Des trois étapes essentielles installant la Modernité nous éluderons le XIIIe siècle et le XVIe siècle en relevant toutefois que ces deux époques sont des Ages d’or succédant à des périodes troublées. Ainsi, le XVIe siècle conclut une période dominée par les grandes pestes qui décimèrent la population européenne. La période que nous vivons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est aussi un Age d’or. Aucune guerre, épidémie ou famine n’est venue dévaster l’Europe. Les hécatombes de la guerre de 1914-1945, les épidémies comme la grippe espagnole de 1919 ou la crise économique de 1929 relèvent de l’Histoire pour l’immense majorité d’entre nous qui n’a connu que la prospérité. Nous laisserons aux historiens le soin d’exposer pourquoi le XIIIe siècle et le XVIe siècle sont à ranger dans la catégorie des Ages d’or. Concentrons-nous sur la deuxième moitié du XXe siècle. Cette prospérité commence dans des conditions politiques où l’Europe est dominée par les deux porteurs de la Modernité : les USA capitalistes à l’ouest, l’URSS socialiste à l’est.
Le 14 juin 1940, le général allemand Rommel, à la tête de ses chars, faisait près de 260 km en une journée en Normandie. En face, il n’y avait plus rien. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale à l’origine du Front populaire de 1936 confiait les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour gérer la débâcle. La classe dirigeante française fut ébranlée par ce séisme, elle qui avait participé à la régence du monde après 1918.
Le 6 juin 1944, le débarquement américain en Normandie eut comme conséquence de décapiter définitivement ce qui en restait après la débâcle de 1940. L’Epuration et la diffusion de listes d’infamie créèrent des vides au sommet de la hiérarchie sociale. Ceux-ci furent comblés à l’issue d’un processus méritocratique encadré par des protagonistes ayant fait allégeance au vainqueur. Puis, ce furent les Trente Glorieuses au cours desquelles le territoire français connut un bouleversement sans précédent. Géographique, avec la fin d’une France millénaire structurée par la paysannerie. L’exode rural vida les campagnes ; de rurale, la France devint urbaine. Social, avec un baby-boom entre 1945 et 1955. Ce sont ces enfants qui rompirent avec la France traditionnelle pour l’engager dans le matérialisme bourgeois. Le modèle politique qui s’impose repose sur la reconstruction, puis le développement. C’est au nom de ce développement que fut organisée l’arrivée massive de populations allogènes en Europe de l’Ouest, particulièrement en France et au Royaume-Uni dont les réservoirs issus de leurs empires éclatés ne cessaient de croître. Jusqu’alors les migrations ne concernaient que des peuples européens. L’américanisation est depuis irrépressible. Seule l’Europe de l’Est, dominée par l’URSS, échappa à cette politique. Depuis sa disparition, l’américanisation de l’Europe s’étend vers l’Est. Portée par toutes les institutions créées depuis, cette américanisation a assuré la paix et la prospérité dans un espace européen chroniquement affecté par la guerre et la misère. Chacun y succombe et accepte volontiers cette tutelle car, pour l’immense majorité, « on vit bien ».
Pour savoir où tout cela nous conduit et comment cela s’organise, regardons l’Amérique. Le déploiement de son modèle politique à l’ensemble du monde s’appelle désormais « la Mondialisation ». Le stade ultime de la Modernité, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, est une ploutocratie mondialisée garante de l’optimisation du bonheur collectif. La Mondialisation est le terme nuancé pour décrire l’américanisation de l’écosphère.
Alors que la crise financière de l’automne 2008 commençait, le président de la Banque centrale européenne, interrogé sur son origine, reconnaissait, sûr de lui, que le monde que lui et ses semblables cherchaient à édifier souffrait encore de quelques imperfections. Cette crise allait contribuer à les révéler et à les résoudre. Quel monde est-il donc envisagé ? Qui le construit ? Cette opacité sur la finalité du processus engendre rumeurs et fantasmes incessants, pourtant le but apparaît de plus en plus évident pour une multitude. Nous assistons à un processus d’américanisation du Monde uni par un même modèle politique, relayé par les bourgeoisies locales que les Etats-Unis ont promues. Le développement est le but et le moyen d’accéder au stade ultime.
