Michel Garroté – Personnellement, je continue de penser que le conflit dit « syrien » oppose chiites et sunnites ; et que par conséquent, le plus réaliste, du point de vue occidental, c’est de contenir ce conflit, sans intervenir. Cela dit, j’admets volontiers qu’Obama aurai pu, à un moment donné, prendre la direction d’une initiative occidentale audacieuse dans ce conflit qui – dois-je le rappeler – implique bien plus l’Iran que la Syrie elle-même.
A ce propos, mon ami de longue date Walid Pharès, conseiller auprès du Congrès américain pour le terrorisme et le Moyen-Orient et conseiller en matière de politique étrangère et de sécurité nationale de Mitt Romney, écrit notamment (extraits ; cf. lien en bas de page) : « Pourquoi l’administration Obama n’a-t-elle pas agi fermement et de façon stratégique sur la question syrienne, quand bien même elle aurait pu profiter d’un soutien européen – surtout français –, turc et arabe ? La raison principale qui a freiné une telle action – raison non déclarée, mais généralement admise – réside dans les craintes de la Maison-Blanche de ce qu’elle appelle une escalade régionale. En fait, Assad est un allié du régime iranien et du Hezbollah au Liban, et beaucoup au sein du gouvernement irakien soutiennent discrètement cet axe. Washington craint qu’une action militaire contre la Syrie, sous quelque forme que ce soit, provoque une contre-offensive non pas d’un seul, mais de quatre régimes. Dans le cadre d’une année électorale, comme il apparaît dans l’esprit des stratèges d’Obama, un président en exercice pourrait ne pas vouloir risquer une campagne militaire contre un pays dont le régime fait partie d’une alliance régionale menée par l’Iran. Et comme l’administration n’a aucun plan d’endiguement pour l’Iran, elle se trouve par conséquent incapable de commencer, en Syrie, une série d’actions qui pourraient déboucher sur une confrontation dans le Golfe, en Irak et au Liban, sans compter qu’elle pourrait impliquer Israël à une plus grande échelle ».
Walid Pharès : « Malheureusement, l’incapacité à déboulonner Assad est due à un manque de décision stratégique US concernant l’Iran et le Hezbollah, attitude qui a envoyé un message clair au dictateur syrien : il peut agir en toute impunité au moins jusqu’au 6 novembre, ce qu’il est en train de faire, sans pitié.
L’un des résultats majeurs de cet échec est la croissance spectaculaire du nombre de victimes civiles à l’intérieur de la Syrie : l’on peut voir la mort et le chaos via Internet et YouTube au quotidien. Un autre effet de l’incapacité étatsunienne est l’inquiétante pénétration par des réseaux jihadistes armés de l’opposition en Syrie. Bien qu’à une échelle réduite, les partisans d’el-Qaëda ont revendiqué des victoires tactiques contre le régime, convainquant un plus grand nombre d’islamistes de rejoindre leurs rangs. À l’origine libéral et laïque, le directoire de l’opposition est désorienté entre l’absence de décision de l’Ouest et la brutalité du régime. Pendant ce temps, les pro-Iraniens se renforcent en Irak et les partisans du régime syrien passent à l’action contre la coalition pro-occidentale du 14 Mars au Liban ».
Walid Pharès : « En bref, l’administration Obama a malheureusement échoué à venir à la rescousse d’une population menacée par un allié de l’Iran. Certains font remarquer que cela pourrait être une politique, plutôt qu’une absence de politique, qui évoque en nous l’attitude envers les manifestants iraniens en juin 2009. Des observateurs suggèrent ainsi qu’une doctrine Obama non déclarée pour le Moyen-Orient souhaite laisser l’Afrique du Nord aux Frères musulmans et le Levant à l’influence iranienne ».
Walid Pharès : « On peut espérer que Washington change rapidement d’orientation dans sa politique au Moyen-Orient, en improvisant une stratégie qui produirait un affaiblissement d’Assad et un renforcement progressif de l’opposition, tout en s’assurant que le camp laïque et libéral dans les rangs des rebelles reçoive la plus grande partie du soutien. L’élaboration d’une telle stratégie est-elle aujourd’hui envisagée ? Les plans d’urgence existent toujours à Washington, mais la question qui se pose est celle de la décision politique. Existe-t-elle ? Si nous ne voulons pas voir les Syriens souffrir de manière irréversible jusqu’à ce que les élections soient terminées aux États-Unis, des pressions réelles doivent être exercées en Amérique et dans le monde entier sur l’administration afin d’initier au moins une campagne alternative pour la protection de la société civile en Syrie.
En résumé, pour que la Syrie soit libérée, Washington doit changer d’orientation. Sinon, il faudra attendre un changement d’administration pour bénéficier de l’alternative Romney à la réticence d’Obama à défier l’Iran, principal soutien de Bachar el-Assad », conclut Walid Pharès (cf. ci-dessous le lien vers la source).
Michel Garroté
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