En vue de leur grand-messe annuelle, sept des membres du G8, cette organisation informelle qui réunit les dirigeants de tous les pays qui comptent sur la planète (à la seule et négligeable exception de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud) avaient arrêté une position commune et définitive sur la Syrie.
Une conférence de paix se tiendrait dans les meilleurs délais à Genève. S’il était envisageable d’y admettre des envoyés du régime en place, ce n’était que pour leur signifier la seule perspective ouverte à Bachar el-Assad : celle de son départ.
À l’inverse, l’opposition était tenue pour représentative du peuple syrien. Accusé et, paraît-il, convaincu d’avoir franchi la ligne rouge en utilisant du gaz sarin, le maître de Damas s’était lui-même exclu de la communauté internationale. Il fallait d’urgence équiper la rébellion pour lui donner les moyens de lutter à armes égales. L’Iran, cela allait de soi, était pareillement indésirable à Genève.
Un seul pays n’était pas aligné sur cette position : la Russie. Mais, isolé comme il l’était, Vladimir Poutine ne ferait pas le poids…
En réalité, le front uni des « Occidentaux » était une passoire. La Syrie, disons les choses comme elles sont, est le cadet des soucis de l’Allemagne, du Japon, de l’Italie et du Canada, qui estiment assez sagement avoir d’autres chats à fouetter. La France et la Grande-Bretagne, ou plus précisément François Hollande et David Cameron, forts du précédent libyen, jugent urgent d’aller nous fourrer dans le guêpier syrien. Au moins, c’est ce qu’ils affirment pour la galerie. Quant à Barack Obama, lié par d’imprudents engagements et poussé au crime par les va-t-en-guerre de son pays et par l’étrange coalition des monarchies sunnites, de la Turquie et d’Israël, il hésite manifestement à ajouter une nouvelle erreur au long palmarès des bévues américaines, jalonné par l’humiliation vietnamienne, la catastrophe irakienne, l’échec afghan. On le comprend.
Résultat final : la conférence de Genève aura lieu « dès que possible ». L’Iran y sera bien sûr admis. Un gouvernement de transition, sans autre précision, est souhaité pour la Syrie. L’ONU poursuivra son enquête contre X sur l’emploi des armes chimiques. Quant à la Russie, elle continuera bien entendu de fournir à Bachar el-Assad les armements qui ont permis à celui-ci de tenir, puis de remporter récemment des succès contre la rébellion.
Un seul pays l’a emporté sur les sept autres. Vladimir Poutine a imposé sa ligne aux interlocuteurs qui l’ont affronté en ordre dispersé comme les trois Curiaces successivement vaincus en duel par Horace. C’est qu’il savait ce qu’il voulait, et qu’il voulait vraiment.
Après le meurtre de Concini, les juges qui interrogeaient la Galigaï, passée sans transition du palais du Luxembourg aux cachots royaux, cherchaient à savoir sur quelles manœuvres, sur quelles intrigues, sur quelles pratiques de sorcellerie la veuve noire du défunt favori de Marie de Médicis avait bâti son ascendant sur la reine. « C’est, leur répondit-elle, par le seul pouvoir qu’a une âme forte sur une âme faible. »
Dominique
Jamet
Journaliste et écrivain.
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.
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