lundi 9 septembre 2013

Journaliste italien libéré en Syrie : "Il est possible que cette révolution m'ait trahi"


Le journaliste italien Domenico Quirico (à gauche) et l'enseignant belge Pierre Piccinin (à droite), à leur arrivée à l'aéroport de Ciampino, près de Rome, dans la nuit de dimanche à lundi 9 septembre.
Le journaliste italien Domenico Quirico (à gauche) et l'enseignant belge Pierre Piccinin (à droite), à leur arrivée à l'aéroport de Ciampino, près de Rome, dans la nuit de dimanche à lundi 9 septembre. | RICCARDO DE LUCA/AP

Enlevés en Syrie il y a cinq mois, le reporter italien Domenico Quirico et l'enseignant belge Pierre Piccinin Da Prata, dont les libérations ont été annoncées dimanche, sont arrivés chez eux dans la nuit. Les premières déclarations du journaliste italien ont été publiées sur le compte Twitter du directeur de La Stampa, Mario Calabresi. "J'étais isolé, comme si j'avais vécu cinq mois sur Mars. J'ai découvert aujourd'hui qui est le président de la République", a dit le reporter qui est arrivé à Rome peu après minuit.


A 62 ans, ce vétéran de La Stampa qui a couvert de nombreux conflits en Afrique et au Moyen-Orient s'était rendu en Syrie le 6 avril et avait disparu quatre jours plus tard, en même temps que Pierre Piccinin Da Prata, un enseignant qui a multiplié les séjours au Proche-Orient depuis le début des "printemps arabes", et qui est l'auteur d'un documentaire sur la bataille d'Alep.
Les deux hommes avaient disparu dans l'ouest de la Syrie, non loin de la frontière libanaise, une région soumise aux pires soubresauts de la guerre syrienne. L'Italien avait pu contacter son épouse par téléphone en juin pour confirmer son enlèvement et rassurer sur son état de santé.
DEUX TENTATIVES D'ÉVASION
Arrivé en Belgique, Pierre Piccinin a confié avoir subi "des violences physiques très dures" au cours de sa détention. "Domenico a subi deux fausses exécutions au revolver", a-t-il précisé en indiquant qu'ils avaient été arrêtés par l'Armée syrienne libre puis livrés à la brigade Abou Ammar.
"Nous avons essayé de nous échapper deux fois. Une fois, on a profité de la prière, on s'est emparé de deux kalachnikovs (...) Pendant deux jours, on a couru la campagne avant de se faire reprendre, et là de se faire très sérieusement punir pour cette tentative d'évasion", a raconté au quotidien Le Soir le professeur d'histoire d'un lycée de Philippeville (sud de la Belgique).
"CE N'EST PLUS LA RÉVOLUTION QUE J'AI CONNUE IL Y A DEUX ANS"
"J'ai été maltraité", a en effet répondu Domenico Quirico à un journaliste qui l'interrogeait à sa descente d'avion sur les conditions de sa captivité sans donner plus de détails. Selon son employeur, il serait cependant en bonne santé, bien que très fatigué. "J'ai cherché à raconter la révolution syrienne, mais il est possible que cette révolution m'ait trahi, a-t-il ajouté, parce que ce n'est plus la révolution que j'ai connue il y a deux ans à Alep, laïque et tolérante."

Plus direct, l'enseignant belge a clairement identifié ses agresseurs dans ses propos cités par Le Soir : "Nous avons franchi la frontière depuis le Liban le 6 avril, deux jours plus tard, nous étions à Qoussair et c'est là que l'Armée syrienne libre (ASL) nous a arrêtés puis livrés à la brigade Abou Ammar, du nom de son chef. Ces gens sont des demi-dingues plus brigands qu'islamistes, plus ou moins inféodés au mouvement Al-Farouk, l'un des principaux groupes de rebelles, même s'il a un peu éclaté ces derniers temps."
DEUX JOURNALISTES FRANÇAIS TOUJOURS RETENUS EN OTAGES

Le président du conseil italien, Enrico Letta, a exprimé sa grande satisfaction au directeur de La Stampa : "L'espérance ne s'était jamais éteinte et tous les efforts mis en œuvre pour une issue positive ont été couronnés de succès." Domenico Quirico devait être entendu lundi par la justice à Rome, qui a ouvert une enquête sur son enlèvement.
Un autre Italien est toujours porté disparu en Syrie, depuis le début de l'été : le père jésuite Paolo Dall'Oglio, qui a été vu pour la dernière fois dans la ville syrienne de Raqqa. Deux journalistes français, Didier François et Edouard Elias, sont également retenus en Syrie depuis le 6 juin.
Selon Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, depuis le début du conflit en mars 2011, qui a fait plus de 100 000 victimes, "près de 100 acteurs de l'information (...) sont morts parce qu'ils voulaient témoigner, rapporter des informations".
La libération des deux hommes survient en plein débat sur d'éventuelles représailles militaires au bombardement à l'arme chimique du 21 août dans la banlieue de Damas, que Washington et la plupart de ses alliés imputent au régime de Bachar Al-Assad. Le Congrès américain doit se réunir à partir de lundi en vue d'un vote sur le sujet.

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