L'armée tchadienne a annoncé avoir tué samedi le chef islamiste Mokhtar Belmokhtar dans le nord du Mali, après avoir affirmé vendredi avoir tué l'un des principaux chefs d'al-Qaida au Maghreb islamique, Abdelhamid Abou Zeid, ce qui, si ces morts étaient confirmées, constituerait un sérieux revers pour les djihadistes. Mokhtar Belmokhtar avait revendiqué l'attaque contre le site gazier algérien d'In Amenas le 16 janvier, suivie d'une prise d'otages. Selon Alger, 37 étrangers de huit nationalités différentes, dont 3 Américains et 3 Algérien, y ont été tués par un commando de 32 hommes, dont 29 ont été tués et 3 arrêtés. "Les forces tchadiennes au Mali ont détruit totalement la principale base des djihadistes dans le massif de l'Adrar des Ifoghas, plus précisément dans la vallée d'Ametetai", samedi à 12 heures, a affirmé le même soir l'armée tchadienne dans un communiqué, précisant que "plusieurs terroristes" ont été tués, dont le "chef Mokhtar Belmokhtar dit le borgne".
Le décès de Belmokhtar a été salué, s'il est confirmé, par le républicain Ed Royce, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine. "Ce serait un rude revers pour l'ensemble des djihadistes opérant dans la région qui s'attaquent aux diplomates américains et aux salariés du pétrole", a déclaré Ed Royce. L'annonce de l'armée tchadienne intervient après celle vendredi par le président tchadien, Idriss Déby, de la mort d'un des principaux chefs d'al-Qaida au Maghreb islamique, Abdelhamid Abou Zeid, également tué par l'armée tchadienne, ce qui n'a pas été confirmée par Bamako, Paris ou Alger.
Une "annonce pour remonter le moral"
Mokhtar Belmokhtar est un ex-chef d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), organisation avec laquelle il est entré en dissidence en octobre dernier en formant sa propre unité combattante. Le président Idriss Déby a déclaré vendredi soir que l'Algérien Abou Zeid avait été "abattu" par les soldats tchadiens au cours de violents combats dans les montagnes du nord-est du Mali, près de la frontière algérienne. "Pas de commentaire" concernant la mort d'Abou Zeid, a-t-on déclaré laconiquement samedi à la présidence française. Des résultats de tests ADN, actuellement effectués enAlgérie, devraient être déterminants, selon la presse algérienne. Des officiers des services de sécurité algériens ont identifié l'arme mais pas le corps présenté comme celui du plus radical des chefs d'Aqmi, a rapporté samedi le journal algérien El-Khabar.
Ces officiers qui "traquaient depuis des années Abou Zeid ont authentifié son arme, qui était en possession des Français, mais ils n'ont pas été en mesure d'identifier formellement le cadavre", écritEl-Khabar, ajoutant que ni les forces françaises, ni les forces maliennes n'ont pu identifier le corps. En Mauritanie, en l'absence de réaction officielle, l'agence en ligne privée Sahara Médias a écrit samedi avoir "pu confirmer" à partir de sources "extrêmement bien informées" dans le nord malien la mort du chef djihadiste, sans cependant préciser ces sources. Mais des experts entretiennent des doutes sur la mort d'Abou Zeid. Le journaliste mauritanien Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali relève que "les Algériens l'ont plusieurs fois annoncée par le passé et que le président tchadien avait besoin d'une pareille annonce pour remonter le moral de ses troupes et de son opinion" après la perte de soldats.
Inquiétudes sur les otages
Mathieu Guidère, un universitaire français professeur d'islamologie, note aussi que ni Aqmi, ni aucun réseau islamiste n'ont confirmé l'information. "Or, l'expérience montre que les djihadistes ne cachent jamais leurs morts et en font immédiatement un martyr." Il souligne que la source initiale de l'information est le renseignement algérien. "L'objectif serait d'obliger Abou Zeid à communiquer pour démentir sa mort (...) et ainsi relocaliser sa piste grâce aux moyens de surveillance." "Je suis extrêmement dubitatif tant que ce n'est pas confirmé officiellement par les Algériens", ajoute un autre spécialiste français, consultant sur le terrorisme, Jean-Charles Brisard.
Quoi qu'il en soit, l'annonce de cette mort relance les inquiétudes sur les otages français au Sahel, dont au moins six sont détenus par Aqmi. Pascal Lupart, président du comité de soutien à deux otages enlevés en novembre 2011 au Mali, dit craindre que les otages se retrouvent aux mains de "seconds couteaux", si c'est bien Abou Zeïd qui a été tué. Mathieu Guidère estime que "quand les djihadistes sont attaqués, les représailles sur les otages sont quasi systématiques". C'est dans ce contexte militaire défavorable aux djihadistes que se situe l'annonce de la mort d'Abou Zeid.
Un responsable malien de la sécurité évoque "un coup dur pour Aqmi", tout en prévenant qu'elle "ne signifierait pas du tout sa mort ou sa fin". Cette organisation "est très structurée et peut sans doute amortir le coup", fait aussi remarquer Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali, directeur de l'agence privée mauritanienne en ligne ANI et spécialiste d'Aqmi. Les islamistes ne s'avouent pas vaincus pour autant. "Nous avons livré un combat sans merci aux troupes maliennes avec leurs complices français à 60 kilomètres à l'est de Gao vendredi", a déclaré à l'AFP le porte-parole du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'ouest (Mujao), Abou Walid Sahraoui. Un soldat malien a affirmé au contraire que l'armée régulière y avait "détruit une base du Mujao", qui a eu "beaucoup de morts".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire