental, caractérisé par le développement d’une vaste classe moyenne, politiquement dominante et ainsi garante de la démocratie, est contesté.
Ce qui est récusé dans d’autres aires de civilisation n’est pas le principe d’une économie de marché mais le lien entre « la démocratie politique telle qu’elle est entendue depuis Tocqueville et le développement économique ». Ce lien n’est pas la référence aussi bien pour la Chine, dont l’économie prospère sans le corollaire démocratique, que pour « le monde arabo-musulman » où les évolutions en cours au travers « de la montée d’un islamisme dit modéré » témoigne de la recherche d’une voie propre de développement fondée sur « un modèle théocratique » par rapport auquel la femme ou les minorités n’ont pas la même place qu’en Occident.
En soulignant que l’atteinte portée aux valeurs n’est pas sans relation avec la crise présente, l’auteur observe, alors, que si « l’Amérique et plus généralement les Occidentaux » persévéraient à détruire la classe moyenne comme à « démanteler les systèmes de protection sociale », « le pire est à craindre ».
Devant cet ensemble de phénomènes qui atteignent la société américaine dans ses profondeurs et qui affectent une puissance maintenant confrontée à d’autres paradigmes de développement, les Etats-Unis se trouvent au croisement de deux voies possibles, celles du déclin ou de la « résilience ». La première signifie de poursuivre la politique actuelle, dépourvue d’une vision, au gré des pressions d’intérêts particuliers, s’abandonnant au repli. La « résilience » suppose de définir « un nouveau modèle », s’appuyant sur les fondements qui ont constitué l’Amérique mais délaissant toutes les dérives qui l’ont corrodées. Néanmoins, cette Amérique devra se garder de « vouloir l’imposer au reste du monde » car « l’altérité est source de progrès et n’est pas un obstacle aux échanges ».
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Au regard de l’état ainsi brossé de celle qui demeure malgré tout la première puissance économique et militaire du monde, deux questions, au moins, suscitent une réflexion de la part du lecteur de l’article :
- n’est-il pas possible de rétablir sur le territoire national un potentiel de production manufacturière ?L’exemple d’Apple, cité par Jean-Michel Quatrepoint, montre que le déplacement d’activités industrielles vers des pays aux faibles coûts de main-d’œuvre n’est pas une exigence indispensable à la préservation de l’entreprise. En l’occurrence, il ne s’agit que d’assurer un niveau de marge le plus élevé possible. Certes, il ne faut pas en tirer une règle générale applicable en toutes circonstances et négliger les nécessités de développer des implantations locales pour capter des marchés extérieurs. Néanmoins, lorsque le transfert de fabrication voire de sièges sociaux trouve sa justification dans la recherche d’une rentabilité accrue, de commodités juridiques, d’allègements de contraintes sociales, l’Etat, garant de l’intérêt collectif, est fondé à décider de mesures de sauvegarde. Celles-ci peuvent affecter les règles du commerce international, lesquelles, il faut en convenir, ne sont pas réellement respectées par tous leurs souscripteurs. Les mesures à adopter toucheraient, notamment, aux mouvements de capitaux liés aux investissements réalisés à l’étranger et à leurs revenus. Elles devraient avoir un effet direct sur l’équilibre de la balance des paiements. Elles seraient complétées par des dispositions fiscales.
- n’assistons-nous pas à la dissociation entre les intérêts propres du capitalisme américain et le bien commun de la nation ?L’économie est au fondement de l’expansion du modèle américain. Celui-ci, dans la sphère occidentale et au-delà, a attiré et imprégné les esprits par différentes références, influant même sur la langue. Le mouvement de « mondialisation » qui s’inscrit dans cette voie, voulu et initié par une élite dirigeante américaine associant à ses vues celle d’autres pays, principalement en Europe, vise à asseoir, au travers du modèle, liant libéralisme économique et démocratie, une hégémonie assurant la prospérité des Etats-Unis. Mais cette primauté de l’économie, dans son acception la plus libérale et la plus individualiste, a son revers. Les entreprises américaines peuvent croître et s’enrichir hors des frontières nationales et les Américains s’appauvrirent. Le modèle, dans la perspective « d’une société mondiale », illusoire, pourrait demeurer mais sa base territoriale, vaciller. Alors, toutes choses étant égales par ailleurs, comme à l’hellénisme des cités grecques, puissantes et florissantes, succéda un temps hellénistique (5)où seule se maintint l’empreinte de leur civilisation, ne pourrions-nous pas assister a la persistance de l’influence économique et culturelle de l’Amérique cependant que s’éroderait sa puissance politique ?
Michel Leblay
20/06/2012
20/06/2012
Notes :
(1) En réalité, selon le livre de l’Exode, dix plaies furent infligées à l’Egypte afin de convaincre le pharaon de laisser partir le peuple d’Israël. Cependant, il n’est pas rare qu’il soit fait mention des « sept plaies d’Egypte », les sept premières plaies étant décrites dans une division (« parasha ») du livre de l’Exode, les trois dernières dans la division suivante.
(2) Le « Glass-Steagall Act » ou « Banking Act » voté en 1933 » sous la présidence de Roosevelt rendait, notamment, incompatible les activités de banque de dépôts et de banque d'investissement.
(3) Selon James Bradford DeLong, le secteur de la finance et de l’assurance représenterait, aujourd’hui, 8,4% du PIB contre 2,8% en 1950, 3,8% en 1960 et 6% en 1990.
(4) Voir : http://economicsofcontempt.blogspot.fr/2009/03/is-financial-sector-too-big.html
(5) Ruinées par la guerre du Péloponnèse, au Vème siècle avant JC, les cités grecques ont été soumises par Philippe de Macédoine. L’époque « hellénistique » est la période courant du IVème siècle au Ier siècle avant JC, des conquêtes d’Alexandre le Grand jusqu’à l’achèvement de la domination romaine sur le bassin méditerranéen.
(2) Le « Glass-Steagall Act » ou « Banking Act » voté en 1933 » sous la présidence de Roosevelt rendait, notamment, incompatible les activités de banque de dépôts et de banque d'investissement.
(3) Selon James Bradford DeLong, le secteur de la finance et de l’assurance représenterait, aujourd’hui, 8,4% du PIB contre 2,8% en 1950, 3,8% en 1960 et 6% en 1990.
(4) Voir : http://economicsofcontempt.blogspot.fr/2009/03/is-financial-sector-too-big.html
(5) Ruinées par la guerre du Péloponnèse, au Vème siècle avant JC, les cités grecques ont été soumises par Philippe de Macédoine. L’époque « hellénistique » est la période courant du IVème siècle au Ier siècle avant JC, des conquêtes d’Alexandre le Grand jusqu’à l’achèvement de la domination romaine sur le bassin méditerranéen.
POLITIQUE INTERNATIONALE N° 134 - HIVER 2012
LES SEPT PLAIES DE L'AMERIQUE D'OBAMA
Article de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste
LES SEPT PLAIES DE L'AMERIQUE D'OBAMA
Article de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste
Correspondance Polémia – 26/06/2011
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