Une étude de l’équipe Synopsis
Aristote disait que les corps finissaient toujours par retomber dans leur milieu naturel. Peut-être en est-il ainsi de la politique africaine de la France au Mali. Dans ce cadre, comment donner toutes ses chances à l’intervention française du 10 janvier 2013 ?
3 mn pour comprendre les enjeux énergétiques
Aristote disait que les corps finissaient toujours par retomber dans leur milieu naturel. Peut-être en est-il ainsi de la politique africaine de la France au Mali. Dans ce cadre, comment donner toutes ses chances à l’intervention française du 10 janvier 2013 ?
Afin de priver les islamistes du contrôle de l’uranium sans pour autant accroître les risques de nouvelles violences, il conviendrait de répondre en partie, aux sollicitations des Touaregs. Les deux siècles de présence française au Mali rappellent que les interventions militaires n’auraient pu être fructueuses si elles ne s’étaient appuyées sur d’intenses efforts diplomatiques. Dans le contexte géopolitique nouveau, la France a fait preuve d’une indéniable habileté. Il lui reste à gagner la paix en s’appuyant au nord sur les maîtres séculaires de ces territoires désolés et de mettre en place des structures pour maintenir la paix dans toute la région subsaharienne.
La présence Française à Mopti, un siècle de diplomatie.
La présence française dans la zone du delta intérieur du Niger n’aurait pu perdurer pendant un siècle sans d’intenses efforts diplomatiques. La ville de Mopti, dans laquelle s’entassent les blessés depuis quelques jours, constitue un verrou stratégique vers Tombouctou. René Caillié (1799-1838), qui avait passé huit mois en compagnie des Maures braknas de Mauritanie afin d’être initié à l’arabe et à l’Islam était passé par ce village en 1828. Prétendant être un humble lettré musulman, il remonta ensuite le fleuve Niger en pirogue et fut le premier Européen à entrer à Tombouctou.
Son journal d’un voyage de Tombouctou et à Jenné, publié en 1830, témoigne des conditions très difficiles de pénétration de cette contrée pour les Européens en voyage d’exploration.
A l’époque coloniale, le Mali fut pacifié par le lieutenant-colonel Galliéni, qui raconte dans Deux campagnes au Soudan français, 1886-1888, l’appui décisif apporté par les noirs bambaras. Le royaume animiste bambara fut en effet le dernier à avoir résisté à l’islamisation.
Ces souvenirs étaient encore frais quand se fit la conquête française. En 1891, le lieutenant de vaisseau Caron, secondé par un sous-lieutenant d’infanterie de marine et un médecin, s’arrêta à son tour à Mopti, en descendant le fleuve Niger sur une canonnière afin de rallier les tribus du nord. Depuis l’indépendance du Mali, proclamée le 11 septembre 1960, la France a maintenu son dispositif de coopération militaire. Les forces prépositionnées en Côte d’Ivoire, au Tchad et au Gabon – dont la disparition avait été programmée – se sont révélées indispensables à la montée en puissance militaire effectuée au Mali. En effet, si des raids aériens d’attrition sont nécessaires pour stabiliser la région, rien ne pourra être réglé sans l’engagement au sol de forces aéroterrestres.
Face aux faiblesses du système de sécurité régionale, une intervention souhaitée
L’action militaire décidée par le Chef de l’Etat français les 10 et 11 janvier 2013 invite à deux réflexions majeures concernant les opérations contemporaines. En effet, on pourrait penser que cette intervention, préparée de longue date, correspond au retour d’une politique étrangère classique vis-à-vis de l’Afrique de l’Ouest.
Or, cette action décidée sous la pression des événements (la prise de la ville de Konna le 9 janvier par les islamistes de Ansar Al-Dine), démontre avant tout la faillite – ou à tout le moins les faiblesses – du système de sécurité régionale en Afrique de l’Ouest. Si, en effet, la CEDEAO avait été saisie par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour assurer la stabilité du gouvernement et de l’armée malienne (mais aussi la transition après le coup d’état du début 2012), la planification et la mise en place n’étaient pas prévues avant le mois de septembre 2013.
Les islamistes. Ainsi, face à un système de sécurité régional défaillant, des mouvements extrêmement déterminés illustraient le danger de constitution d’un sanctuaire pour les djihadistes. D’où la tentation de saisir un maximum de gage et de profiter de la faiblesse des institutions maliennes pour s’emparer de Bamako.
