Se pencher sur la vie de ces deux personnages est éclairant : alors que l’un évoluait dans le faste de la diplomatie française, l’autre continuait à se battre en Indochine puis en Algérie. Dans le même temps, l’un devenait infatigable défenseur de l’immigration, l’autre voyait des populations entières terrorisées à l’idée d’être livrée par la puissance coloniale à Ho-chi-Minh ou au FLN. Leurs destins en furent d’autant différents, bien intégré aux arcanes du pouvoir pour Hessel, pendant que l’autre croupissait dans les geôles de la République pour avoir voulu rester fidèle à son honneur de soldat. Nous touchons ici à ce qui a marqué un tournant dans la définition de la « vertu » à la française. Défendre la patrie n’est plus vertueux, défendre l’universalisme, si. Défendre ses convictions profondes, chercher dans chaque instant de la vie une transcendance laisse de marbre, quand s’engager sur les terrains sociaux et sociétaux fait de vous un héros. Les deux hommes ont abondamment écrit, mais seul Hessel a connu un succès planétaire, Hélie de Saint-Marc, lui ne peut être évoqué sans polémiques.
La mémoire de France sur ces années de résistance et sur les actions qui ont suivi est encore à vif, et c’est avec un certain pincement au cœur que je vois qui est honoré et qui ne l’est pas, qui sont les héros à suivre, et ceux qu’on laisse le temps balayer. Parmi ces nombreux résistants qui ont servi dans l’armée après-guerre, peu peuvent être évoqués sans créer d’indignation, miroir d’une France qui a honte d’elle-même, et qui ne sait porter sur son Histoire qu’un regard critique et désabusé.
Je doute qu’à sa mort, le commandant de Saint-Marc ait droit aux mêmes honneurs, et à autant de publicité. Pourtant, jeune homme dans la vingtaine que je suis, ses témoignages et ses écrits ont autant fait de moi un homme que les écrits de Hessel ont influencé une autre part de ma génération : « les Indignés ». En mon for intérieur, l’exemple de Saint-Marc m’a appris à rester digne en toutes circonstances, et c’est là ma silencieuse fierté, chaque jour de ma vie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire