Le Dr. Bakary Sambe est enseignant chercheur au Centre d’Etudes des Religions (CER), UFR des Civilisations, Religions, Arts et Communication à l'Université Gaston Berger, Saint Louis du Sénégal.
Il publie cet article sous le titre Occupation du Nord-Mali : L’autre vrai paternalisme occulté par Tariq Ramadan, sur le site Dakar Actu. Il dit ses quatre vérités à Ramadan dont il critique avec vigueur le manque de sincérité. Bakary Sambe répond à l'article de Ramadan sur le Mali publié ici.
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A supposer que Tariq Ramadan ait un différend personnel voire politico-idéologique avec la France, cela frôle l’indécence de vouloir régler ses comptes pendant que se déroule sous nos yeux un véritable drame du peuple malien.
Il a saisi cette opportunité pour s’attaquer à la politique africaine de la France dont l’armée s’est mobilisée pour libérer le Nord-Mali à une période cruciale. Sans prendre la défense d’un pays qui a ses choix et ses orientations que nous ne partageons pas totalement, il faut tout de même admettre que si la France n’était pas intervenue, il aurait fallu deux jours de plus pour que les troupes d’occupations sous couvert d’«islamisation»arrivent à prendre Bamako et continuer allègrement leur chemin afin d’instaurer, sur une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, l’émirat «islamique» longtemps rêvé par Mokhtar Belmokhtar.
Pour dire que l’enjeu majeur pour nos pays n’est pas la résurgence de ce discours refuge de Ramadan cherchant habilement à rallier aussi bien la gauche traditionnelle africaine que les néo-islamistes galvanisés par les victoires à demi-teinte des Frères musulmans du Maghreb et de l’Egypte. Peut-être ignorait-il que la nouvelle génération africaine avait dépassé ce débat et se préoccupait plus d’avenir.
L’article de Tariq Ramadan est, certes, intéressant sous plusieurs aspects, y compris, la critique du suivisme intellectuel de nos élites et de la faiblesse de nos Etas et régimes qui ont fait qu’avec tout le poids historico-symbolique, nous ayons encore besoin de la France pour libérer le Nord du Mali. Mais, je reste persuadé que François Hollande, sous le feu des critiques de la presse française et d’une certaine opinion, avait tellement à faire en politique intérieure qu’il se serait bien passé d’une guerre dans un contexte aussi morose.
La réflexion de Tariq Ramadan serait plus complète et crédible s’il avait, avec la même vigueur, dénoncé le processus historique et les constructions idéologiques qui amenèrent Ansar Dine et ses membres à s’attaquer au patrimoine de Tombouctou. Mais, il n’a pas pu ou voulu dénoncer avec la même vigueur cet impérialisme idéologique des pays et organisations du monde arabe qui, sous couvert d’islamisation de l’Afrique, financent et appuient des mouvements et ONG remettant, aujourd’hui, en cause l’existence même de l’Etat malien. Et, on peut légitimement se demander, à qui le tour demain ?
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