mercredi 29 février 2012

Pour éviter une expansion des “printemps arabes”, les pays du Golfe multiplient les dépenses à caractère social


Un an après le début du "printemps arabe", les pays du Golfe restent sur leurs gardes. Plus question d'afficher des dépenses extravagantes risquant d'attiser la colère populaire. Abu Dhabi hésiterait à s'offrir le Club de football Manchester City, Dubaï à se lancer dans la construction d'îles artificielles, et le Qatar à investir chez Porsche. Tous ces pays s'emploient à réduire les inégalités, l'oeil rivé sur le cours du baril, car leurs dépenses publiques explosent.
En Arabie saoudite, poids lourd de la région avec ses 27 millions d'habitants et sa production record de pétrole, les autorités ont réagi dès le début de 2011. Il y avait urgence. L'écart entre riches et pauvres est patent dans le royaume et la minorité chiite est une source de contestation permanente. Au budget initial de 155 milliards de dollars, Ryad a ajouté 130 milliards pour l'éducation, la santé et les affaires sociales.
100 % de hausse de salaires
Il a été décidé de construire 500 000 logements sociaux, de relever le salaire minimum et d'accorder d'importantes augmentations de salaires. Au ministère de l'intérieur, 60 000 nouveaux postes de fonctionnaires ont été créés.
Pour 2012, la vigilance reste de mise. Le budget de cette année est un budget record. L'éducation et la santé demeurent prioritaires. Pour aider les sans-emploi - officiellement 10 % de la population active, mais de 30 % à 40 % chez les jeunes -, une allocation-chômage a été instituée. La politique des quotas a été réactivée : les sociétés étrangères qui n'appliquaient pas rigoureusement l'obligation d'employerdes Saoudiens se voient tenues de le faire.
Si Oman a réussi à rétablir le calme par des hausses de salaires, des recrutements dans la fonction publique et quelques mesures politiques, ce n'est pas le cas à Bahreïn. "Malgré une augmentation des salaires de 30 %, la tension reste latente dans cet émirat, après que les émeutes ont été matées avec l'aide de l'Arabie Saoudite. On ne sait pas comment ça va tourner", indique Jean-Michel Saliba, économiste Moyen-Orient à la Bank of America Merrill Lynch.
Aux Emirats arabes unis (EAU), à Qatar et au Koweit, les autorités font plutôt de la prévention. Dans ces petits pays au nombre d'habitants réduit, où les nationaux comptent pour 15 % à peine de la population, aucune tension n'est perceptible. Mais les familles régnantes se montrent plus soucieuses qu'autrefois du bien-être de leurs ressortissants.
"Dans les Emirats, les salaires dans la fonction publique ont grimpé l'année dernière de 35 % à 100 %, dans les secteurs de la justice, de la santé et de l'éducation. Les retraites des militaires viennent d'être revalorisées de 70 %. Par ailleurs, un plan triennal de 1,6 milliard de dollars a été lancé, pour réduire les inégalités, surtout dans les émirats dunord", indique Marc-Antoine Collard, économiste risques pays à la Société Générale. A Dubaï, le plus diversifié des sept émirats de la Fédération, un fonds de 2,7 milliards de dollars a été créé pour aiderles citoyens à bas revenus.
Au Koweit, les nationaux ont eu droit en 2011 à une prime de 3 600 dollars par personne et à une nourriture gratuite pendant treize mois. Au Qatar, le salaire des fonctionnaires a été augmenté de quelque 60 %. Avec une attention particulière pour les militaires, qui ont vu leurs soldes grimper dans des proportions pouvantaller jusqu'à 120 %.
Si le Qatar n'avait pas attendu le "printemps arabe" pour se préoccuper du développement de ses infrastructures et investir dans le secteur gazier, il y est désormais question d'un nouveau plan de 100 milliards de dollars d'investissements dans tous les domaines, notamment éducatif. Le Qatar ambitionne de devenir "le hub" universitaire de la région.
Les pays du Golfe peuvent-ils se permettre un pareil accroissement de leurs dépenses ? Pour les EAU, le Qatar et le Koweit, le problème ne se pose pas, étant donné leurs richesses en hydrocarbures et leur population restreinte.
En revanche, la situation est plus délicate pour l'Arabie saoudite, d'autant qu'elle aide financièrement de nombreux pays arabes, l'Egypte et la Jordanie notamment. Jusque-là, Ryad jouait la carte de la modération quant au prix du baril. Elle ne peut plus se le permettre. Ce qui explique la récente déclaration du ministre saoudien du pétrole, Ali Al-Naïmi, selon lequel le baril à 100 dollars serait souhaitable. Mais l'économie mondiale ralentit. La demande américaine et européenne est en baisse. Et même si la Chine et l'Inde restent très demandeurs d'or noir, un ralentissement est prévisible.
Ryad peut tenir"A moyen terme, en revanche, ce sera de plus en plus insoutenable. Parce qu'elle reste prisonnière de son pétrole, l'Arabie saoudite court le risque d'une crise systémique", avertit Fatiha Heni, politologue spécialiste de la péninsule arabique.

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