jeudi 2 février 2012

Les milices Al Shabbab sur le déclin?

Les milices islamiques al-Shabab (Parti de la jeunesse), dont le nom vient d'être changé en Imaarah Islamiya (l'autorité islamique), sont issues de l'Union des tribunaux islamiques somaliens qui ont dirigé le pays en 2006-2007. Elles seraient actuellement en difficulté car elles combattent sur trois fronts différents. Au sud, les forces kenyanes, fortes de 2 000 combattants, ont progressé à l'intérieur du territoire somalien, s'emparant des localités de Fafadun et d'Eladeand ; au nord, ce sont quelques 5 000 Ethiopiens qui repoussent peu à peu les islamistes ; et dans le centre du pays, la mission africaine en Somalie (AMISOM) a repris le contrôle de la capitale Mogadiscio.
Les Shabab souhaitent l'établissement d'un Etat islamique qui appliquerait strictement la charia dans l'ensemble de la Corne de l'Afrique. C'est déjà le cas dans les zones qu'ils contrôlent au sud de la Somalie. Les exécutions publiques sont monnaie courante et n'épargnent pas même les enfants. Les punitions corporelles, telles le fouet ou l'amputation, sont aussi communément appliquées. Les chrétiens[1] et les soufis sont pourchassés car ils sont considérés, comme des mécréants pour les premiers, comme des apostats pour les seconds.
En dehors de la guérilla qui est menée contre les forces du Gouvernement fédéral transitoire (GFT[2]) et celles de l'AMISOM, les Shabab se livrent à de nombreuses opérations terroristes sur place ou dans les pays voisins, en particulier au Kenya où cinq personnes ont été enlevées depuis septembre 2011[3].
Les fonctionnaires, journalistes, membres d'ONG et touristes sont particulièrement visés. Les Shabab menacent en permanence d'étendre leurs opérations à l'étranger, en particulier au Burundi, en Ouganda et à Djibouti (pays participant à l'AMISOM). Assez curieusement, les Shabab ne semblent pas se livrer à la piraterie maritime. En fait, ils se contenteraient de prélever un « impôt révolutionnaire » sur les rançons obtenues trouvant là le moyen de se financer à bon compte.
Les milices Shabab ont pour centre névralgique le port de Kismayo, la troisième ville du pays dont elles se sont emparées en 2008. Fortes de quelques 6 000 combattants, elles peuvent compter sur environ 15 000 sympathisants qui leur apportent l'aide logistique dont elles ont besoin pour survivre. Elles sont largement équipées d'armes d'infanterie à base d'AK 47, de RPD et de RPG 7. Elles sont très mobiles du fait de l'utilisation intensive de véhicules tous terrains, dont certains sont porteurs d'armes lourdes (mitrailleuses, canons sans recul et missiles sol-air portables) et de quelques engins blindés récupérés sur les forces gouvernementales. Une grande inquiétude vient du fait qu'elles auraient récupéré des armes libyennes auprès d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Le chef historique du mouvement, Aden Hashi Farah « Ayro » a trouvé la mort le 1er mai 2008 lors d'une opération homo menée par la CIA. La personnalité la plus connue est Fazul Abdullah Mohammed, le représentant de Ben Laden dans la Corne de l'Afrique, qui a été tué lors d'un contrôle de routine le 8 juin 2011. Il a été remplacé par un de ses vieux complices, Issa Osman Issa, qui a participé aux attentats dirigés contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar es Salam en 1998, ainsi qu'aux actions terroristes de 2002 au Kenya (attaques de l'hôtel Paradise et contre un avion charter israélien à Mombasa).
L' « émir » actuel serait Ibrahim Haji Jama Mee'aad - alias Ibrahim l'Afghan - qui a succédé en décembre 2010 à Moktar Ali Zubeyr - alias Abdi Godane - après une lutte d'influence intestine. Mee'aad était à l'origine le responsable financier du mouvement avant de prendre le commandement de la zone de Kismayo. Des rumeurs non vérifiées font état de sa mort le 25 juin 2011.
Le chef de la sécurité serait le Pakistanais Abou Moussa Mombassa. Les porte-parole du mouvement sont le Cheikh Mukhtar Robow, Ali Dhere et Ali Mahamoud Rage.
Le chef des combattants étrangers - appelés les « muhajirin » - est Abou Mansour l'Américain, de son vrai nom Omar Hammami, arrivé en Somalie en 2006. Ces 200 à 300 étrangers comprendraient une quarantaine d'Américains, quelques Britanniques, Yéménites, Soudanais, Afghans, Saoudiens, Pakistanais, Bangladeshi, Irakiens et des activistes venant du Golfe persique. La Somalie est devenue avec le temps une terre idéale pour le « tourisme islamique » effectué par des étrangers. A la différence du Pakistan et de l'Afghanistan, les muhajirin peuvent accéder à des postes importants au sein de la hiérarchie des Shabab. De plus, il leur est beaucoup plus facile de rejoindre ce pays dont les frontières sont poreuses.
Al-Shabab, qui a officiellement fait allégeance à Al-Qaida, est une organisation déclarée terroriste par les Etats-Unis, le Canada, la Norvège, la Suède, le Royaume Uni, l'Australie et la Nouvelle Zélande. Elle serait soutenu secrètement par l'Iran, l'Erythrée, la Libye et l'Egypte, qui voit là le moyen de déstabiliser son ennemi ancestral : l'Ethiopie.

