Près d’un an après sa réélection, le président américain ne semble plus avoir la moindre emprise sur les grands dossiers du pays, a fortiori ceux du monde.
La première année de son second mandat s’annonce d’ores et déjà comme un terrible gâchis : la réglementation des armes à feu a capoté. La réforme de l’immigration est dans les limbes. Et le psychodrame budgétaire qui se déroule actuellement au Congrès donne comme une impression de déjà-vu, qui en dit long sur son incapacité à imposer une fiscalité plus juste. Le blocage à Washington n’est évidemment pas nouveau. Mais compte tenu des dernières semaines, Barack Obama ne peut plus en faire porter la faute à ses seuls adversaires républicains.
Sur trois sujets au moins, ce sont les démocrates qui ont contrarié ses projets, montrant à quel point son leadership s’était érodé. La première fissure du camp démocrate est apparue voilà deux mois, suite au scandale des écoutes de l’Agence de sécurité nationale (la NSA).
Lorsque des républicains ont déposé un texte à la Chambre des représentants pour limiter les prérogatives de l’Agence, il s’est trouvé 111 démocrates pour les soutenir. Jamais Barack Obama n’avait dû affronter une telle coalition contre lui. Jamais une majorité de parlementaires démocrates – 111 sur 200 – n’avait osé défier aussi ouvertement leur leader.
Heureusement pour la Maison-Blanche, le camp républicain était tout aussi divisé que le sien. Ils ont été 134 à soutenir l’action de la NSA, et seulement 94 à s’y opposer. Cette affaire marque certainement la seule occasion où les républicains ont protégé le président contre l’indiscipline de son propre camp.
Le désamour entre la Maison-Blanche et les élus démocrates s’est encore accru avec l’affaire syrienne. En annonçant vouloir consulter le Congrès sur une éventuelle intervention militaire, Barack Obama a mis nombre de ses partisans dans l’embarras. Difficile, en effet, de soutenir une nouvelle guerre au Moyen-Orient alors que l’opinion – et donc les électeurs – y est majoritairement hostile !
L’issue du vote n’était pas acquise. Heureusement, il n’a pas eu lieu. L’accord négocié entre les Etats-Unis et la Russie sur la destruction des armes chimiques syriennes a permis d’éviter cette terrible séquence. Mais le crédit de Barack Obama en a beaucoup pâti : en plus de froisser les élus démocrates, il a donné à Vladimir Poutine une formidable occasion d’endosser le premier rôle sur la scène du Moyen-Orient. Le chef du Kremlin a joué les faiseurs de paix, reléguant au second plan son homologue américain.
L’épisode était à peine achevé que les démocrates trouvaient une nouvelle occasion de jouer les trublions. Excédés par le pouvoir de Wall Street et la facilité avec laquelle elle recycle ses banquiers au sommet de l’Etat, ils sont parvenus à faire barrage à la nomination de l’économiste Larry Summers – consultant pour la banque Citigroup – à la tête de la Réserve fédérale.
Ce n’est pas la première fois que le président doit renoncer à nommer l’un de ses proches aux plus hautes fonctions de l’Etat. Son amie Susan Rice, qui était pressentie pour le département d’Etat aux Affaires étrangères, en a fait les frais il y a quelques mois. Mais la résistance était, à l’époque, républicaine.
L’affaire Summers atteste, elle, d’un profond malaise dans le camp démocrate. Elle révèle un manque de lucidité certain de la part de Barack Obama. Il ne s’est pas rendu compte à quel point son désir de nommer le candidat le plus proche de Wall Street, et de loin le plus riche, constituait un faux pas politique. Son obstination à défendre un homme polémique – notamment pour sa contribution à la dérégulation financière – n’a fait qu’accroître le soupçon d’une connivence avec Wall Street. Lui qui se présentait comme le défenseur des classes moyennes a ainsi renforcé son apparente proximité avec les plus aisés.
Les derniers indicateurs publiés par l’économiste Emmanuel Saez sur les revenus américains n’ont pas arrangé ses affaires : sous Bill Clinton, ceux faisant partie du 1 % le plus riche se sont adjugé 45 % des hausses de revenus, qu’il s’agisse de salaires, de plus-values ou de dividendes. Sous George Bush, ils en ont capté les deux tiers. Au cours des quatre premières années de Barack Obama, ils en ont raflé la quasi-totalité (95 %) !
Impopulaire dans son propre camp, le président le devient encore plus dans l’opinion. Sa cote de popularité s’est effondrée d’une dizaine de points depuis sa réélection, suivant dangereusement la courbe de George Bush au cours de son second mandat.
Incapable de gouverner, le président a offert un terreau fertile aux démocrates les plus à gauche – les « liberals » -, avides d’actions fortes contre la finance immorale et les inégalités de revenus. Elue en novembre dernier, la sénatrice du Massachusetts Elisabeth Warren est la figure qui incarne le mieux ce mouvement. Elle s’est évidemment opposée à la nomination de Larry Summers, et n’a jamais de mot assez dur pour dénoncer les lâchetés de Barack Obama face au lobby bancaire.
Si les républicains paraissent de plus en plus à droite, les « liberals » démocrates prennent ainsi de plus en plus l’avantage sur les « progressistes ». A New York, c’est le candidat le plus à gauche, Bill de Blasio, qui vient de remporter haut la main les primaires pour l’élection municipale du 5 novembre. Les élections de mi-mandat, qui auront lieu l’an prochain pour renouveler la Chambre des représentants et un tiers des sièges au Sénat, ne pousseront certainement pas, elles non plus, à la modération.