Plusieurs références sont indiscutables. Deux ont déjà été évoquées : le Paradis, les USA. Se pose alors la question de l’identité et des motivations des protagonistes les plus actifs et de leur vision du monde. Une certitude s’impose alors : l’ambition ultime de la Modernité est d’artificialiser les écosystèmes, c’est-à-dire sortir l’Homme, conçu comme Unité, des contingences imposées par l’état naturel. La production de biens, matériels ou immatériels, est donc le but absolu. Cela s’appelle le Développement ; hier, la Civilisation. L’artificialisation de l’écosphère permet alors le découplage de l’Homme et de la Nature. Capitalistes et socialistes s’accordent sur la dissociation Homme/Nature, mais il y a divergence sur le mode d’appropriation des moyens de subsistance. Au nom de l’efficacité, pour les capitalistes, tout doit être fait pour favoriser le triomphe des intérêts privés ; pour les socialistes, ces moyens d’existence doivent être collectivisés. Les premiers ont gagné. Le pôle socialiste a implosé en 1991, les plus radicaux des capitalistes envisageant une Fin de l’Histoire (Fukuyama) par la réalisation d’un Nouvel Ordre mondial (George H.W. Bush). Tout ce qui s’oppose à cette promesse de l’Eden est alors éliminé. La certitude de participer à l’augmentation du bonheur collectif est ancrée dans leurs esprits. Les capitalistes se conçoivent, sous la protection armée des Etats-Unis, comme la classe dirigeante de nos sociétés ploutocratiques. Le triomphe du marché comme espace d’arbitrage des conflits est le but et le moyen de réaliser ce Paradis où les antagonismes de classes, de races, de nations, etc., auront disparu au profit du bien-être matériel garanti par cette élite capitaliste dans un monde unifié par une gouvernance mondiale. L’espérance du profit, donc l’enrichissement, est la ruse de l’Histoire pour amener des individus à réaliser cette entreprise collective. La Mondialisation est alors le but de toute politique. La combattre est un crime assimilable à ceux commis par les plus réactionnaires des ennemis du peuple. Tout ceci est fait et pensé au nom de la Modernité envisagée comme le paradigme inaliénable de la noosphère. Aussi, ce n’est plus le bonheur ou la prospérité de tel ou tel peuple qui importe, mais l’augmentation générale de la quantité de biens et de services accessibles au plus grand nombre. C’est l’esprit guidant une mondialisation heureuse, sacrifiant parfois un peu de confort chez les uns pour l’augmenter sensiblement chez les autres. (…). L’augmentation du bonheur collectif en est la justification.
Bien évidemment, les critiques fusent pour contester cette suprématie politique autoproclamée vertueuse. Ecologistes, philosophes, nationalistes, religieux, etc., sont en embuscade pour sortir du bois le jour où la fatuité de ces promesses s’imposera à tous. Déjà les premières failles ne cessent de s’agrandir. Tradition et PostModernité s’associent alors pour construire un discours alternatif. L’Ecologie comme science politique s’impose à l’interface de ces deux courants.
Le 14 juin 1940, le général allemand Rommel, à la tête de ses chars, faisait près de 260 km en une journée en Normandie. En face, il n’y avait plus rien. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale à l’origine du Front populaire de 1936 confiait les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour gérer la débâcle. La classe dirigeante française fut ébranlée par ce séisme, elle qui avait participé à la régence du monde après 1918.
Le 6 juin 1944, le débarquement américain en Normandie eut comme conséquence de décapiter définitivement ce qui en restait après la débâcle de 1940. L’Epuration et la diffusion de listes d’infamie créèrent des vides au sommet de la hiérarchie sociale. Ceux-ci furent comblés à l’issue d’un processus méritocratique encadré par des protagonistes ayant fait allégeance au vainqueur. Puis, ce furent les Trente Glorieuses au cours desquelles le territoire français connut un bouleversement sans précédent. Géographique, avec la fin d’une France millénaire structurée par la paysannerie. L’exode rural vida les campagnes ; de rurale, la France devint urbaine. Social, avec un baby-boom entre 1945 et 1955. Ce sont ces enfants qui rompirent avec la France traditionnelle pour l’engager dans le matérialisme bourgeois. Le modèle politique qui s’impose repose sur la reconstruction, puis le développement. C’est au nom de ce développement que fut organisée l’arrivée massive de populations allogènes en Europe de l’Ouest, particulièrement en France et au Royaume-Uni dont les réservoirs issus de leurs empires éclatés ne cessaient de croître. Jusqu’alors les migrations ne concernaient que des peuples européens. L’américanisation est depuis irrépressible. Seule l’Europe de l’Est, dominée par l’URSS, échappa à cette politique. Depuis sa disparition, l’américanisation de l’Europe s’étend vers l’Est. Portée par toutes les institutions créées depuis, cette américanisation a assuré la paix et la prospérité dans un espace européen chroniquement affecté par la guerre et la misère. Chacun y succombe et accepte volontiers cette tutelle car, pour l’immense majorité, « on vit bien ».
