vendredi 1 mars 2013

Hessel : il y a les bons résistants… et les mauvais !

Anthony
Coutret
Chercheur en Histoire & Sciences politiques.
Impossible d’échapper au décès de Stéphane Hessel… Un éloge funèbre à l’échelle de la sphère médiatique. Il n’y a rien à redire pour ce qui est de rendre hommage à un grand résistant, mais quelle ne fut ma surprise de trouver une liste de noms de grands résistants encore en vie dans laquelle je relevai quelques cruelles absences. Nulle trace, par exemple, d’Hélie de Saint-Marc. Entaché de sa participation au putsch d’Alger, on se fait discret pour parler de l’ancien commandant de la Légion étrangère. Quoique l’on parle de la Résistance (avec « R » majuscule) comme un bloc homogène tel que le général de Gaulle s’est efforcé de le décrire, force est d’admettre que certains résistants restent plus fréquentables que d’autres.
Se pencher sur la vie de ces deux personnages est éclairant : alors que l’un évoluait dans le faste de la diplomatie française, l’autre continuait à se battre en Indochine puis en Algérie. Dans le même temps, l’un devenait infatigable défenseur de l’immigration, l’autre voyait des populations entières terrorisées à l’idée d’être livrée par la puissance coloniale à Ho-chi-Minh ou au FLN. Leurs destins en furent d’autant différents, bien intégré aux arcanes du pouvoir pour Hessel, pendant que l’autre croupissait dans les geôles de la République pour avoir voulu rester fidèle à son honneur de soldat. Nous touchons ici à ce qui a marqué un tournant dans la définition de la « vertu » à la française. Défendre la patrie n’est plus vertueux, défendre l’universalisme, si. Défendre ses convictions profondes, chercher dans chaque instant de la vie une transcendance laisse de marbre, quand s’engager sur les terrains sociaux et sociétaux fait de vous un héros. Les deux hommes ont abondamment écrit, mais seul Hessel a connu un succès planétaire, Hélie de Saint-Marc, lui ne peut être évoqué sans polémiques.
La mémoire de France sur ces années de résistance et sur les actions qui ont suivi est encore à vif, et c’est avec un certain pincement au cœur que je vois qui est honoré et qui ne l’est pas, qui sont les héros à suivre, et ceux qu’on laisse le temps balayer. Parmi ces nombreux résistants qui ont servi dans l’armée après-guerre, peu peuvent être évoqués sans créer d’indignation, miroir d’une France qui a honte d’elle-même, et qui ne sait porter sur son Histoire qu’un regard critique et désabusé.
Je doute qu’à sa mort, le commandant de Saint-Marc ait droit aux mêmes honneurs, et à autant de publicité. Pourtant, jeune homme dans la vingtaine que je suis, ses témoignages et ses écrits ont autant fait de moi un homme que les écrits de Hessel ont influencé une autre part de ma génération : « les Indignés ». En mon for intérieur, l’exemple de Saint-Marc m’a appris à rester digne en toutes circonstances, et c’est là ma silencieuse fierté, chaque jour de ma vie.

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