Les relations entre le Brésil et l’Iran vascillent. Dans une interview avec le journal brésilien Folha de Sao Paulo, Ali Akbar Javanfekr, qui occupe le poste de conseiller spécial pour les médias du Président Mahmoud Ahmadinedjad, a déclaré que la Présidente brésilienne, Dilma Roussef prend ses distances avec l’Iran. Javanfekr, a, en réalité, accusé Roussef d’avoir ruiné les relations entre l’Iran et le Brésil que l’ancien Président brésilien Luiz Inacio Lula avait réussi à construire. « La présidente brésilienne détruit tout ce que Lula a réalisé. Elle a détruit des années de bonnes relations », a déclaré Javanfekr. Dans une autre interview avec l’agence de presse IRNA, contrôlée par l’Etat, Javanfekr affirme : « La nouvelle Présidente brésilienne n’a pris ses fonctions que récemment et on devrait lui laisser un peu de temps pour qu’elle ait une meilleure compréhension des relations Iran-Brésil et des efforts du précédent gouvernement pour renforcer ces liens ».
Sous la Présidence de Lula, en 2010, lors d’un accord passé avec la Turquie et le Brésil, l’Iran avait signé un arrangement lui permettant de transférer de l’uranium à enrichir à l’étranger. Dans cet accord, l’Iran annonçait être prêt à échanger 1200 kgs de son uranium faiblement enrichi, contre du carburant enrichi à 20%, sur le territoire turc. L’arrangement avait échoué, cependant, à la suite du refus des Etats-Unis. La même année, Roussef était élue en tant que Présidente du Brésil et cela a marqué un coup d’arrêt aux relations aussi amicales entre l’Iran et le Brésil. La raison principale tient au soutien de Roussef à une enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’homme en Iran, une initiative conduite par les Etats-Unis. Comme l’a rapporté le New York Times, cette décision a été interprétée comme un tournant, concernant les relations précédemment entretenues par Lula envers Téhéran.
Al-Jazeera faisait remarquer que même durant la campagne électorale, à chaque fois qu’on demandait à Roussef son point de vue sur l’Iran, elle affirmait que, pour elle, les droits de l’homme passent avant le business – un état d’esprit qui semble avoir mis mal à l’aise le gouvernement iranien. En 2011, quand le régime iranien s’est aperçu que la nouvelle Présidente brésilienne ne se montrerait pas aussi amicale avec l’Iran que son prédécesseur l’était, l’ambassadeur iranien au Brésil commentait cette position en disant que Roussef était « mal informée »du déroulement des évènements en Iran. « Roussef », écrivait Al-Jazeera, « qui a été torturée, dans sa jeunesse, alors qu’elle était aux mains de la dictature brésilienne, et qui s’est élevée au rang de première femme Présidente du Brésil, a donné des signes, tout au long de son parcours, qu’elle voulait refroidir les relations avec l’Iran. Refroidir ? Non. Elle apparaît, à présent, vouloir lui jeter un plein bac d’eau glacée. Les geler totalement ».
Le porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien, Ramin Mehmanparast a rappelé que l’Iran attache une énorme importance aux relations avec le Brésil, et a démenti les remarques attribuées au conseiller pour les médias, Javanfekr, s’agissant des liens entre Téhéran et le Brésil, en affirmant qu’ils avaient été mal interprétés : « L’Iran attache une haute signification à ses relations avec le Brésil, comme étant le plus grand pays d’Amérique Latine et une puissance globale émergente. Dans cette perspective, les interactions et les négociations entre les deux pays suivent leur orientation normale ; aucun changement n’est intervenu dans l’attitude de Téhéran, en ce qui concerne ses relations avec le Brésil », Mehmanparast ajoutant que : « Les relations entre l’Iran et le Brésil s’inscrivent dans une histoire longue de 110 ans. Il semble que certains organes de presse et des pays-tiers ne sont pas contents de ces bonnes relations entre l’Iran et le Brésil et qu’ils s’en soient remis désespérément à monter une campagne médiatique de désinformation ».
Les medias brésiliens, cependant, précisent que le gouvernement iranien est, effectivement, extrêmement irrité par Roussef et que pour prendre sa revanche sur la nouvelle politique brésilienne, le régime iranien rend la vie des hommes d’affaires brésiliens plus difficile. Le journal brésilien Folha de Sao Paulo a rapporté que le régime iranien a restreint les exportations de viande brésilienne. La multinationale brésilienne JBS, par exemple, a dû conserver des milliers de tonnes de viande bovine à bord, durant trois semaines, dans un port iranien. Le journal affirme aussi que les importateurs iraniens de viande expliquent que le Président iranien Mahmoud Ahmadinedjad a envoyé une lettre d’instruction aux douanes ordonnant d’imposer des limites à l’entrée de produits brésiliens vers l’Iran.
Après la diffusion de l’interview du conseiller d’Ahmadinedjad qui critiquait Roussef, le Président iranien a déclaré son intention de visiter le Brésil dans un avenir proche. Le gouvernement iranien a aussi insisté sur le fait qu’Ahmadinedjad viendrait en Amérique latine uniquement pour rencontrer Roussef et non les autres dirigeants dans les pays voisins.
Quoi qu’il en soit, le Président iranien n’est venu en Amérique Latine que pour une visite qui l’a emmenée au Venezuela, au Nicaragua, à Cuba, en Equateur, et qui ne comprenait pas initialement le Brésil. Ahmadinedjad, cependant, sent, à présent, qu’il a commis une erreur en négligeant le Brésil, le plus grand pays d’Amérique du Sud, et celui-là même qui dispose d’une économie en pleine expansion. Le Président iranien espère, apparemment, réussir son entreprise de charme auprès du gouvernement brésilien, qui pourrait être un partenaire politique et économique important. Sous la Présidence de Lula, en fait, le Fonds Monétaire International (FMI) avait annoncé que, parmi les pays d’Amérique Latine, le Brésil était le plus grand partenaire commercial de l’Iran. Les données montrent qu’en 2008, le commerce de l’Iran avec l’Amérique latine a triplé à 2, 9 milliards de $.
Alors que le régime iranien espère ranimer cette amitié perdue, le gouvernement brésilien semble espérer que le séjour d’Ahmadinedjad au Brésil n’arrivera pas de sitôt. Le site internet « Brésil Dépêches » rapportait que les commentateurs brésiliens « se réjouisient de ce que le Brésil ait pu s’épargner l’embarras de devoir accueillir Ahmadinedjad, au cours de sa visite récente en Amérique Latine ». Le commentateur politique Sergio Leo, écrivant dans le journal Valor Economico, a fait remarquer que la décision d’Ahmadinedjad de ne pas rendre visite au Brésil, au cours de son récent voyage en Amérique du Sud, était accueillie avec ne grande satisfaction par le gouvernement brésilien. Leo précisait que le soulagement du Brésil de ne pas avoir été approché était énorme. Le principal problème, selon les médias locaux, réside dans le fait qu’alors que Roussef semble ne vouloir, en aucun cas, faire de compromis sur les droits de l’homme, le régime iranien n’a pas, non plus, la moindre intention de les respecter. C’est pourquoi, pour Ahmadinedjad, désormais, tout rapprochement avec le Brésil sera loin d’être facile.
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