La Turquie de Recep Tayyip Erdogan essaie actuellement d’émerger en tant que puissance dominante au Moyen-Orient, et Erdogan joue minutieusement sa partie…
Le réveil de la Turquie Sunnite a charrié d’inévitables frictions avec cet autre prétendant non-arabe à la suprématie régionale, la République islamique d’Iran. La Syrie forme aujourd’hui l’arène centrale où se joue cette rivalité. Le gouvernement turc de l’AKP a mené de front l’entretien, aussi bien des relations avec le régime qu’avec l’opposition arabe sunnite en Syrie et cette duplicité est en train de produire des dividendes, actuellement : la Turquie semble avoir obtenu la confiance de l’Occident pour le rôle central consistant à organiser l’opposition tout en appliquant des pressions sur le régime. L’Iran, durant ce même temps, cherche à maintenir son client au pouvoir en Syrie par l’usage de la force pure.
Au Sud-Est de la Syrie, cependant, l’Iran et la Turquie trouvent que leurs intérêts ne divergent pas toujours nécessairement. Loin de toute focalisation des nouvelles dans les médias, les deux pays participent avec enthousiasme, au cours des huit dernières semaines, à une campagne de bombardement contre les organisations kurdes basées dans le nord de l’Irak Il y a, actuellement de graves préoccupations au sujet de possibles incursions terrestres des deux pays, au-delà des frontières de la région montagneuse. Elles pourraient être imminentes. .
Les bombardements turcs font partie de la réplique à une augmentation des attaques du PKK contre les forces de sécurité depuis les élections de juillet dans le pays. Les activités du PKK, en retour, reflètent un sentiment grandissant de désillusion, de la part de nombreux Kurdes turcs, face à ce qu’ils perçoivent comme l’échec du Gouvernement Erdogan à mettre en œuvre les réformes promises : L’AKP dominant d’Erdogan a lancé sa politique d’ « ouverture kurde », il y a deux ans, qui promettait une plus grande autonomie et plus de tolérance pour la minorité kurde du pays.
Mais les Kurdes turcs constatent que très peu a réellement changé.
Une clémence croissante envers les manifestations de l’identité culturelle kurde s’est faite jour sous l’AKP islamiste. Des programmes TV en langue kurde, par exemple, sont aujourd’hui autorisés. Mais lorsqu’on en vient à l’expression politique de l’identité kurde et au risque de séparatisme, la loi demeure sévère. Toute démonstration de soutien au PKK peut déboucher sur une sentence de prison ferme pour de nombreuses années. La notion de « Soutien » peut s’étendre même jusqu’au fait de marquer un respect purement honorifique, lorsqu’on se réfère au dirigeant du PKK en prison, Abdullah Ocalan.
Quiconque au-delà de l’âge de 12 ans assistant à un évènement parrainé par le PKK risqué de finir en prison comme terroriste. L’éducation primaire en langue kurde demeure interdite.
Les espoirs, quant à la possibilité d’obtenir des gains par la négociation, s’évanouissant, le PKK a, au cours des dernières semaines, choisi de reprendre les armes. Le mois dernier, environ 40 membres des forces de sécurité turques ont été tués lors d’affrontements avec les combattants du PKK. Un nombre indéterminé de membres du PKK ont également été tués dans les combats. On a assisté, cet été, à la plus forte croissance dans les affrontements depuis que l’organisation a choisi de mettre un terme à son cessez-le-feu unilatéral depuis le mois de février.
A la mi-août, Erdogan a affirmé que la “patience” du gouvernement était à bout et que tous ceux engagés aux côtés du PKK en paieraient le prix fort.
Le 19 août, l’armée de l’air turque a pilonné des cibles du PKK dans les montagnes de Qandil, au Nord de l’Irak, tuant une famille de sept civils, dont un bébé d’un mois, selon des sources kurdes.
Un bref cessez-le-feu est intervenu autour de la période de l’Aïd el-Fitr. Il est désormais périmé. L’éventualité d’une incursion de grande envergure turque dans les montagnes contrôlées par le PKK, franchissant la frontière dans le Kurdistan irakien est, par conséquent, de retour.