Pour savoir où tout cela nous conduit et comment cela s’organise, regardons l’Amérique. Le déploiement de son modèle politique à l’ensemble du monde s’appelle désormais « la Mondialisation ». Le stade ultime de la Modernité, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, est une ploutocratie mondialisée garante de l’optimisation du bonheur collectif. La Mondialisation est le terme nuancé pour décrire l’américanisation de l’écosphère.
Alors que la crise financière de l’automne 2008 commençait, le président de la Banque centrale européenne, interrogé sur son origine, reconnaissait, sûr de lui, que le monde que lui et ses semblables cherchaient à édifier souffrait encore de quelques imperfections. Cette crise allait contribuer à les révéler et à les résoudre. Quel monde est-il donc envisagé ? Qui le construit ? Cette opacité sur la finalité du processus engendre rumeurs et fantasmes incessants, pourtant le but apparaît de plus en plus évident pour une multitude. Nous assistons à un processus d’américanisation du Monde uni par un même modèle politique, relayé par les bourgeoisies locales que les Etats-Unis ont promues. Le développement est le but et le moyen d’accéder au stade ultime.
Plusieurs références sont indiscutables. Deux ont déjà été évoquées : le Paradis, les USA. Se pose alors la question de l’identité et des motivations des protagonistes les plus actifs et de leur vision du monde. Une certitude s’impose alors : l’ambition ultime de la Modernité est d’artificialiser les écosystèmes, c’est-à-dire sortir l’Homme, conçu comme Unité, des contingences imposées par l’état naturel. La production de biens, matériels ou immatériels, est donc le but absolu. Cela s’appelle le Développement ; hier, la Civilisation. L’artificialisation de l’écosphère permet alors le découplage de l’Homme et de la Nature. Capitalistes et socialistes s’accordent sur la dissociation Homme/Nature, mais il y a divergence sur le mode d’appropriation des moyens de subsistance. Au nom de l’efficacité, pour les capitalistes, tout doit être fait pour favoriser le triomphe des intérêts privés ; pour les socialistes, ces moyens d’existence doivent être collectivisés. Les premiers ont gagné. Le pôle socialiste a implosé en 1991, les plus radicaux des capitalistes envisageant une Fin de l’Histoire (Fukuyama) par la réalisation d’un Nouvel Ordre mondial (George H.W. Bush). Tout ce qui s’oppose à cette promesse de l’Eden est alors éliminé. La certitude de participer à l’augmentation du bonheur collectif est ancrée dans leurs esprits. Les capitalistes se conçoivent, sous la protection armée des Etats-Unis, comme la classe dirigeante de nos sociétés ploutocratiques. Le triomphe du marché comme espace d’arbitrage des conflits est le but et le moyen de réaliser ce Paradis où les antagonismes de classes, de races, de nations, etc., auront disparu au profit du bien-être matériel garanti par cette élite capitaliste dans un monde unifié par une gouvernance mondiale. L’espérance du profit, donc l’enrichissement, est la ruse de l’Histoire pour amener des individus à réaliser cette entreprise collective. La Mondialisation est alors le but de toute politique. La combattre est un crime assimilable à ceux commis par les plus réactionnaires des ennemis du peuple. Tout ceci est fait et pensé au nom de la Modernité envisagée comme le paradigme inaliénable de la noosphère. Aussi, ce n’est plus le bonheur ou la prospérité de tel ou tel peuple qui importe, mais l’augmentation générale de la quantité de biens et de services accessibles au plus grand nombre. C’est l’esprit guidant une mondialisation heureuse, sacrifiant parfois un peu de confort chez les uns pour l’augmenter sensiblement chez les autres. (…). L’augmentation du bonheur collectif en est la justification.
Bien évidemment, les critiques fusent pour contester cette suprématie politique autoproclamée vertueuse. Ecologistes, philosophes, nationalistes, religieux, etc., sont en embuscade pour sortir du bois le jour où la fatuité de ces promesses s’imposera à tous. Déjà les premières failles ne cessent de s’agrandir. Tradition et PostModernité s’associent alors pour construire un discours alternatif. L’Ecologie comme science politique s’impose à l’interface de ces deux courants.
Frédéric Malaval
22/02/2013
Ecoracialisme (5) - La réalisation politique de la Modernité en France
22/02/2013
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