Les Shabab dans la tourmente

Le mouvement islamique est actuellement en position défensive face aux différentes opérations déclenchées par les forces armées kenyanes[4] et des clans locaux au sud, par les forces éthiopiennes et des milices soufies au nord, et au centre par l'AMISOM, dont les effectifs devraient être portés de 9 700 à 20 000 hommes au cours de l'année 2012. Les Shabab ont ainsi du abandonner plusieurs localités qu'ils contrôlaient, dont celle de Baladweyne, située à 45 kilomètres de la frontière éthiopienne, et la capitale, Mogadiscio, qui est maintenant sécurisée. Les Shabab, qui considèrent la prise de Baladweyne comme un véritable affront, tenteraient de regrouper des forces pour mener une contre-attaque dans les jours à venir.
De plus, des dissensions se font sentir au sein du mouvement. La population qui était globalement favorable aux Shabab par le passé, car ils apportaient un minimum d'ordre et de justice, semble se lasser de cette présence encombrante d'autant qu'ils ne tolèrent pas l'aide humanitaire internationale alors même que la famine fait rage. Une des conséquences de cette relative désaffection est la difficulté que rencontreraient actuellement les Shabab à recruter de nouveaux activistes somaliens. Ils en sont contraints à enrôler des enfants, dont certains ont à peine dix ans.
Mais, même menacés sur le plan militaire, leur pouvoir de nuisance dans le domaine du terrorisme, aussi bien à Mogadiscio que dans les pays voisins, reste entier. A titre d'exemple, des activistes ont infiltré les camps de réfugiés somaliens implantés au Kenya. De plus, de nombreuses attaques ont lieu dans ce pays contre les représentants de l'Etat kenyan, des membres d'ONG et des lieux de loisirs. Un « émir » y a même été désigné en la personne du cheikh Ahmed Iman Ali.



  • [1] A noter que le Kenya et l'Ethiopie voisins sont considérés comme des pays « chrétiens », agresseurs de la Somalie islamique.
  • [2] Fortes aujourd'hui de 4 000 hommes entraînés. Ce chiffre devrait être porté à 10 000 dans l'avenir. L'aviation et la marine sont quasi inexistantes.
  • [3] Une Française décédée en détention, une Britannique dont l'époux a été assassiné lors de l'enlèvement, deux espagnols et leur conducteur kenyan.
  • [4] Qui sont intégrées depuis le début de l'année à l'AMISOM. En plus du côté légaliste de cette opération, cela permet aux Kenyans de ne plus supporter directement le coût des actions militaires engagées en Somalie.

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