Nombre d’analystes des grands médias tentent de trouver un sens à ce qui se passe présentement en Egypte. Ils parlent de l’échec des Frères musulmans et de Mohamed Morsi, de la rébellion de la rue égyptienne. Certains parlent même d’un élan laïc et modéré. Rien ne leur servira décidément de leçon.
Ce qui se passe en Egypte présentement est la continuation directe de ce qui s’est passé lors de la chute d’Hosni Moubarak.
La chute d’Hosni Mubarak n’est pas née d’une quête de démocratie au sein du peuple égyptien. Elle n’est pas née d’une volonté de liberté face à une dictature.
Elle est née des dysfonctionnements économiques du pays, qu’Hosni Moubarak tentait de réparer, très imparfaitement, parce qu’il était dans un système étatique paralysé par le poids de l’armée, du clientélisme, de l’omniprésence bureaucratique et du fatalisme islamique.
Elle s’est trouvée accomplie parce que le fatalisme islamique s’est changé en colère générique, et parce que l’administration Obama l’a voulue et a imaginé qu’une Egypte aux mains des islamistes serait une Egypte obtenant ce que le peuple égyptien souhaitait.
La chute d’Hosni Moubarak a eu lieu. Les Frères musulmans sont arrivés au pouvoir. Avec la bénédiction d’Obama et l’aide financière des Etats-Unis.
Les dysfonctionnements économiques, comme on pouvait s’y attendre, se sont accentués, jusqu’au cataclysme. Le système étatique est plus paralysé encore qu’il était au temps d’Hosni Moubarak.
Le poids de l’armée n’a pas diminué : Morsi l’a juste rendue plus islamique. Le clientélisme n’a pas reflué : il a juste, pour partie, changé de mains. L’omniprésence bureaucratique est plus inepte : car les bureaucrates mis en place par les nouveaux tenants du pouvoir sont eux-mêmes plus ineptes.
La colère générique a paru, un temps, se calmer parce que les Frères musulmans ont donné l’illusion qu’ils étaient porteurs d’une solution magique.
Elle n’était qu’un feu qui couvait. Le feu est à nouveau un plein brasier.
Aucunement un recul de l’islam et de l’islamisme
Les Frères musulmans sont rejetés parce qu’ils n’ont pas apporté de solution magique, mais cela ne signifie aucunement un recul de l’islam et de l’islamisme. Morsi est détesté parce qu’il est l’incarnation de l’échec des Frères musulmans.
Le mouvement de 2011, Kifaya (« il y en a marre »), a été remplacé par le mouvement d’aujourd’hui, Tamarod (« rebelle »), cela fait peu de différence.
L’armée reste le seul recours, le seul garant d’un ordre possible. Mais elle constituerait un recours très provisoire désormais. Vraiment très provisoire.
Obama détesté, ses portraits brûlés
Obama et les Etats Unis sont détestés, parce qu’Obama a soutenu les Frères musulmans et Mohamed Morsi. Et les drapeaux américains, les portraits d’Obama ont été brûlés aussi souvent que les portraits de Mohamed Morsi dans les rues du Caire.
Israël, bien sûr, reste toujours aussi détesté. On a vu dans les rues du Caire, des portraits de Mohamed Morsi incrustées sur un drapeau israéliens, puis brûlés en même temps que le drapeau israélien.
Si, comme c’est possible, voire probable, l’armée reprend le contrôle du pays, le calme reviendra, mais sera éphémère. Sinon ce sera un chaos comme on n’en a pas connu depuis longtemps sur la surface de la planète.
L’Egypte ne sera pas plus libre et plus démocratique demain.
Elle est en train de s’écrouler. Rien ni personne, en fait, ne peut plus financer les déficits abyssaux qui se creusent, réparer ce qui est brisé, car presque tout est brisé.
L’Egypte est en train de devenir un « failed State », un Etat failli. Comme la Somalie, par exemple. La différence étant que la Somalie est un pays plus petit et plus insignifiant.
L’Egypte aurait besoin d’une perfusion financière d’un minimum évalué à vingt milliards de dollars par an pour ne pas sombrer totalement. Les moyens financiers de tous pays du monde musulman qui ont encore des moyens ne suffiraient pas pour combler un pareil trou, d’autant plus que ce seraient des moyens utilisés à fonds perdus, et à renouveler chaque année. Les moyens financiers du monde occidental, dans le contexte actuel, seraient très difficiles à mobiliser pour sauver l’Egypte, et ne la sauveraient de toute façon pas. La Chine ne paraît pas intéressée, pour l’heure par un puits sans fond et dont il n’y a aucune richesse à tirer.
L’Egypte importait près de la moitié de ses besoins alimentaires à la fin de l’ère Moubarak. Elle importe désormais bien plus que cinquante pour cent de ses besoins alimentaires. Elle importe aussi l’essentiel de ses besoins énergétiques. Elle n’a plus d’argent en caisse pour payer l’alimentation et l’énergie.
Les premières victimes sont les minorités : les Coptes, les Chiites, en faible nombre dans le pays, et qui comme les Coptes, commencent à être victimes d’assassinats.
Imaginez une Somalie de 80 millions d’habitants
Ensuite ? Imaginez une Somalie de quatre vingt quatre millions d’habitants. Et dotée d’une armée pourvue d’armement moderne fourni par les Etats Unis.
N’imaginez pas, dans un scénario apocalyptique, une guerre déclenchée contre Israël. L’armée égyptienne ne tient pas à être anéantie en quelques jours.
Par contre d’autres guerres, du côté de la Libye, du côté du Soudan et de l’Ethiopie ne sont pas inimaginables.
Qui a obtenu un prix Nobel de la paix en 2009 ? Rappelez moi son nom…
© Guy Millière pour www.Dreuz.info
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