Cette opération militaire (baptisée « Serval ») montre également les changements structurels liés aux intérêts et à la configuration stratégique dans cette zone. Il semble ainsi que l’intervention française, qui bénéficie de la caution de l’Algérie, suscite un fort soutien populaire au Mali, ainsi qu’au sein des gouvernements des Etats limitrophes qui participent clairement à l’opération. Au contraire, la position française, plus mesurée, souligne à quel point les réticences occidentales à intervenir pour une longue durée se sont développées durant la dernière décennie.
Dans ces conditions, les obstacles politiques à l’intervention ont été d’autant plus aisément surmontés que la perception des intérêts, des enjeux et des difficultés militaires, est favorable.
La prise de contrôle du site gazier algérien d’In Amenas et la prise d’otage d’une quarantaine d’Occidentaux par des islamistes algériens ont changé radicalement la donne géopolitique régionale et internationale. Les Algériens ont été visés au cœur même de leurs ressources d’hydrocarbures et dans leur crédibilité à assurer la sécurité de leur territoire.
Ils sont désormais dans l’obligation de montrer leur capacité à sécuriser leur frontière Sud et à empêcher leur immense territoire désertique de se transformer en base-arrière de l’islamisme djihadiste, comme le sont les territoires tribaux du Pakistan pour l’Afghanistan. Le département d’Etat américain a réagi d’emblée, à la prise d’otages de leurs sept compatriotes, en affirmant qu’au Mali, « il ne s’agit pas d’une guerre française » ce qui signifie que les Américains souhaitent que leurs alliés occidentaux s’impliquent dans ce conflit.
La présence d’Européens, parmi les otages, sera peut-être l’électrochoc qui incitera très probablement le conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à agir, soit en fournissant des moyens logistiques, soit en engageant des troupes et des moyens de surveillance.
Le conflit malien représente donc un véritable enjeu pour l’Union européenne, celui de la naissance réussie ou avortée d’un acteur européen international. Soit un consensus se dégage parmi les Vingt-sept permettant de confirmer l’émergence d’un « seul » acteur diplomatique et militaire européen, soit il s’ensable dans les intérêts particuliers de chaque nation, ce qui démontrera à la communauté internationale, qu’elle demeure pour longtemps encore un nain politique.
L’affaire d’In Amenas a ainsi permis de construire un consensus large parmi les acteurs régionaux et internationaux. Elle a eu au moins le mérite d’indiquer dans quelles conditions l’intervention militaire française s’est décidée et devrait se dérouler : non pas comme une répétition d’opérations passées dans cette région, mais bien sur un mode s’apparentant davantage à la Libye qu’à l’Afghanistan.
Dans ce contexte, les objectifs politiques et militaires français font sens. Non seulement parce qu’ils demeurent limités (protection des ressortissants, endiguement de l’offensive rebelle, destruction du terrorisme islamiste et encadrement de l’armée malienne) mais également car ils laissent espérer une grande flexibilité opérationnelle. Cette souplesse se traduit également au niveau stratégique, puisque en effet ces objectifs sont pensés sur le court terme (l’arrivée des troupes de la CEDEAO). Mais ils n’interdisent pas des ajustements ultérieurs, vers un engagement de contre-insurrection de longue durée ou un passage à une approche contre terroriste plus classique.
Comment limiter l’influence des groupes islamistes au Mali et établir les conditions durables d’un retour à la paix en Afrique subsaharienne ?
Outre ses potentialités agricoles le Niger constitue une importante source de prospection pour l’uranium.
Les mines d’Arlit et d’Akouta, situées au Niger, à proximité immédiate et dans la zone maîtrisée par les Touaregs, sont exploitées par la société Areva qui en tire 80 000 tonnes d’uranium par an. Ces mines sont menacées par AQMI, cinq Français d’Areva ayant été capturés le 16 septembre 2010. Il est vrai que la région nord du Mali est très anciennement islamisée. Tombouctou a longtemps été interdite aux infidèles et Galliéni comparait cette région désertique à « un vaste couvent où toutes les journées se passent en prière ». Dernier peuple d’Afrique de l’Ouest à avoir été soumis par les Français (1902), les Touaregs, jadis maîtres du sud, ont refusé la scolarisation coloniale. Marginalisés à l’indépendance par les Bambaras, une partie d’entre eux a été massacrée en 1960. Ils jouent aujourd’hui leur revanche.
Dans ces circonstances, faut-il les affronter directement ? La question mérite d’être posée dans la mesure, où la zone qu’ils occupent, est intenable militairement. Nous sommes, en effet, en présence de très petites unités qui refusent le choc frontal et disposent d’un grand espace qui leur donne une profondeur stratégique quasi infinie. Bénéficiant d’une zone de repli, de refuges dans les pays limitrophes du Sahara, de soutiens, de financement des réseaux mafieux et d’armes libyennes, les Touaregs peuvent également compter sur une réserve inépuisable d’hommes jaillis de nulle part. Or, seule une petite fraction d’entre eux a rallié Ansar Dine.
