Les pays qui réclament des frappes militaires pour stopper le massacre
en Syrie font face à une arme immatérielle, redoutable et inattendue : la
communication parfaitement maîtrisée de Bachar el-Assad. Ah, qu’il fut facile
de déclencher des conflits contre Saddam Hussein ou le colonel Kadhafi, deux
chefs de guerre réputés sanguinaires, lançant, souvent au pire moment
d’ailleurs, des diatribes enflammées contre leurs ennemis. La bataille de
l’opinion ne pouvait pas être perdue, dans un cas comme dans l’autre.
Bachar
El-Assad, c’est autre chose. Avec ses costumes bien coupés, sa cravate sagement
nouée et sa moustache finement taillée, il ne ressemble déjà pas, physiquement,
à ce qu’il est : un dictateur prêt à sacrifier son peuple, utilisant de surcroît
le plus cruel arsenal qui soit.
Quand il
décide de parler à l’Amérique, il choisit le talk du très populaire Charlie
Rose, sur CBS. C’était le 9 septembre dernier, lorsqu’il a nié absolument avoir
ordonné l’attaque chimique du 21 août. Jusqu’à présent, l’ONU n’a toujours pas
réussi à prouver qu’il en est bien le commanditaire. Cynique, le maître de
Damas s’est quasiment déclaré solidaire du peuple américain encore traumatisé
par la tragédie du 11 septembre 2001, rappelant opportunément que ses adversaires
sont infiltrés par les terroristes d’Al-Qaïda.
Quelques
jours auparavant, le 2 septembre, il avait réservé une exclusivité mondiale à
la presse hexagonale. « Les représentants du peuple français soutiendront-ils
l’extrémisme et le terrorisme, s’est-il interrogé dans le Figaro. (…) Les
députés français se mettront-ils du côté de ceux qui ont tué des innocents en
France ? » Là aussi, l’interviewer a été habilement choisi. Il s’agit du
journaliste Georges Malbrunot, qui fut otage en Irak. A cet ancienne victime du
terrorisme islamique, Assad lance plus loin un argument massue : « Comment pourront-ils (NDLR : les parlementaires
français) s’opposer à des gens comme Mohamed Merah en France et les soutenir en
Syrie !!! »
J’ignore
qui sont les conseillers en image du président syrien mais ils n’ont rien à
apprendre des spin doctors de Barack Obama ou des gourous de François Hollande
qui semblent toujours avoir un coup de retard sur Assad et son allié russe,
Vladimir Poutine. Lequel se révèle, quant à lui, un excellent joueur d’échecs.
Yves Derai
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