mardi 21 février 2012

Toutes les civilisations ne se valent pas – par Jean-Luc TARI



Une polémique a récemment éclaté à la suite d’une déclaration du ministre de l’Intérieur qui a affirmé que toutes les civilisations ne se valaient pas. Un député de gauche a ensuite répondu que ce genre de discours lui rappelait les théories nazies. Cette réaction a le mérite de révéler une mentalité prisonnière des années 30 et 40. Dès qu’une idée déplaît à la gauche, elle fait un amalgame avec le discours national-socialiste. Cette posture reprend la propagande communiste déversée à partir de 1941 après l’invasion de l’Union soviétique par Hitler. Les communistes et les mouvements de gauche se sont présentés comme les champions de la lutte contre le fascisme. Cette affirmation était déjà sujette à discussion durant la seconde guerre mondiale. En effet, les communistes étaient alliés avec l’Allemagne nazie avant 1941 (pacte germano-soviétique). De plus, d’autres forces politiques avaient commencé la lutte contre l’Allemagne nazie avant 1941 (les gaullistes en France par exemple). Mais aujourd’hui, cette posture est devenue grotesque. Elle permet seulement aux gauchistes de faire la morale à leurs opposants politiques et de les inciter à se taire.

Une nouvelle Inquisition est à l’œuvre : les « hérétiques » sont victimes de procès instruits par les bonnes consciences de gauche. Le but est d’instaurer un ordre moral où règne en maître le politiquement correct. Les gauchistes souhaiteraient construire à leur profit une société qui rappelle les temps moyenâgeux avec des condamnations publiques et des ouvrages mis à l’index. L’exemple de l’historien Sylvain Gouguenheim (1) est édifiant. Dans son livre « Aristote au Mont Saint-Michel », l’auteur démontre que l’islam n’a pas été le seul pourvoyeur des ouvrages de l’Antiquité. Des livres de philosophes grecs étaient conservés dans certains monastères de l’Europe médiévale, et notamment au Mont Saint-Michel. De plus, il faut avoir à l’esprit que l’empire byzantin est en fait l’empire romain d’Orient, celui-ci ayant survécu près de mille ans à la chute de l’empire romain d’Occident (476-1453). Les Byzantins n’avaient pas oublié les auteurs grecs et latins. Les commentateurs musulmans d’Aristote ont exercé une influence sur l’Occident. Mais les Occidentaux n’avaient pas besoin des musulmans pour connaître Aristote. Cette thèse a soulevé l’indignation d’historiens de gauche. Une pétition a été signée pour dénoncer l’islamophobie latente de cette thèse. Elle remet en effet en cause la théorie selon laquelle l’Occident doit son développement intellectuel aux traductions des livres d’Aristote par les musulmans. Toutefois, ce sont justement ceux qui soutiennent que l’Occident était un désert culturel avant l’apport des traductions musulmanes qui le rabaisse exagérément. Mais pourquoi faut-il absolument que l’Occident soit au même niveau que l’islam ?

C’est une condition nécessaire pour que l’utopie qui fait rêver les « bien-pensants » puisse se réaliser. Il s’agit de construire une société multiculturelle et multiraciale. Dans cette société, des communautés doivent cohabiter pacifiquement. Il faut donc éviter tous les sujets qui peuvent heurter les susceptibilités des uns ou des autres. Aucune communauté ne doit se sentir supérieure à l’autre afin de permettre une cohabitation harmonieuse. Faites l’amour, pas la guerre ! Ce slogan condense les idées des hippies qui bêlaient des messages de paix et d’amour dans les années 60 et 70. Mais à l’époque, les hippies avaient conscience d’incarner une contre-culture minoritaire. Aujourd’hui, cette sous-culture prétend devenir la norme. Mais le prix à payer est énorme. Certains sujets deviennent tabous. Il est interdit de critiquer certaines religions ; ce qui constitue une régression considérable. Si on laisse faire, la libre expression et le fonctionnement normal de la démocratie seraient remis en cause. L’autocensure morale deviendrait la règle. Tout ce qui dépasse devrait être rabaissé. Par exemple, la civilisation occidentale devrait se repentir de ses conquêtes coloniales. Les nations, leur culture, leurs traditions, leurs racines, leurs frontières n’ont pas leur place dans cette utopie. C’est le retour vers le passé mais sans les guerres tribales.

Je crois que cette doxa post-soixante-huitarde est une insulte à l’intelligence. Le politiquement correct est parfaitement décadent. C’est une pensée dégénérée mise au service d’une croyance utopique. Elle explique le spectacle pitoyable auquel nous assistons : des intellectuels décadents qui rabaissent leur propre civilisation. Il faut résister à ces inquisiteurs autoproclamés. Dans une démocratie, l’esprit critique doit être préservé et on doit avoir le droit de critiquer la civilisation musulmane comme n’importe quelle autre civilisation !



1. Né le 6 aout 1960, Sylvain Gouguenheim est un historien médiéviste.

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