La première conférence de génération de forces pour le déploiement de la mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali) n’a pas été un échec. Loin de là. De nombreux Etats membres ont fait des propositions intéressantes. Et pas seulement les “habitués” des missions européennes…
Tous… ou presque : l’est, le sud, le nord ont répondu présent !
Les pays d’Europe de l’Est ont ainsi quasiment tous fait une proposition. La république Tchèque, la Hongrie, la Roumanie comme la Pologne ou la Slovénie étaient du nombre. Les Roumains ont d’ailleurs averti qu’ils avaient commencé à sélectionner des officiers francophones. Les “petits” pays (Luxembourg, Chypre, Lituanie, Lettonie, Estonie) ont aussi répondu présent, proposant qui un, qui deux officiers, voire plusieurs (l’Estonie). Les pays nordiques – Finlande, Suède + Norvège (qui n’est pas membre de l’UE) – ont fait une proposition groupée. Ce qui est intelligent. L’Irlande, pays neutre, déjà bien engagée dans la mission EUTM Somalie, a tenu à proposer une équipe. Idem pour la Grèce et le Portugal, aux prises avec des coupes budgétaires drastiques. Plusieurs pays (Espagne, Pologne, Royaume-Uni) ont augmenté leur effectif par rapport à leur première proposition et l’Allemagne malgré la réserve constitutionnelle a fait une première proposition. Il n’y avait ainsi que très peu d’absents dans ce premier tour…
La Belgique “absente” : un pataquès gouvernemental ?
Quelques pays cependant n’ont fait pour l’instant aucune proposition officielle notamment la Belgique. Ce qui est étonnant quand on connait la propension belge à participer à ce type de missions. Apparemment il s’agirait plutôt d’un petit problème de “tuyauterie gouvernementale”. Le soutien logistique à l’opération Serval a été fait très rapidement, par Pieter de Crem, le ministre de la Défense. Trop rapidement apparemment même. Car certains ministères n’ont pas été mis dans la boucle. Il se murmure que Reynders serait un peu fâché de l’impétuosité de De Crem. Mais le coup de “calcaire” digéré, cela devrait rentrer dans l’ordre…
Les Pays-Bas : beaux parleurs mais radins
Autre absent : les Pays-Bas. Un pays qui « pinaille sur tous les détails mais ne propose pas grand chose » précise un expert du dossier. Apparemment la Haye ne se sent pas très concerné par le Sahel. Le directeur de Centre for Strategic Studies néerlandais, Rob de Wijk s’en inquiétait d’ailleurs, vendredi. « Plus que l’Irak et l’Afghanistan, le Mali représentait un «testcase » pour l’Europe, écrit-il dans le quotidien Trouw vendredi. « Dans le Sahel, la situation est grave et déstabilise réellement l’ensemble de l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ce qui a des implications majeures pour la sécurité de l’Europe. Les Français l’ont bien compris. »
Les “slots” formation et Etat Major en passe d’être remplis
Au résultat, selon une première évaluation, la plupart des fonctions à l’Etat-Major semblent remplies. Et nombre de “slots” d’équipes de formation ont, face à eux, une proposition voire plusieurs. Le problème est d’ajuster maintenant les propositions aux besoins… Le problème reste dans deux domaines essentiellement : la “force protection”, le soutien médical (role 2) et l’évacuation médicale. On frise là le ridicule.
La Force une question d’essence de la mission
La “force protection” c’est environ 165 hommes, selon mes informations. Et aucun Etat n’a osé encore faire des propositions (mis à part une petite proposition polonaise de détection des explosifs improvisés IED). Chacun se réfugiant derrière la France. Or si l’hexagone a fait une proposition de 90 hommes (formateurs et Etat-Major), il n’entend pas assumer la “force protection”, estimant être déjà bien engagé sur place. C’est aussi une question de visibilité. S’il y a mission européenne, elle doit être protégée par des Européens et pas par des Français qui auront juste ajouté un badge bleu à leurs tenues kakis. Les Européens doivent être visibles. C’est une question d’essence même de la mission, de solidarité opérationnelle et de politique. Sinon on aura beau jeu de dénoncer une “opération française”.