Depuis juillet, en même temps, la même région montagneuse du nord de l’Irak a été, parallèlement, le théâtre d’une bataille entre les forces des Gardiens de la Révolution iranienne et les guérilleros de l’organisation du PJAK (Parti pour une Vie Libre au Kurdistan). Le PJAK est largement perçu comme le mouvement frère-jumeau parmi les Kurdes d’Iran.
A la mi-juillet, les Iraniens ont lancé une opération transfrontalière contre le PJAK, précédée par des bombardements prolongés. Les gardiens révolutionnaires se sont retirés autour du 31 juillet. La guérilla du PKK a substantiellement renforcé ses compatriotes kurdes iraniens le long de la frontière.
Malgré des revendications iraniennes conséquentes répétant que le PJAK était sur le point de s’effondrer, à la suite de ces attaques, l’organisation a mené un grand nombre d’opérations en Août. La plus notable de celles-ci a été la frappe, le 19 août, contre le gazoduc Tabriz-Ankara, une conduite longue de 2576 kms qui transporte le gaz du nord-ouest de l’Iran vers la capitale turque. L’Iran est le second plus grand fournisseur de gaz naturel de la Turquie.
Au-delà des objectifs partagés, d’ennemis partagés et de méthodes similaires, la Turquie et l’Iran coopèrent-ils activement, dans leur répression des Kurdes ? Des preuves évidentes existent de ce partage des renseignements, de ce point de vue.
Un accord entre les deux pays, en vue d’une coopération sécuritaire, a été signé à la mi-2008. A l’époque, on a cité un ministre iranien, dans le quotidien turc Hurriyet, disant : « Les deux pays combattent contre le terrorisme et coopère l’un et l’autre, et l’Iran considère le PKK et le PJAK comme une seule et même organisation terroriste sous deux noms différents ». Des sources kurdes affirment que l’aviation turque a utilisé l’espace aérien iranien au cours des raids des dernières semaines.
Des relations élargies entre les deux pays se sont aussi développées et resserrées au cours des dernières années. Le commerce est en plein boom. La Turquie s’est opposée aux résolutions imposant des sanctions contre l’Iran au sujet de son programme nucléaire. Un câble récent de Wikileaks a révélé la préoccupation croissante des Etats-Unis, au regard des activités des sociétés turques du secteur de la défense, qui commercent avec l’Iran.
La question, désormais, c’est de savoir si, dans l’éventualité d’opérations terrestres turques et iraniennes dans le nord de l’Irak, les activités conjointes augmenteraient ouvertement et plus largement dans toutes leurs dimensions.
Si les choses se déroulaient ainsi, cela infligerait une leçon potentielle, qu’aussi bien les décideurs politiques occidentaux qu’Israéliens devraient prendre en compte avec précaution. La compétition naturelle entre les Chi’ites anti-occidentaux et les puissances islamistes sunnites anti-occidentales pour la domination du Moyen-Orient ne les placent pas inévitablement dans une course vers la collision.
Des preuves tangibles suggèrent qu’ils possèdent un degré suffisant de sophistication pour s’opposer l’un à l’autre lorsque nécessaire, mais savent aussi s’unir contre des ennemis communs, lorsque cela sert des intérêts communs.
Au sujet de Jonathan Spyer
Jonathan Spyer est chercheur principal au Centre pour la Recherche Globale en Affaires Internationales à Herzliya, en Israël, l’auteur de « Feu en transformation : l’émergence du Conflit Israélo-islamiste (Continuum 2010) et rédacteur au journal Jerusalem Post. Spyer a obtenu un PhD (Doctorat) en relations internationales à la Haute Ecole d’Economie de Londres et un diplôme de Master en politiques du Moyen-Orient, à l’Ecole des Etudes orientales et africaines, à Londres. Il a servi au sein d’une unité de première ligne des Forces de défense d’Israël, en 1992-3, et a combattu durant la guerre du Liban, à l’été 2006. Entre 1996 et 2000, Spyer a été employé par le Bureau du Premier Ministre israélien.
Par JONATHAN SPYER 11 septembre 2011
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