Les Touaregs constituent une confédération de tribus, dont l’alliance est souvent fragile et peut être remise en cause par les intérêts particuliers des tribus. Les Touaregs ont un islam fondé sur le culte des saints et les congrégations religieuses soufies.
L’application brutale d’un islam salafiste (destruction des mausolées des saints) a été très mal vécue par une grande partie de la population touarègue
La région de Mopti est l’une des zones agricoles les plus productives de la planète. On y trouve quantité de poissons et d’oiseaux dont les plumes ornaient les chapeaux des élégantes de la Belle-Epoque.
MLNA. L’application de la charia (amputations) a rendu hostile des familles entières, qui doivent prendre en charge de membres désormais impotents. D’un point de vue politique et militaire, il conviendrait par conséquent de s’appuyer sur le MLNA contre les djihadistes ou contre les clans touaregs ayant choisi le camp des islamistes, comme l’ont d’ailleurs proposé les dirigeants du MNLA aux autorités françaises.
Par la suite, il faudrait envisager de consolider la paix entre le MNLA et le gouvernement de Bamako en proposant une fédération malienne avec une large autonomie des Touaregs. .Cette solution politique risque d’être délicate à négocier, car dans de nombreux pays africains, l’autonomie est source de troubles (Nigeria) ou la première étape vers l’autodétermination (Sud Soudan, Erythrée)… Aujourd’hui, les bambaras sudistes attendent de prendre leur revanche et veulent profiter de la reconquête pour pouvoir perpétrer des exactions sur les Touaregs sous prétexte de soutien au terrorisme islamiste.
La phase de reconquête par l’armée malienne nécessite donc un encadrement par des troupes francophones de la CEDEAO et des unités françaises pour empêcher toute répression. En effet, le MNLA pourrait avoir une réaction de survie et se joindre aux islamistes, ce qui serait catastrophique et empêcherait toute solution pacifique et rapide au conflit. Une solution fédérale malienne au problème touareg risque d’avoir des répercussions sur les pays limitrophes (Algérie, Mauritanie, Niger), qui devront redéfinir leur politique intérieure à l’égard des Touaregs et partager une partie des précieuses ressources du Sahara (gaz, pétrole, uranium). On se retrouve ici dans une configuration très proche de celui du problème kurde, où l’autonomie du Kurdistan au nord de l’Irak a créé des bouleversements en Syrie et en Turquie.
Le problème malien n’est pas uniquement un problème ethnique et de terrorisme international, il révèle la transformation progressive d’Etats africains subsahariens pauvres, corrompus, inefficaces et instables en « zones grises » de transit de tous les trafics (trafics de cigarettes, d’armes, de cocaïne d’Amérique du Sud, de migrants). Les ressources financières générées par ces trafics ont permis au mouvement touareg et aux différents mouvements islamistes d’acquérir un arsenal militaire et une logistique lui permettant de vaincre l’armée régulière d’un Etat. Il faut que la France prenne l’initiative de proposer aux pays de la CEDEAO de mettre fin aux trafics illicites dans la bande sahélienne
Il s’agit de former et d’équiper les douaniers aux lieux de passage aux frontières, de mettre en place un contrôle aérien centralisé à l’échelle régionale des avions en provenance d’Amérique du Sud et d’accroître le contrôle du trafic maritime de conteneurs provenant de ce même continent. En s’attaquant au trafic de drogue international, c’est une partie du financement du terrorisme international et de l’argent de la corruption qui s’assèchera, sources de déstabilisation des pays subsahariens.
Riche de sa longue expérience diplomatique au Mali et des attentes qu’elle a suscitées, la France ne saurait prendre parti dans une guerre séculaire opposant les nomades du nord aux populations sédentaires du sud. Malgré la versatilité des mouvements Touaregs, la récente proposition du MNLA d’aider la France à réduire les djihadistes se présente ainsi comme une opportunité inespérée permettant de rétablir une paix indispensable à la préservation des richesses minières stratégiques de l’Afrique de l’Ouest et de mettre en place, à l’échelle régionale, les conditions durables d’un retour à la paix dans l’Afrique subsaharienne.
Voici une vidéo très intéressante.
En novembre Hollande et Fabius juraient que la France n’interviendrait pas au Mali. Mais plusieurs rapports ont fait état que les civils, non pardon l’uranium était en danger, alors, alors….en cas d’obligation……
3 mn pour comprendre les enjeux énergétiques
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