Les Weimar + jouent les vierges effarouchées
Aucun des Weimar (Allemagne, Pologne, Espagne, Italie…) n’a fait de proposition vraiment ambitieuse. Il y a des (bonnes) raisons politiques pour cela : les élections en Italie et bientôt en Allemagne, la crise en Italie et en Espagne, la restructuration des armées en cours en Pologne et en Allemagne, l’obligation d’obtenir au préalable l’autorisation du Parlement en Allemagne, et les restrictions budgétaires partout. C’est sur. Les Espagnols ont été sollicités, selon mes informations, les Polonais également. Mais ce pourraient être également les Italiens. L’Espagne comme l’Italie ont en effet posé candidature pour le poste de numéro 2 de la mission. Et il est de tradition – comme l’a rappelé à B2 un officier impliqué dans le dispositif – que « le poste de numéro deux de la mission aille à celui qui fait une proposition décisive ».
L’Allemagne en mode mineur
On est surtout frappé par le très faible engagement de Berlin en hommes : 40 selon la première proposition. Soit pas plus que Madrid ! C’est bien bien faible pour une Nation qui prétend jouer une rôle de premier plan en Europe, qui a engagé en Afghanistan près de 4000 hommes, était déjà présent au Mali pour entraîner les forces maliennes (avant le coup d’Etat) et n’a pas vraiment de difficultés budgétaires (du moins largement moins que l’Espagne ou l’Italie). Déjà pour le soutien à l’opération Serval, les Allemands avaient fait le “service minimum”, proposant juste 2 Transall C160 (*), soit moins que les Belges ! qui ont proposé en plus des hélicoptères. Un spécialiste européen que j’ai consulté n’est pas très étonné par cette timidité allemande. «Déjà quand on discutait des risques au Sahel, il y a quelques années, un spécialiste du BND (les services de renseignement allemands) était venu nous expliquer que, après tout, dans le Sahel, ce n’était pas une question de terrorisme, mais juste du grand banditisme ». Pour un gouvernement qui prétend jouer un rôle de premier plan en Europe (prônant l’Union politique) et même en Afrique (2e exportateur de l’UE après la France à laquelle elle pourrait ravir la première place), il y a plus qu’un problème…
Un faible engagement incompréhensible et illisible
Cette timidité est d’autant plus incompréhensible… que le soutien politique à l’opération française Serval et à la mission EUTM est affirmé et maintes fois répété. Il n’y a pas sur ce sujet de grandes dissensions politiques contrairement à d’autres (Libye, Syrie, Palestine…). Et que le risque opérationnel est tout de même “mesuré”. Le risque de cette “force protection” est ainsi largement atténué depuis l’intervention française. Car il y a nombre de soldats disponibles, de forces de réserves opérationnelles le cas échéant s’il y a un problème. De plus, le camp concerné n’est plus en première ligne, à Markala, mais à Koulikoro, beaucoup plus proche de Bamako, et plus facilement sécurisable. Quant à l’absence de proposition sur le rôle 2, elle est encore plus incompréhensible. Apporter du soutien médical est quand même on ne peut plus “soft”. De plus certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie se sont fait une spécialité de ce type de capacité. L’Italie particulièrement, a développé un projet au sein de l’Agence européenne de défense et a un candidat pour le numéro 2 de la mission, aurait dû se positionner sur ce poste.
Une question de logique
Cette absence d’engagement déterminé n’est pas anormale. Mais à mettre en résonance avec les précédentes déclarations des uns et des autres, on se demandera vraiment où est l’Europe ? Et si l’engagement européen des Weimar + n’est pas juste du vent, destiné à amuser la galerie ? Si, mardi prochain, lors de la génération de force, les “Weimar +” n’arrivent pas avec une proposition structurée, voire commune comme l’ont fait les Nordiques, pour le soutien médical et la force protection, effectivement on pourra se poser une question de à quoi servent les armées européennes et les grandes déclarations politiques….
A suivre sur Le Club de B2 : davantage de détails sur les propositions des Etats membres
(*) C’est la proposition officielle. L’aviation de transport allemande est, en effet, en pool avec l’aviation française. Et certains mouvements, par exemple, sur le sol européen ou même africain ne requièrent normalement pas d’autorisation du niveau politique tant qu’elle entre dans les règles prédéfinies – pas d’engagement dans une zone de combat notamment.
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