jeudi 2 février 2012

Les bonnes affaires de la Russie en Syrie

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Le porte-avions russe Kuznetsov à quai dans le port de Tartus, le long de la mer Méditerranée. (AFP photo)
 
Il y a de la fierté, il existe des intérêts militaires stratégiques, et puis il y a le business. Quand elle parle de la Syrie, la Russie sous-entend tout cela ensemble. Les analystes affirment que le soutien inébranlable de la Russie à l’égard de la Syrie, au Conseil de Sécurité de l’ONU est une combinaison de tradition diplomatique d’opposition aux Etats-Unis, de craintes d’un changement de leadership au Kremlin et de fieffé entêtement.
La Syrie est resté l’allié le plus important que la Russie conserve au Moyen-Orient, bien que certains analystes basés à Damas pensent que le régime du Président Bachar al Assad est loin d’être un grand partenaire de Moscou en affaires.
“Certains des accords spectaculaires annoncés récemment résonnent comme des effets de posture, plutôt que comme quoi que ce soit de décisif », a confié l’analyste de l’International Crisis Group Peter Harling à Now Lebanon. « La Russie peut, cependant, fournir les munitions et les pièces détachées dont le gouvernement syrien a besoin pour soutenir sa répression [du soulèvement] », ajoute t-il.
Mais Harling dit encore que, depuis des années, les accords d’armement entre la Russie et la Syrie, sont largement symboliques. « Récemment, Moscou a prêté plus d’attention et jouit de relations plus étroites avec Jérusalem qu’avec Damas, et a été attentive à ne pas s’aliéner Israël. Les responsables syriens ont typiquement exprimé leur déception, à chaque rétention d’armes ou lorsqu’elles étaient livrées incomplètes. Pour sa part, le régime Assad n’a jamais été un client prospère, et les choses ne vont pas aller en s’améliorant”, précise t-il.

Mais Israël, client qui dispose de plus d’argent, n’est pas désireux d’offrir à la Russie ce que peut
 faire la Syrie, en termes de stratégie militaire. L’accès de la Russie à la Mer Méditerranée
 correspond au havre syrien de Tartous. Tous les autres alliés dont disposait Moscou ont disparu
 depuis longtemps : l’Egypte a expulsé les Russes dans les années 1970, l’ancienne Yougoslavie
 s’est dissoute dans les années 1990, et Mouammar Khadafi a été renversé en Libye l’an dernier.
A la mi-janvier, l’unique porte-avions russe, l’Amiral Kuznetsov, a rendu une visite haute en couleur à Tartous, ce qui a été interprété comme un signe de soutien au Régime Assad.
Les contrats d’affaires militaires entre la Russie et la Syrie ne sont pas tout-à-fait négligeables, comparés aux autres pays du Moyen-Orient. Loin du niveau de l’Inde, qui est le plus grand consommateur d’armes russes et de loin, la Syrie achète encore 7% des exportations d’armes de la Russie, selon le Centre d’Analyse des Stratégies et Technologies, un Think-Tank basé à Moscou. (Cependant, l’Iran, a consommateur essentiel d’armes russes, n’est pas mentionné dans la liste du Think Tank).
Le dernier contrat entre Damas et Moscou qui a fait l’actualité et suscité l’indignation de l’Occident, a été signé en décembre 2011, lorsque la Russie a accepté de vendre à la Syrie 36 avions Yak-130 pour une valeur de 500 millions de $. Bien que de nombreux analystes aient paniqué, ces avions ne sont pas des chasseurs de combat, mais des deux-places destinés à entraîner les pilotes, et ils ont un usage limité comme bombardiers légers sur de petites zones de guerre. Plus que tout, aucun de ces avions n’est prêt d’être livré de sitôt, puisque le fabriquant russe veut d’abord voir l’argent syrien avant qu’il ne commence à assembler les avions.
Cependant, la Russie a realisé plusieurs livraisons d’armes à la Syrie. En décembre 2011, l’agence de presse russe Interfax révélait que Moscou avait livré 72 missiles de croisière supersoniques Yakhont SS-N-26 sol-mer à Damas, avec deux systèmes de défense des côtes Bastion terre-mer. Le contrat, signé en 2007, est estimé à une valeur de 300 millions de $. Au cours de ces dernières années, on rapporte que Moscou a fourni à la Syrie 36 systèmes de défense anti-aérienne de courte portée Pantsir SIE montés sur camions et huit  avions de combat intercepteurs MIG-29SM. La Syrie veut aussi furieusement obtenir des missiles sol-sol tactiques Iskandar-E, de haute précision et présumés être parmi les systèmes les plus avancés de ce type dans le monde.
Mais tout est en place pour la négociation, et plusieurs personnalités de l’opposition syrienne ont déjà approché des diplomates russes pour leur assurer que, même en cas de changement de régime, la Syrie continuera encore à faire des affaires avec Moscou. Le Président du Conseil National Syrien, Burhan Ghalioun a rencontré l’Ambassadeur russe à l’ONU, Vitaly Churkin, pour promettre à Moscou que ses intérêts en Syrie seraient préservés, indifféremment du sort réservé à Assad. «  Nous les avons rassurés sur le fait que nous restons attentifs à poursuivre la relation historique envers la Russie », a-t-il déclaré aux journalistes à New-York. « J’en appelle à la Russie, qui entretient des relations historiques prolongées avec le peuple syrien, pour qu’elle empêche le régime Assad d’exploiter le soutien russe dans le seu but de poursuivre son oppression ».
Marah Bukaï, une femme écrivain et militante américano-syrienne, a confirmé à Now Lebanon, que l’opposition reste ouvert à entamer des relations avec la Russie, et bien que les diplomates russes semblent très déterminés à se tenir auprès d’Assad, elle pense qu’il y a encore de l’espoir pour une résolution à l’ONU. « Je suis sûre que la Russie ne tiendra pas cette position très longtemps, à présent. On a observé quelques évolutions dans leur position », a t-elle affirmé. « Les Russes ne peuvent pas s’isoler du monde entier. Ils savent que leurs intérêts stratégiques se trouvent du côté du peuple syrien. Je pense qu’ils travaillent à produire une décision de dernière minute, comme ils l’ont fait dans le cas de la Libye », a-t-elle dit.
Pour Harling, “Une partie du problème provient du fait que l’Occident a dupé la Russie en permettant un changement de régime en Libye, sous le couvert ‘une intervention humanitaire. Mais, il y a un soupçon plus général à propos des motivations de l’Occident dans la région toute entière, qu’ils pensent avoir déjà subi suffisamment de désordres », affirme t-il.
“La Russie veut obtenir la stabilité, craint le renforcement du pouvoir des Islamistes, et souhaite jouer un rôle visible. Elle pense qu’elle peut faire tout ce qui précède en soutenant le statuquo. Bien qu’elle ait peu d’intérêts significatifs en Syrie elle-même, elle a en a encore moins dans la région, et, par conséquent, a peu à perdre en prenant des décisions impopulaires ».

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