L
e Paganisme est une
Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé
sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements
de la vie. »
Entretien avec Gilbert Sincyr,
auteur du livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de
l’Europe (préface d’Alain de Benoist) par Fabrice
Dutilleul.
Votre livre Le
Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe est un succès. Pourtant
ce thème peut paraître quelque peu « décalé » à notre
époque.
Bien au contraire : si les églises
se vident, ce n’est pas parce que l’homme a perdu le sens du sacré, c’est parce
que l’Européen se sent mal à l’aise vis-à-vis d’une religion qui ne répond pas à
sa sensibilité. L’Européen est un être qui aspire à la liberté et à la
responsabilité. Or, lui répéter que son destin dépend du bon vouloir d’un Dieu
étranger, que dès sa naissance il est marqué par le péché, et qu’il devra passer
sa vie à demander le pardon de ses soi-disant fautes, n’est pas ce que l’on peut
appeler être un adulte maître de son destin. Plus les populations sont évoluées,
plus on constate leur rejet de l’approche monothéiste avec un Dieu responsable
de tout ce qui est bon, mais jamais du mal ou de la souffrance, et devant qui il
convient de se prosterner. Maintenant que l’Église n’a plus son pouvoir
dominateur sur le peuple, on constate une évolution vers une aspiration à la
liberté de l’esprit. C’est un chemin à rebours de la condamnation évangélique,
originelle et perpétuelle.¢
Alors, qu’est-ce que
le Paganisme ?
C’est d’abord un qualificatif choisi
par l’Église pour désigner d’un mot l’ensemble des religions européennes,
puisqu’à l’évidence elles reposaient sur des valeurs communes. C’est donc le
terme qui englobe l’héritage spirituel et culturel des Indo-européens. Le
Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le
fatalisme. Il est fondé sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de
l’Homme, face aux évènements de la vie. Ce mental de combat s’est élaboré depuis
le néolithique au fil de milliers d’années nous donnant une façon de penser, une
attitude face au monde. Il est à l’opposé de l’assujettissement traditionnel
moyen-oriental devant une force extérieure, la volonté divine, qui contrôle le
destin de chacun. Ainsi donc, le Paganisme contient et exprime l’identité que se
sont forgés les Européens, du néolithique à la révolution
chrétienne.
Vous voulez donc
remplacer un Dieu par plusieurs ?
Pas du tout. Les temps ne sont plus
à l’adoration. Les Hommes ont acquit des connaissances qui les éloignent des
peurs ancestrales. Personne n’a encore apporté la preuve incontestable qu’il
existe, ou qu’il n’existe pas, une force « spirituelle » universelle. Des hommes
à l’intelligence exceptionnelle, continuent à s’affronter sur ce sujet, et je
crois que personne ne mettrait sa tête à couper, pour l’un ou l’autre de ces
choix. Ce n’est donc pas ainsi que nous posons le
problème.
Le Paganisme, qui est l’expression
européenne d’une vue unitaire du monde, à l’opposé de la conception dualiste des
monothéismes, est la réponse spécifique d’autres peuples aux mêmes
questionnements. D’où les différences entre
civilisations.
Quand il y a invasion et submersion
d’une civilisation par une autre, on appelle cela une colonisation. C’est ce qui
s’est passé en Europe, contrainte souvent par la terreur, à changer de religion
(souvenons-nous de la chasse aux idoles et aux sorcières, des destructions des
temples anciens, des tortures et bûchers, tout cela bien sûr au nom de l’amour).
Quand il y a rejet de cette colonisation, dans un but de recherche identitaire,
on appelle cela une libération, ou une « Reconquista », comme on l’a dit de
l’Espagne lors du reflux des Arabes. Et nous en sommes là, sauf qu’il ne s’agit
pas de reflux, mais d’abandon de valeurs étrangères au profit d’un retour de
notre identité spirituelle.
Convertis par la force, les
Européens se libèrent. « Chassez le naturel et il revient au galop », dit-on, et
voilà que notre identité refoulée nous revient à nouveau. Non pas par un retour
des anciens Dieux, forme d’expression d’une époque lointaine, mais comme un
recours aux valeurs de liberté et de responsabilité qui étaient les nôtres, et
que le Paganisme contient et exprime.
Débarrassés des miasmes du
monothéisme totalitaire, les Européens retrouvent leur contact privilégié avec
la nature. On reparle d’altérité plutôt que d’égalité, d’honneur plutôt que
d’humilité, de responsabilité, de volonté, de défi, de diversité, d’identité,
enfin de ce qui constitue notre héritage culturel, pourchassé, rejeté et
condamné depuis deux mille ans.
S’agit-il alors
d’une nouvelle guerre de religion ?
Pas du tout, évidemment. Les
Européens doivent dépasser ce qui leur a été imposé et qui leur est étranger.
Nous devons réunifier sacré et profane, c’est-à-dire réaffirmer que l’homme est
un tout, que, de ce fait, il est le maître de son destin car il n’y a pas
dichotomie entre corps et esprit. Les Européens ne doivent plus s’agenouiller
pour implorer le pardon de fautes définies par une idéologie dictatoriale
moyen-orientale. Ce n’est pas vers un retour du passé qu’il nous faut nous
tourner, gardons-nous surtout d’une attitude passéiste, elle ne serait que
folklore et compromission. Au contraire des religions monothéistes, sclérosées
dans leurs livres intouchables, le Paganisme, comme une source jaillissante,
doit se trouver de nouveaux chemins, de nouvelles expressions. À l’inverse des
religions du livre, bloquées, incapables d’évoluer, dépassées et vieillissantes,
le Paganisme est l’expression de la liberté de l’homme européen, dans son
environnement naturel qu’il respecte. C’est une source de vie qui jaillit de
nouveau en Europe, affirmant notre identité, et notre sens du sacré, pour un
avenir de fierté, de liberté et de volonté, dans la modernité.¢
Le Paganisme. Recours spirituel et
identitaire de l’Europe de Gilbert Sincyr, préface d'Alain de Benoist, éditions
de L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa,
232 pages, 25 euros.
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