L’histoire confirme que la relation entre l’Occident et les Frères musulmans n’est pas un phénomène récent, mais qu’elle a existé depuis que l’organisation a été créée
Pendant l’occupation britannique, la Compagnie du Canal de Suez a fourni un soutien financier à Hassan Al-Banna et à d’autres acteurs locaux dans le but de contrer l’influence du Wafd, qui à l’époque conduisait la lutte nationale pour l’indépendance de l’Egypte. Après la révolution de Juillet 1952, les relations entre les Frères musulmans et Gamal Abdel Nasser se sont détériorées à cause de sa politique de refus d’alignement à l’ouest et au néo-colonialisme. Ce n’est que plus tard que les Frères musulmans conclurent une alliance avec Anouar el-Sadate, quand il rompu ses liens avec l’Union soviétique, et se déplaça dans la sphère d’influence occidentale.
Même lorsque les États-Unis soutenaient le régime de Moubarak, ils ont, en même temps, toujours maintenu des affinités avec les islamistes politiques en général, et les Frères musulmans en particulier.
Ce n’est plus un secret que l’Occident a, et continue, d’appuyer les demandes des Frères musulmans pour la conquête du pouvoir, la seule différence étant que désormais un tel soutien s’opère dans le cadre de la reconnaissance d’un dirigeant démocratiquement élu, choisi par son peuple.
Comme le dit un proverbe Arabe : « si quelqu’un veut manger de la merde, donnez-lui une cuillère »
Tout montre que les Frères musulmans n’auraient jamais pu arriver et rester au pouvoir sans le soutien continu des États-Unis et de plusieurs pays européens.
Le soutien de l’ouest aux Frères musulmans (surtout ces dernières années) a beaucoup choqué les Egyptiens des classes moyennes et supérieures, qui remarquent la contradiction entre la prétendue défense de l’Occident pour la démocratie et les droits de l’homme, et la rhétorique fasciste des Frères musulmans.
Les doutes sur le penchant de l’Occident pour les Frères musulmans s’accentuèrent quand la Maison Blanche publia des communiques affirmant que les questions relatives à la légalité de la déclaration sur la constitution du Président Mohamed Morsi étaient une question interne à l’Egypte, et ne suscitait aucune critique directe des États-Unis.
Une de mes connaissances a recueilli les confidences d’un diplomate européen qui l’a informé que la position de l’Europe, en ce qui concerne les Frères musulmans et Morsi, était de continuer à les soutenir en raison de leur aide à préserver la stabilité régionale au Moyen-Orient.
Le récent succès de Morsi dans la négociation du cessez-le-feu (temporaire) entre Israël et le Hamas a aidé à consolider cette réputation de leader capable de désamorcer les tensions dans la région.
Les Frères musulmans ont fait très attention à se présenter, en Europe, comme des leaders forts, pas seulement capables de faire des cessez-le-feu, mais aussi de faire de la politique, en acceptant les prêts de la Banque mondiale, après s’y être opposé lors de l’administration Ganzuri.
Avoir pu augmenter le prix des produits de base au milieu d’une récession, imposé une nouvelle constitution, un référendum, à un peuple qui s’est opposé à chacune de ces étapes, montre la force des Frères musulmans, et sa capacité à atteindre leurs objectifs quelles que soient les circonstances.
Je suis convaincu que le calendrier des décisions a été établi par la Banque mondiale (qui finance plus de 100 pays émergents) plutôt que par les Frères musulmans, dans le but de mettre en œuvre son programme de réforme économique, au mépris des intérêts du peuple égyptien.
Naturellement, les Frères musulmans sont confiants dans leur capacité à mettre en place un programme économique, et donc ils le feront. Ils peuvent aussi craindre que ne pas soutenir ces réformes risque de les faire passer pour faibles, et incapables de protéger les intérêts occidentaux en Egypte.
Dans le but de mettre en œuvre sa réforme économique, l’Occident a de nouveau renié ses propres valeurs, a ignoré les déclarations constitutionnelle de Morsi qui font de lui le nouveau dictateur, mettant un terme à l’indépendance de la justice égyptienne.
Pourquoi l’ouest veut-il tellement mettre en œuvre un programme de réforme économique qui aggrave la situation des pauvres, tout en s’opposant au projet d’utiliser les ressources naturelles du pays qui permettraient de renforcer les secteurs de la santé et de l’éducation ? Pourquoi l’ouest insiste-t-il avec autant d’obstination à soutenir la politique de l’ère Moubarak qui ne fera que creuser le fossé entre les riches et les pauvres ?
Pourquoi refusent-ils d’appuyer les organisations démocratiques constamment réprimées depuis 1952 ? L’Europe et les Etats Unis ont soutenu la démarche des Frères musulmans pour mettre Israël à l’abri des roquettes du Hamas, mais ne savent-ils pas que le Hamas représente les Frères musulmans en Palestine, et qu’ils sont une seule et même chose ?
Les Frères musulmans sont une organisation fasciste
Il va sans dire que les Frères musulmans est une organisation fasciste, capable de gouverner le pays, et qu’elle peut faire ce que l’élite traditionnelle de l’Egypte n’a pas pu faire. Les occidentaux, la France surtout, voient dans le fascisme égyptien leur seule option, mais en réalité ce sont eux qui en ont fabriqué les conditions.
Les Frères musulmans, une bombe à retardement
L’Occident a choisi l’aile religieuse du fascisme comme agent, car ils sont les plus susceptibles de favoriser la propagation d’un projet conservateur et réactionnaire. Cependant, les Frères musulmans sont aussi une bombe à retardement, qui pourrait bien exploser et briser la poigne de fer de l’ouest sur la région.
L’Occident continue à voir l’Égypte avec des yeux colonialistes, et pour cette raison, il soutient les régimes réactionnaires, à condition qu’ils contribuent à préserver leurs intérêts stratégiques, peu importe les méthodes de répression qu’ils choisissent d’utiliser. Cependant, ce que l’Occident ne comprend pas, c’est que les organisations fascistes religieuses se nourrissent sur elles-mêmes, et si on les laisse se renforcer, elles finiront par retourner leur agressivité contre l’ouest lui-même, qualifiant le « Grand Satan » d’être la source de toute la corruption du monde.
Tout cela va se produire. Malgré le fait que l’Occident leur a fourni un soutien, et leur a permis de monter en puissance.
Les affairistes des institutions financières de l’Europe auront œuvré pour rien, car ils contribuent à l’émergence d’une entité qui leur est fondamentalement hostile en tant que civilisation, profondément enracinée dans les écrits de Sayyid Qutb.
L’Europe, et les Etats-Unis en particulier, ont déjà payé le prix de leur alliance avec les moudjahidines en Afghanistan, contre l’Union soviétique, et ils payeront le prix de leur soutien à l’islam politique dans le monde arabe.
Et dans pas très longtemps. La mort de l’ambassadeur américain en Libye n’est que le premier d’une suite d’actes de représailles.
Cependant, je pense que ce sera l’Europe, particulièrement la France avec son importante population musulmane, mûre au recrutement par des organisations islamistes radicales, qui paiera le prix du soutien aux Frères musulmans.
Toutefois, la revanche la plus douloureuse viendra très probablement des gens de la région eux-mêmes, qui voient l’Europe et les Etats Unis comme les financiers de ces organisations fascistes religieuses, qui sont en train de reconstruire les régimes répressifs du passé, mais cette fois avec une teinte religieuse.
© Farid Zahran, traduction et adaptation Dreuz.info
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