Les Echos
Parle-t-on vraiment du même homme ? En début d’année, le magazine « Time » consacrait Barack Obama comme la personnalité la plus puissante de la planète. Six mois après, il ne semble plus avoir la moindre emprise sur les grands dossiers du pays, a fortiori ceux du monde.
La première année de son second mandat s’annonce d’ores et déjà comme un terrible gâchis : la réglementation des armes à feu a capoté. La réforme de l’immigration est dans les limbes. Et le psychodrame budgétaire qui se déroule actuellement au Congrès donne comme une impression de déjà-vu, qui en dit long sur son incapacité à imposer une fiscalité plus juste. Le blocage à Washington n’est évidemment pas nouveau. Mais compte tenu des dernières semaines, Barack Obama ne peut plus en faire porter la faute à ses seuls adversaires républicains.
Sur trois sujets au moins, ce sont les démocrates qui ont contrarié ses projets, montrant à quel point son leadership s’était érodé. La première fissure du camp démocrate est apparue voilà deux mois, suite au scandale des écoutes de l’Agence de sécurité nationale (la NSA).
Lorsque des républicains ont déposé un texte à la Chambre des représentants pour limiter les prérogatives de l’Agence, il s’est trouvé 111 démocrates pour les soutenir. Jamais Barack Obama n’avait dû affronter une telle coalition contre lui. Jamais une majorité de parlementaires démocrates – 111 sur 200 – n’avait osé défier aussi ouvertement leur leader.
Heureusement pour la Maison-Blanche, le camp républicain était tout aussi divisé que le sien. Ils ont été 134 à soutenir l’action de la NSA, et seulement 94 à s’y opposer. Cette affaire marque certainement la seule occasion où les républicains ont protégé le président contre l’indiscipline de son propre camp.
Le désamour entre la Maison-Blanche et les élus démocrates s’est encore accru avec l’affaire syrienne. En annonçant vouloir consulter le Congrès sur une éventuelle intervention militaire, Barack Obama a mis nombre de ses partisans dans l’embarras. Difficile, en effet, de soutenir une nouvelle guerre au Moyen-Orient alors que l’opinion – et donc les électeurs – y est majoritairement hostile !
L’issue du vote n’était pas acquise. Heureusement, il n’a pas eu lieu. L’accord négocié entre les Etats-Unis et la Russie sur la destruction des armes chimiques syriennes a permis d’éviter cette terrible séquence. Mais le crédit de Barack Obama en a beaucoup pâti : en plus de froisser les élus démocrates, il a donné à Vladimir Poutine une formidable occasion d’endosser le premier rôle sur la scène du Moyen-Orient. Le chef du Kremlin a joué les faiseurs de paix, reléguant au second plan son homologue américain.
L’épisode était à peine achevé que les démocrates trouvaient une nouvelle occasion de jouer les trublions. Excédés par le pouvoir de Wall Street et la facilité avec laquelle elle recycle ses banquiers au sommet de l’Etat, ils sont parvenus à faire barrage à la nomination de l’économiste Larry Summers – consultant pour la banque Citigroup – à la tête de la Réserve fédérale.
Ce n’est pas la première fois que le président doit renoncer à nommer l’un de ses proches aux plus hautes fonctions de l’Etat. Son amie Susan Rice, qui était pressentie pour le département d’Etat aux Affaires étrangères, en a fait les frais il y a quelques mois. Mais la résistance était, à l’époque, républicaine.
L’affaire Summers atteste, elle, d’un profond malaise dans le camp démocrate. Elle révèle un manque de lucidité certain de la part de Barack Obama. Il ne s’est pas rendu compte à quel point son désir de nommer le candidat le plus proche de Wall Street, et de loin le plus riche, constituait un faux pas politique. Son obstination à défendre un homme polémique – notamment pour sa contribution à la dérégulation financière – n’a fait qu’accroître le soupçon d’une connivence avec Wall Street. Lui qui se présentait comme le défenseur des classes moyennes a ainsi renforcé son apparente proximité avec les plus aisés.
Les derniers indicateurs publiés par l’économiste Emmanuel Saez sur les revenus américains n’ont pas arrangé ses affaires : sous Bill Clinton, ceux faisant partie du 1 % le plus riche se sont adjugé 45 % des hausses de revenus, qu’il s’agisse de salaires, de plus-values ou de dividendes. Sous George Bush, ils en ont capté les deux tiers. Au cours des quatre premières années de Barack Obama, ils en ont raflé la quasi-totalité (95 %) !
Impopulaire dans son propre camp, le président le devient encore plus dans l’opinion. Sa cote de popularité s’est effondrée d’une dizaine de points depuis sa réélection, suivant dangereusement la courbe de George Bush au cours de son second mandat.
Incapable de gouverner, le président a offert un terreau fertile aux démocrates les plus à gauche – les « liberals » -, avides d’actions fortes contre la finance immorale et les inégalités de revenus. Elue en novembre dernier, la sénatrice du Massachusetts Elisabeth Warren est la figure qui incarne le mieux ce mouvement. Elle s’est évidemment opposée à la nomination de Larry Summers, et n’a jamais de mot assez dur pour dénoncer les lâchetés de Barack Obama face au lobby bancaire.
Si les républicains paraissent de plus en plus à droite, les « liberals » démocrates prennent ainsi de plus en plus l’avantage sur les « progressistes ». A New York, c’est le candidat le plus à gauche, Bill de Blasio, qui vient de remporter haut la main les primaires pour l’élection municipale du 5 novembre. Les élections de mi-mandat, qui auront lieu l’an prochain pour renouveler la Chambre des représentants et un tiers des sièges au Sénat, ne pousseront certainement pas, elles non plus, à la modération.
Les Echos
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